Il devait manquer un rouage ou deux. Akuhei venait d’ôter un prototype sur lequel il avait commencé à travailler récemment. Son travail récurrent au service des soins classiques de l’hôpital lui avait permis de décanter certaines idées. il avait couché ces dernières sur papier avant de passer à la phase dessin de l’une d’elles. Clairement pas son plus grand talent mais il n’avait pas besoin d’être un grand artiste. L’essentiel reposait dans la reproduction fidèle des proportions et de la bonne présentation du système comme de son fonctionnement. Le croquis étant simpliste mais lui plaisant, il avait décidé de se lancer dans la confection d’un premier essai.

Le prototype était censé représenter une structure permettant d’accompagner un mouvement devenu trop compliqué. Il était plus sur une attelle qu’autre chose mais c’était une piste à ne pas négliger non plus. Même si l’objectif numéro un était de pallier au sentiment du membre fantôme qui touchait les estropiés, il n’excluait pas le fait de pouvoir aider d’autres personnes. Notamment dans la manutention pour assister les ouvriers dans des tâches compliquées. Il ne manquait pas d’idées, ni de travail. Le temps était sa seule limite.

Il avait déjà passé plus de six heures enfermé dans son laboratoire qui ressemblait maintenant plus à un dépotoir qu’à une salle d’hôpital. Il avait dû ramener toutes ses pièces détachées ici pour commencer son œuvre. Il comptait bien sûr tout vider avant son départ mais pour l’heure, la fonction première du lieu était quelque peu souillée. Mais c’était un homme comblé qui évoluait parmi ses petites pièces de métal, cherchant où assembler tel boulon.

Alors que le docteur se complaisait dans sa passion de bricoleur, le bruit de la porte le ramena à la dure réalité. Sûrement une infirmière ou un interne qui allait venir lui demander de cesser ses jeux de construction pour les soutenir aux soins. Alors qu’il activait ses tentacules au rangement de l’endroit, il ne fit pas attendre plus longtemps le nouvel arrivant en l’invitant à entrer. Il fut rassuré de croiser du regard un visage parfaitement inconnu. Il allait d’ailleurs se présenter mais la vision des prothèses en action sembla mettre en suspend sa phrase.

Immédiatement s’ensuivit une question sur ces appendices. La curiosité fit sourire le scientifique qui détailla son interlocuteur derrière ses lunettes noires.

- Un peu des deux à vrai dire. Du moins tout dépend de l’usage que j’en ai. Ici pour des tâches simples, guères besoin de chakra. Sur le terrain c’est une autre affaire.

Après le contentement d’un visiteur curieux, le médecin apaisa le ballet de cliquetis métallique, comprenant qu’il n’avait pas forcément besoin de quitter les lieux. Il se pencha de nouveau sur son mécanisme devant lui. Un coup d’œil d’ensemble avant qu’il ordonne mentalement à une de ses prothèses de se saisir d’un tournevis plus loin. Une fois l’outil dans sa main originelle, Akuhei reprit la parole.

- Itsuru Akuhei. Je peux vous aider ? demanda-t-il avant de se remettre à bricoler.

Chikkou ne répondit pas immédiatement.
Plongé dans son esprit il tenta de se visualiser avec des tentacules de fer… Il s’imaginer cultiver ses plants, diffuser son chakra au travers de ses tentacules et, étrangement – ou pas, d’ailleurs – ça ne lui plut pas.
Il était trop proche de la terre et du contact avec les champignons pour pouvoir accepter qu’une partie de lui perdrait ce sens…

Il revint rapidement à lui, avisa le petit chantier qui occupait le laboratoire. Il y avait de tout, d’absolument tout. Du bric, du brac et, surtout, du broc. Pièces métalliques, en verre, en matériaux composites…
Que se tramait-il ici ?

« Kinoko Chikkou, enchanté. »

Il tendit sa main droite et se demanda si l’homme allait la lui serrer avec sa propre main, ou bien avec l’une de ses prothèses.

« Une connaissance… Une connaissance d’une connaissance m’envoie car j’aimerais en apprendre un peu plus sur l’anatomie et les bases de la médecine. »

Notre Kinoko marqua une pause, qui aurait pu-être interprétée comme la fin de son intervention, avant de se passer la main gauche sur le menton.
Son intervention ne lui convenait pas. Elle portait à confusion, pouvait laisser entendre qu’il souhaitait devenir médecin lui-même.
Il se reprit.

« Pour être tout à fait exact, je pense que des connaissances en médecine – même tout à fait basique – me seront utiles à l’avenir. Comme vous pouvez le voir » Il pointa le bandeau à son front. « je suis un shinobi et les attributs de mon clan me permettent d’accéder en permanence à un large éventail de champignons en tous genres. »

Il inspira pour marquer une nouvelle pause. Il se retint de dresser un inventaire forcément non-exhaustif des champignons déjà à sa disposition.

« La médecine pourrait me permettre de tirer partie d’un nouvel aspect de mes compétences qui me sera nécessairement utile à l’avenir. »

Chikkou, malgré son optimisme et son avenance naturelle, n’avait pas l’habitude de demander l’aide des autres. C’était déjà arrivé, bien évidemment, mais il se débrouillait généralement pour qu’on la lui propose.
Il inspira de nouveau, planta son regard doré dans ceux de l’Itsuru.

« J’aimerais que vous m’appreniez les bases, monsieur. Je me débrouillerai pour vous rendre l’appareil, soyez en certain. »

Il ne s’inclina pas. Il n’essaya pas de se faire pleurer ou de faire croire à Akuhei qu’il était son dernier recours. Cela ne ressemblait pas à Chikkou.
Il se contenta de le fixer avec ardeur, tout en priant des dieux auxquels il ne croyait pas.

Un membre de la famille héréditaire de Jäa. Assez surprenant qu’une telle engeance se retrouve dans un lieu comme Suna. Le pays n’était pas forcément le plus adapté à l’épanouissement de leur don. Ceci dit, la présence de Jäa ici était bien différente. Akuhei doutait que son interlocuteur soit là pour une raison similaire. Une information qu’il ne récolterait certainement pas aujourd’hui, voire jamais.

Le dénommé Chikkou se retrouvait ici par un hasard fortuit, ou pas. Il avait apparemment usé de connaissances pour arriver jusqu’ici afin d’en apprendre un peu plus sur la médecine. Le scientifique haussa un sourcil derrière ses lunettes. Tout ce chemin pour venir le trouver lui ? Il y avait bien d’autres médecins dans cette structure. Pourtant il se retrouvait là. C’était assez étrange mais les relations du jeune homme devait l’avoir mené jusqu’à lui car les autres n’étaient pas disponibles ou pas intéressés. Son statut de nouveau au sein du village le rendait sûrement bon client de ce genre de « cadeau ».

Le partage de connaissances ne le dérangeait pas néanmoins, tant que cela ne le handicapait pas dans sa progression personnelle. Un élève curieux de sa science était toujours flatteur mais extrêmement chronophage. A moins qu’il ne soit le genre à se taire et observer attentivement plutôt qu’à accabler de plusieurs questions. Pesant le pour et le contre d’une telle décision, Akuhei reporta de nouveau son regard sur le prototype en face de lui. En même temps, un de ses tentacules se glissait au-dessus de l’établi pour aller lui chercher un rouage. Une fois en main propre, il tripota un instant le petit objet sans détourner les yeux de son œuvre initiale. Il fit tourner la pièce de métal entre ses doigts avant de dévisager de nouveau son invité du moment.

- Un Kinoko hein ? Je connais un peu votre clan pour avoir grandi avec l’un de vous. Un talent très particulier mais ô combien intéressant en effet. Surtout lorsqu’on a quelques connaissances en médecine. Je ne puis vous garantir une restitution fidèle de tout mon savoir mais si vous acceptez de ne pas me gêner dans mon bricolage je veux bien répondre à quelques premières questions.

Akuhei reprit alors véritablement sa tâche, tout en gardant une oreille attentive aux dires du jeune homme comme il venait de lui promettre. Malgré son travail, une partie de son cerveau restait disponible à cette discussion. Il fut même partisan de la poursuivre par une question.

- Comment maîtrisez-vous votre don actuellement si vous n’avez pas encore les bases médicales ? Vous en êtes resté à de la création fongique ou au moins le pollen ?

Le mécanisé sembla hésiter un moment, et Chikkou perçut ce point. Il hésita lui-même.
S’agissait-il d’en rajouter une couche, ou bien lui laisser le temps de peser le pour et le contre ? Les deux options se valaient et, hélas, si une moitié de la population détestait qu’on la harcèle, qu’on lui répète ce que l’on venait à peine de dire, l’autre voyait en cette action une preuve d’engagement, de désir réel.
L’hésitation de Chikkou laissa à Akuhei le temps de lui répondre, sans qu’il ne sache vraiment à quelle catégorie appartenait l’Itsuru.

La mention d’un Kinoko, même totalement inconnu – Chikkou ne connaissait qu’une seule personne portant ce même nom, et c’était sa mère – suscita beaucoup de curiosité chez notre champignon, mais il choisit de répondre tout d’abord à l’unique demande de son interlocuteur.

« Je peux faire ça ! »

Il pouvait faire ça, il le savait pertinemment. Du calme et de la clarté dans le propos, il en était capable, comme lorsque sa mère s’occupait des émissaires de l’empereur.

« Les spores, » Il ne put s’empêcher de le reprendre « ce sont des spores. Oui, pour de la sensorialité principalement, ainsi que pour créer mes champignons ailleurs que sur mon corps. »

Il réfléchit un instant, ça n’était pas tout.

« Je peux également créer directement du mycélium, qui peut s’avérer très pratique lorsqu’il s’agit de ralentir ou adhérer à une surface. »

C’était à peu près tout. Sensorialité, spores, poison. Et du mycélium, beaucoup de mycélium pour rendre viable des compétences shinobis encore trop peu agressives. Mais ça viendrait, j’en suis convaincu.
Derrière la joie de notre Chikkou national se tapit un quelque chose qui n’attend que d’être libéré. Croyez-moi.

« Je ne suis pas bien sûr de comment tout cela va se passer, mais j’ai deux questions. »

Il réfléchit un instant à ses mots. Il faudrait être clair au possible.

« Je suis un utilisateur de poisons, notamment sous la forme de spores. Principalement sous cette forme d’ailleurs, mais je sais que mon clan peut également utiliser des moisissures plus fines et qui se répandent dans le sang. Je me demandais s’il existait des points du corps à viser en priorité pour décupler l’efficacité de telles moisissures. »

Il ne cherchait pas à soigner, il cherchait à mieux vaincre. Il ne serait probablement jamais un médecin, mais un debuffeur, du genre à élimer la résistance ennemie pour ouvrir la voie aux siens.
Mais il ne l’avait pas encore compris.

« La seconde est un peu plus simple : sur quoi travaillez-vous ? D’ailleurs, n’hésitez pas si je peux vous aider… »

Sa voix se suspendit lorsqu’il reprit conscience des quatre tentacules. L’Itsuru n’aurait probablement jamais besoin de son aide.

Une fois n’est pas coutume, Akuhei était lui-même repris sur des termes scientifiques. Guères porté sur la botanique, le Kinoko lui fit remarquer qu’il s’agissait de spores dans leur cas, le pollen s’appliquant en effet aux fleurs. Amusé de cette erreur reprise par le jeune homme, il ne s’en offusqua pas. C’était tout l’intérêt de ce genre d’échange, justement. L’information serait maintenant gravée et ne serait pas oubliée de sitôt.

L’usage qu’il en avait semblait à la fois sensoriel et pour le support d’autres champignons. Très intéressant. De nouvelles notes mentales s’ajoutèrent dans l’esprit de l’Itsuru déjà très encombré mais ô combien organisé. Le jeune homme faisait également usage du mycélium dans un objectif de déstabilisation de sa cible. Un usage simple mais astucieux. Au cours des années de formation qu’il avait donné, Akuhei avait souvent observé ce phénomène de concentration sur un seul aspect d’un pouvoir. Beaucoup oubliaient les autres applications qu’il pouvait y avoir dans un seul talent. Le dénommé Chikkou semblait ne pas en faire partie. Fort heureusement car il était actuellement l’interlocuteur d’Akuhei qui se serait vite lassé d’un esprit inférieur pour converser.

Le médecin allait néanmoins s’étonner de ne point entendre parler de poisons. Pour le coup il s’agissait d’un panel vite exploité dans ce genre de capacité. A son grand soulagement, ce fut la suite des propos du Kinoko. L’usage récurrent du poison s’opérant par le biais des spores. Une facette extrêmement puissante de ce don héréditaire. Beaucoup avait pu se moquer de Jäa lorsque le complexe existait encore. Akuhei s’était toujours méfié. Il avait un pouvoir très dévastateur s’il lui venait l’envie de l’utiliser ainsi. D’ailleurs Chikkou semblait décidé à en faire ainsi. Il souhaitait avoir des renseignements d’un expert de l’anatomie pour connaître les points clés. Toujours à ses affaires, l’Itsuru était capable de suivre, répondre et bricoler en même temps.

- Les voies respiratoires évidemment. Des muqueuses idéales à l’adhérence de vos spores pour un effet d’autant plus redoutable si votre cible ne peut s’en défaire. Et toute blessure devient une arme à ce compte donc ne lésinez peut-être pas l’usage d’armes blanches. Si ce n’est pour achever un ennemi, le saigner suffira à le mettre en danger face à votre poison.

En tant que médecin, cela n’inquiétait pas outre mesure Akuhei qui savait pertinemment qu’il pouvait se soigner dans ce genre de situation. Néanmoins, ce n’était pas le cas de tout le monde. Un homme averti en vaut deux, aussi se savait-il capable de régler un tel problème mais pour quelqu’un n’ayant aucun connaissance médicale, cela pouvait signer la fin de l’affrontement.

- De plus, je ne doute pas que vous serez capable de trouver d’autres applications à tout ce panel que vous offre votre capacité. Continuez d’y réfléchir.

Akuhei ne comptait pas lui mâcher le travail. Ce n’était sûrement pas comme ça qu’il en était arrivé là. La réflexion était la meilleure arme d’hommes de science comme eux. Laisser un tiers faire toute la besogne serait stupide et ne leur permettrait pas de progresser convenablement. Etant aussi curieux sur le plan des connaissances que sur le travail de l’Itsuru, le docteur n’eut pas le luxe de se reposer la langue. Encore le nez dans ses rouages, il accueillit la question et la proposition avec un bref ricanement.

- Je devrais m’en sortir, merci à vous. Il s’agit là d’un exosquelette que je souhaite développer dans un but médical. Même s’ils représentent un pourcentage assez faible, il y a des estropiés qui pourraient avoir besoin de ce matériel. Si j’en ai moi-même bénéficié, je tiens à ce qu’il en soit de même pour les autres. Et à moins que vous n’ayez des connaissances particulières en mécanique, votre aide risquerait fort d’être désuète.

Ce n’était pas vraiment de l’arrogance, plus de la logique. Ils avaient tous deux la fibre scientifique mais il ne viendrait pas à l’esprit de l’Itsuru de donner un cours de botanique au Kinoko. Son savoir médical pouvait les rejoindre sur certains points, dont un mit la puce à l’oreille du mécanicien.

- D’ailleurs vous ne souhaitez pas vous spécialiser dans le soin ? Les spores sont redoutables mais très volatiles. Que feriez-vous si l’un de vos compagnons de mission venaient à en inspirer lui aussi ?

Les voies respiratoires, évidemment. Chikkou était au courant de cela. Les poumons étaient le point faible d’absolument n’importe quel être humain lorsqu’il se retrouvait contre un Kinoko. Les poumons pouvaient êtres chargés de poison,  mais certains membres du clan mycélaire s’en servaient également pour mystifier leurs adversaires au moyen de puissants genjutsu.
La mention d’armes tranchantes surprit néanmoins Chikkou. Il n’y avait jamais pensé, absolument jamais. Une arme de bonne facture, et surtout bien maniée, lui donnerait la possibilité de manipuler les persécuteurs de l’empire sans pour autant craindre qu’ils se retournent contre lui.
Il nota dans un coin de son esprit de commencer un entraînement en ce sens.

« Effectivement, le corps-à-corps me permettrait d’épaissir mon style de combat, sans pour autant le rendre trop complexe pour moi. Une nouvelle corde à mon arc, en somme. »

Notre champignon ne connaissait aucun sabreur, il en était convaincu. Mais l’entrevue actuelle était la preuve formelle que ça n’était pas un problème, qu’il trouverait quelqu’un au village capable de l’aider.
Il écouta attentivement les paroles d’Akuhei quant à son travail. C’était tout bonnement fascinant. L’homme ne possédait donc pas seulement des compétences médicales, mais aussi une vision particulière qui lui permettait de les mettre en œuvre pour aider son prochain. Il pensait visiblement plus loin que lui-même.

« Haha... » Le rire gêné de Chikkou était sans équivoque. « Vous avez définitivement raison. »

Le champignon se gratta les cheveux, les joues légèrement rougies par la gène. Il n’était pas manuel, et encore moins bricoleur. Il avait du mal avec les réparations les plus classiques, alors de là à partir vers de l’orfèvrerie… Mais vous m’avez compris.

Chikkou réfléchit un instant avant de répondre à l’homme. Il y avait une raison, bien évidemment.

« A vrai dire, mon contrôle du chakra n’est pas assez fin pour cela. Ma mère, qui m’a formé au ninjutsu, pratique elle-même les techniques médicales… Sauf que je n’ai jamais réussi à faire de même. Je suis capable de moduler mon chakra dans une certaine mesure pour le convertir en spores ou en mycélium, mais je suis incapable de maîtriser la finesse inhérente aux arts médicaux. »

Il marqua une pause, tandis qu’un bref souvenir des fous rires de sa mère face à l’inaptitude de son fils aux techniques les plus rudimentaires de la médecine.

« Je suis néanmoins capable de créer des remèdes ou des vaccins à durée limitée pour mes propres poisons. »

Enfin, pour être tout à fait honnête, cela ne faisait pas très longtemps qu’il y avait pensé et ça n’était pas encore tout à fait au point.

« Mais vous avez raison : il me faudrait être capable de vider rapidement un espace de mes spores empoisonnés, de sorte à ne pas devenir une plaie pour mes coéquipiers. »

Le combat à l’arme permettrait à Chikkou de ne pas s’appuyer que sur des techniques trop volatiles, et donc dangereuses pour ses alliés… Mais un Kinoko restant un kinoko, il serait forcé d’y recourir, tôt ou tard.

« D’ailleurs, je sais bien que cela n’a pas vraiment rapport à la médecine, mais… Auriez vous une idée ? Ou mieux, une piste à creuser en ce sens ? »

- De la finesse ?! Du sérieux et de la concentration surtout. La médecine n'est pas une science d'élite, il existe de nombreuses personnes capables de vous enseigner les rudiments. Le reste vient par la maîtrise et la nécessité d'un soigneur sur le champ de bataille.

Profitant d'être affairé à sa manufacture, Akuhei pouvait profiter du couvert de ses lunettes teintées pour laisser aller son regard vague. Les lointains souvenirs de carnages et de nombreux frères ou sœurs aux portes de la mort. Très souvent, l'Itsuru n'avait pu que les accompagner pour qu'ils en franchissent le seuil. Assister à une telle scène était suffisamment éprouvant pour l'Homme. Être fréquemment exposé à cette épreuve changeait radicalement sa façon de voir le monde. La principale motivation du médecin était de s'améliorer au fur et à mesure pour finalement atteindre l'apothéose de tout docteur : être au chômage. Une utopie éternelle. Les affres de la vie des shinobis avaient poussé Akuhei dans cette voie et il poursuivrait indéfiniment ses travaux.

Son interlocuteur semblait capable d'au moins avoir quelques remèdes à ses poisons. Ses dires laissaient sous entendre qu'ils n'étaient pas d'une efficacité redoutable. Ce qui amena finalement l'Itsuru à lever les yeux de ses travaux. Pouvait-il en vouloir à ce jeune homme ? Pour lui qui s'était dévoué à cette tâche, il lui arrivait de ne pas comprendre la nature humaine. Consciente des maux de son existence, et tant d'âmes n'essayant même pas de s'intéresser un tant soit peu à ce qui pourrait pérenniser leur espèce. Une triste constatation qu'il avait dû maitriser avec le temps pour ne plus souffrir de cet éternel questionnement. Il lui arrivait de ressurgir par moment. Mais la raison, teintée de résignation, étouffait cette étincelle rapidement. Tout comme il ne chercha pas plus à convaincre le Kinoko de s'intéresser au domaine médical.

Interrogé pour des conseils tactiques, Akuhei tourna le dos à son établi de travail sur lequel il se reposa pour réfléchir. Pendant ce temps, les prothèses continuaient leur machination. Le meilleur moyen pour lui de travailler. L'esprit dans sa réflexion et les mains affairées à un usage manuel. Même si ici, les naturelles finirent croisées sous ses bras contre le torse alors que les pinces mécaniques bricolaient sur ordre de leur maître.

- J'imagine que vos "remèdes" ne sont pas aussi fiables que nos moyens de détection et de neutralisation des poisons. Aussi vous auriez en effet besoin d'une tactique d'évacuation, ou en tout cas de protection de vos alliés. A moins que vous ne vous investissiez pleinement dans l'usage de votre don par le biais de vos armes.

Une main quitta l'étreinte brachiale pour venir attraper le menton de l'Itsuru. Il se doutait que la question ne lui serait pas posée si l'intéressé avait opté pour ce style de combat. Les méninges cliquetaient en cadence des bruits mécaniques du ballet tentaculaire. Il lui fallut quelques secondes pour lâcher son visage et revenir à des bras fermement croisés sur son torse.

- Vous maîtrisez le Fûton ? Du Ninjutsu basique vous permettrait d'évacuer rapidement des spores potentiellement nocifs. Néanmoins il faudrait pouvoir le contrôler à la perfection pour ne pas rendre caduque votre jutsu. Que vos alliés soient à l'abri est une chose mais si vous dispersez votre jutsu de la zone où se trouve vos cibles premières, vous aurez juste perdu du chakra inutilement.

Une autre idée lui était également venue sur le coup. Il préféra néanmoins laisser l'occasion à son interlocuteur de répondre à sa question. Ceci fait, il enchaîna pour une seconde proposition.

- Quel format pouvez-vous donner à vos champignons ? Si vous êtes capables d'en former d'une grande taille, ils pourraient devenir des points de mire pour vos alliés. Néanmoins cela leur demanderait de ne pas se battre au sol.

Spoiler:

Le docteur redressa son regard de son affaire pour le reporter sur son invité Kinoko. Il l'interrogeait sur quelque chose qu'il venait déjà de lui expliquer. L'Itsuru était un homme ayant beaucoup enseigné par le passé, aussi la répétition ne le dérangeait pas. Il était seulement étonné. Peut-être que ce jeune homme n'avait pas l'étoffe d'un médecin finalement s'il était aussi distrait.

- Pour mettre à l'abri vos alliés. Soit pour leur fournir un endroit sûr si vous faites "pleuvoir" vos spores, soit pour leur permettre de prendre un peu de hauteur pour des techniques à même le sol. Mais dans ce cas, si vous combattez aux côtés d'attaquants au corps-à-corps ce sera très handicapant pour eux.

La maîtrise des Kinoko n'était pas si aisée. Elle permettait bon nombre d'applications mais il fallait une excellente maîtrise de son chakra pour en faire usage de manière efficace. La moindre faute d'inattention pouvait faire basculer l'affrontement d'un côté comme de l'autre. Akuhei en avait l'expérience de par son demi-frère Jäa. Ils avaient une arme redoutable qui impliquait un savoir irréprochable. Il espérait que ce Kinoko là en était conscient. Il n'effrayait pas l'Estropié qui avait les moyens de s'éviter le rôle de dommage collatéral dans ce genre de conflit. Si la manipulation des champignons était une arme redoutable, la médecine en était une tout aussi efficace.

- Votre histoire de jutsu d'annulation m'intrigue cependant. Vous parlez d'une technique permettant de rendre vos spores inopérant ? Mais dans ce cas, vos cibles seraient sorties d'affaire. Quel intérêt auriez-vous à faire ça ? Alors qu'un antidote vous offrirait une excellente protection pour vos camarades. A moins que ce jutsu dont vous parlez soit suffisamment pointu pour isoler les spores destinés à l'adversaire et ceux susceptiblement en contact avec votre entourage. Dans ce cas en effet ça serait la parfaite technique à connaître pour combattre en toute sérénité à vos côtés.

Ce point le surprenait. Se pouvait-il que ce soit aussi "facile" ? Une telle technique apparaissait comme le remède miracle mais si elle existait bel et bien, elle serait en effet très pointilleuse et le Kinoko devrait redoubler d'efforts pour la maîtriser pleinement. Akuhei était soudainement curieux et aurait aimé avoir plus de renseignements là-dessus. Tout comme cette histoire de livre au savoir ancestral titillait son instinct de curiosité scientifique. Lui-même n'utilisait pas le poison mais il s'y intéressait évidemment pour en connaître les spécificités, et ainsi mieux le traiter dans les soins qu'il prodiguait. Il doutait que la suite se fasse de la manière la plus simple qui soit mais depuis son arrivée au village, Akuhei avait appris que ceux qui n'essayaient pas échouaient.

- Et si vous aviez la possibilité de me prêter ce livre, je ne serais pas contre. Je suis un scientifique curieux et il m'intéresserait de mieux comprendre comment se développent les spores de vos champignons si singuliers. Si cela ne vous fâche pas avec votre famille bien sûr. Ce genre de savoir est souvent jalousement gardé et s'il m'était partagé je saurais en taire les particularités.