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[Terminé] L'amour d'une mère [solo]
 :: Reste du monde :: Pays neutres :: Kusa no Kuni Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Inu Sora
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Si j'avais trouvé le pays du feu et ses immenses forêts des plus magnifiques, c'est que je n'avais pas encore eu l'occasion de poser les yeux sur les plaines de Kusa no Kuni. Des jours durant j'eus le plaisir de courir dans les hautes herbes éclaircies de fleurs, sous le seul regard rougissant de fierté d'un ciel d'été. Qu'il était bon de se retrouver de nouveau seule, voyageant pied nu, sans contraintes de "patrons", de "pognons"... Même si j'allais retrouver Ishiyato et la brute qu'il avait déniché, je prenais un intense plaisir à cet instant de solitude, de liberté retrouvée, avant de me plier aux exigences de ce putain de monde.

La poussière et le pollen me faisait constamment tousser ; regardant l'argent qu'il me restait, je me décidai à passer la nuit dans la petite ville qui se dressai devant moi. Je plissai les yeux. A sa bordure se dressai des ruines centenaires d'un bâtiment imposant, déchirant la plaine par ses blocs grisâtres de granit.

D'un pas plus léger qu'à l'ordinaire, je passai les grands portes du village. Hô... Hôzuji... ko... kijo ? Ces signes n'avaient toujours pas vraiment de sens, mais je faisais des progrès indéniables. C'était l'une de ces villes étapes avec des établissements thermaux et une flopée de restaurant en tout genre. D'ailleurs, j'en repérai un ou deux qu'il faudrait que je visite, si jamais je trouvai un peu plus de ces billets précieux. La ville s'ouvrait devant moi, dans laquelle j'évoluai lentement, mon baluchon sur l'épaule, guidée par les flèches d'un quelconque parcours touristiques ; je ne comprenais rien, ça non, mais cette simple et paisible marche fit s'accroître mon sentiment de bien être. J'en oubliai certains de ces humains qui me dévisageaient, certains gamins qui pointaient mes cornes, ma vieille cape. Jusqu'à ce que je le vis.

Ce mot là, je réussi sans peine à le le lire. Prison. Un frisson me parcouru l'échine.

Devant moi se dressait les ruines d'un autre nid à vermine, l'un de ces endroits où on rêve tous de grandir. Certains murs s'élevaient encore sur plusieurs mètres de hauteur ; d'autres avaient été fracassé par le temps ; les derniers, fondus par des flammes qu'un énième dieu avait balancé là. La nature avait repris ses droits sur ces cachots, mais timidement ; on aurait dit que la haine et la misère qui avait empoisonné l'endroit continuait à vivre, des années après que le vent ait éparpillé leurs cendres aux quatre coins de Kusa...

- Attendez ! Aidez-moi, aidez-moi, aid...

Absorbée par cette désolation, je n'avais pas vu la silhouette qui se découpai au milieu des ruines. J'eus un mouvement de recul, mais m'immobilisai soudainement ; une femme sans âge se précipita sur moi, et se jeta à mes pieds. Elle sanglotait lamentablement, agrippant ma tunique comme une mère s'accroche à son enfant. Lorsqu'elle releva son visage poussiéreux vers moi, je vis ce qui, un jour, avait été une jeune femme ; ses traits étaient ravagés par la détresse, sa belle robe noire, déchirée par les pierres. Sa dignité, ses espérances se réduisaient à se lamentable sanglot.

- Jeune fille, je vous en prie...

Les larmes dévalaient ses joues, les hoquets lui coupèrent la parole. Allez, Sora. La dernière fois, t'as réussi à te contrôler, hein ? Tu vas faire pareil. Quel chien ferais-tu si tu n'aidais pas une femme réduit à son expression la plus lamentable ?

- Calmez-vous d'abord.

Ma voix était toujours la même, incisive, déchirante. Une lueur de peur, de frustration passa dans les yeux de la jeune femme. Cette lueur se fit mélancolique, puis désespérée. Elle se laissa glisser le long de mes jambes pour se vautrer par terre, secouée de sanglot. Lentement, j'accompagnai son mouvement, et m'accroupis à ses côtés ; un regard en arrière m'appris que nous étions observées.

J'agrippai son menton et la forçai à croiser mon regard. Elle parut d'abord surpris, puis avala sa salive.

- Vous voulez que je vous aide, dite-moi pourquoi.

Franchement, à ce moment là, j'ai vraiment réussi à sourire. Ca n'a pas eu l'effet escompté sur la pauvre femme, qui fut prise par un violent sanglot, qu'elle ravala, les lèvres tremblantes. J'écartai une mèche de cheveux blond pâle qui tombait devant ses yeux ; elle avait une odeur de cendre.

- C'est c'est...

Incapable de continuer, elle ferma les yeux, et expira lentement ; elle s'assit en tailleur face à moi, et lorsqu'elle vrilla son regard dans les miens, ce n'était plus une créature fragile que j'avais devant moi, mais une déesse de rage et de fureur.

- Ils ont prit mon enfant, ils me l'ont volé. Ils disent que je suis folle. Ils disent que je l'ai enterré, qu'il est mort, et que je dois passer à autre chose.

Sa main droite s'agitait de manière compulsive ; elle la desserra légèrement, et un éclair argenté s'en échappa. Un bracelet. Un bracelet d'enfant. Avant que j'ai pu me pencher dessus, une voix masculine arriva à mes oreilles, je me retournai brusquement :

- Ola toi ! L'écoute pas, c'te sorcière, elle va te jeter un sort comme elle a jeté un sort à son fils !

J'agitai la main en signe d'assentiment. Si Ishiyato m'avait bien appris quelque chose, c'est qu'il fallait pas répondre aux abrutis, ça les instruis. Détournant mon attention, je le reportai sur la jeune femme. Une haine sans pareille flambait dans son regard.

- Ils viennent me voir quand ils ont besoin d'une infusion, d'un remède, cracha-t-elle avec hargne, mais quand c'est moi qui leur demande de l'aide, ils me claquent la porte au nez.

Elle se ressaisit, et attrapa ma main.

- T'es une étrangère, ma belle, alors toi tu peux m'aider. Quand je leur ai apporté mon enfant pour qu'il le soigne avec leur magie, ils m'ont dit qu'il n'y avait rien à faire. Ils l'ont mis en terre si vite que je n'ai pas eu le temps de le serrer une dernière fois dans mes bras.

Passant sa main libre dans ses cheveux, elle ravala un sanglot.

- J'ai trouvé ça, à l'endroit exact où tu te tiens. Ce bracelet, il n'avait jamais quitté son poignet, il avait été enterré avec, ça, je le sais.

Elle me tendit la chaînette argentée. Faite pour un poignet de bébé, on pouvait y lire quatre lettre. Haru.

- Alors aide-moi, je t'en supplie, je...

Lentement, ma main se leva, à quelques centimètres de ses lèvres. Mon sourire n'était plus qu'une ombre, mes yeux, l'authentique miroir de sa colère. J'aurais tué pour avoir une mère, elle m'avait dit qu'on avait pris son gosse. Pauvre chose. Brebis galeuse.

- Mène moi là où on l'a mis en terre, ton garçon. Et raconte moi.

Je me relevai, lui tendant la main. Elle s'y accrocha, et d'un mouvement sec, je la relevai et nous nous tournâmes vers l'homme qui sucer goulûment sa gourde de saké. Encore un ivrogne. Franchement, j'ai pas de chance avec eux. Si j'allais devoir lui casser gueule, j'allais pas m'en priver. On ne bafoue pas l'honneur d'une mère. Si ce marmot respirait encore, j'allais lui rendre.

Haru...


Dernière édition par Inu Sora le Mar 9 Fév - 16:28, édité 1 fois
Inu Sora
(#)Lun 16 Nov - 15:03
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Me voilà donc affublée d'une mère en deuil. Je la pris par le bras, et elle m'appris son nom, Chiiro. Elle a dit que Sora, c'était jolie. C'est bien la première fois qu'on me sortait un truc pareil. Il y avait quelque chose qui clochait, dans cette histoire... Elle m'a dit que son fils avait été déclaré mort, qu'elle l'avait enterré, mais qu'elle n'y croyait pas... N'avait-elle donc pas vu le cadavre de son fils ? Son petit corps inanimé vêtu de ses plus beaux atours pour finir entre quatre planches de bois ? C'était à ne rien comprendre.

Lorsque nous passâmes devant l'ivrogne, il nous gratifia d'un regard entendu ; je l'entendis se racler la gorge, et cracher un mollard derrière nous. Aussi beau soit-il, le pays de l'herbe n'avait rien d'accueillant. Autant parcourir ses plaines que rencontrer ses riverains...

Son pas était lent, sa prise sur mon bras, bien assurée, mais je n'en tenais guère compte ; son contact était franc, et sa peau des plus brûlante, comme si une quelconque fièvre la rongeait. Un rapide examen confirmèrent mes soupçons : ses yeux n'étaient pas seulement humide de larmes, mais vitreux, son teint était anormalement pâle, tout comme les légers tremblements qui l'agitaient. Cette femme n'était pas seulement désespéré, elle s'appuyait sur moi car elle pouvait à peine marcher.

Petit à petit, tandis qu'elle s'abritait les yeux des lumières dansantes des braseros allumés à cette nuit tombé, sa langue se délia, et elle me parla, sur l'interminable chemin du cimetière.

- Ma famille a toujours vécu de manière nomade dans les plaines du pays de Kusa. Ces dernières années, avec l'afflux de réfugié et de prisonnier, nous avions pas mal de heurts avec des voyageurs qui nous prenaient pour des simples amuseurs de foire. Mon père a eut les deux mains tranchées car un vagabond l'avait accusé de vol. Il est en est mort. Ma mère... Toujours est-il que Haru et moi, nous sommes tout ce qui reste des Nomades de Kusa. Son père est mort de maladie, voilà deux semaines, je n'ai rien pu faire pour le soulager, aucune de mes tisanes ou cataplasmes n'a fonctionné.

Un sanglot lui serra la gorge, mais elle ravala sa peine. Bien triste existence détruite par un sort aussi hasardeux que la maladie, la faim, et la folie.

- Quand Haru est... est tombé malade, je l'ai porté au médecin le plus proche et...

Sa main se serra sur mon bras, dans lequel elle planta profondément ses ongles.

- Il m'a dit qu'il n'y avait plus rien à faire, que mon petit avait été mal nourri, que c'est pour ça que son corps ne luttait pas contre la maladie. Ce n'était qu'une fièvre, une simple fièvre, avec une légère toux et...

A son tour, une quinte de toux l'obligea à se plier en deux ; elle cracha du sang par terre, un sang noir mêlé de poussière.

- Le lendemain matin, alors qu'ils m'avaient dit qu'il l'avait examiné toute la nuit, ces chiens me dirent qu'il était mort, mon petit garçon, emporté par la fièvre... Ils ne m'ont même pas permis de le voir, seulement de me rendre au cimetière pour l'enterrer, que tout avait été organisé... Je ne me souviens plus, je ne me souviens plus de rien après ça seulement que... Que j'ai trouvé sa gourmette plus loin, par terre, alors qu'il ne l'a quitté jamais...

Elle peinait à reprendre son souffle, vacillante sur ses pieds. Les riverains se faisaient plus rares, sur le chemin du cimetière, et la plupart nous jetait des regards en coin. Il fallait les comprendre, au vue du tableau qu'on leur offrait... Des cornes, des cheveux roses, avec au bras un fantôme en noir... Tout droit venu d'un autre monde.

Nous arrivâmes devant le cimetière de la ville, endroit lugubre : j'avais toujours haï les endroits dans ce genre, qui puaient la mélancolie et la mort. Un lourd portail, encore ouvert malgré l'heure tardive, donnait accès à un nombre incalculables de tombes, certaines droites, d'autres blessée par le vent des plaines de Kusa. Chiiro me mena dans un endroit particulier du cimetière, une section au portail surmontée d'un masque au nez en forme de bec. Ca ne me disait rien qui vaille.

Je la vis se planter devant un petit monticule, surplombée d'une pierre grise, où seulement quatre lettres étaient inscrites ; elle se laissa tomber à genoux, les mains sur les yeux, étouffant ses pleurs.

Mon regard se promena autour d'elle ; manifestement de nombreuses personnes avaient erré ici et là dans cette partie du cimetière, beaucoup plus que dans les autres sections. Lentement, je m'accroupis devant la tombe, et humais un grand coup. Odeur d'humus, vermine en tout genre... Odeur de terre retournée. Quelqu'un avait gratté, ici. Avait enlevé quelque chose.

- Pousse toi Chiiro.

J'imprimai une légère poussée à la mère, et elle retomba sur ses fesses par terre, impuissante, me fixant avec ses deux yeux maladifs et luisants.

- La seule manière de savoir si ton garçon est là, c'est de le sortir de sa boîte.

A peine m'étais-je mis à l'ouvrage que, d'une main faible, elle voulu m'en empêcher ; ses doigts se posèrent sur les miens, suivis d'un balbutiement incohérent, mais je n'eus aucun mal à m'en défaire. Quel triste spectacle de celui d'une mère qui n'a même pas la force de déterrer son enfant.

Curieusement, je n'eus qu'à creuser quelques minutes avant que mes mains ne heurtent quelque chose de dur. La terre était meuble, au pays de l'herbe, et sèche en ce début d'été, mais quelque chose me disait que d'habitude, les humains enterraient leurs morts bien plus profondément...

- C'est lui c'est...

Chiiro s'étaient approché, et, face à moi, surplombaient les quatre planches de pin sommairement assemblées. Aucun nom n'était gravé dessus, aucun ornement. Vu la taille, il ne devait pas avoir plus de trois ans.

Fermant les yeux, j'en fis appel au vent soufflant autour de moi, et, en quelques signes, le concentrait au bout de mes doigts ; délicatement, pareil à une lame acérée, j'en fis sauter le couvercle, avant de le laisser ce dissiper. Nul besoin d'infliger ce spectacle au Dieu des Bourrasques. Aucune odeur particulière ne s'en dégageait ; le parfum si âcre de la mort n'émanait pas de cette tombe.

- Vas-y. Tu voulais savoir si ils te l'ont pris.

Lentement, Chiiro poussa d'une main tremblante le petit couvercle, qui tomba au sol avec un bruit mât.

Vide, c'était vide. Inexorablement vide. On l'avait enterré, déterré, puis remis en terre. On avait bâcler le travail. Néanmoins, un détail retînt mon attention, sur les parois du cercueil en bois tendre.

Des griffures. Des petites traces de griffures.

- On l'a enterré vivant...
soufflais-je lentement.

Alors que mes yeux se relevaient vers Chiiro, mon attention fut retenue par une lueur gravissant la pente qui menait au cimetière, puis par un éclat de voix.

- Eh, vous là bas ! Qu'est-ce que vous faites ?!

Nouveau bruit mât. Face à moi, la mère venait de s'effondrer sur le sol, agitée de spasme, les yeux révulsés et noyés dans ses propres larmes.
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(#)Sam 21 Nov - 18:16
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- Putain non mais j'y crois pas ! Joshu, viens voir ça ! Putain de merde !

Je laissai le flot d'injure me frapper à la gueule tandis que l'homme aux couleurs de la ville se précipitai vers moi, une lance à la main. Je devais offrir un bien triste spectacle : je m'étais relevé, campée sur mes jambes, avec à mes pieds les trois planches de bois vides et leur couvercle couvert de griffures ; la poussière obscurcissait mes yeux, et la terre entassée sous mes ongles me faisait souffrir. J'avais comme la vague impression que j'allais plonger dans un flot d'emmerdes... Alors que l'homme était arrivé à quelques mètres de nous, il me dévisageait, effaré ; ses yeux allait de mon visage impassible, au cercueil, à la mère, pour revenir sur moi.

Il pris une soudaine inspiration, et abaissa brusquement sa lance, à une poignée de centimètres de ma poitrine ; ses yeux tremblaient, mais pas sa poigne.

- Qu'est-ce que vous avez fait ? qui êtes vous ?

J'eus un vague haussement d'épaule. Mieux valait jouer la carte de la prudence dans ce cas là, et, je levais lentement les mains en l'air, en geste de coopération ; d'un mouvement, je frottai mon visage pour parvenir à mieux saisir ses traits. C'était un bel homme dans la fleur de l'âge, d'une solide charpente, à l'arcade sourcilière prononcée et aux cheveux bruns strictement attachés dans son dos ; un homme de garde, tout ce qu'il y avait de plus banal.

- Je m'appelle Sora. Cette femme errait dans les ruines de votre prison, en disant que son fils lui a été enlevé et...

- Et vous avez rien trouvé de mieux que de déterrer le garçon ?!

- Il y a rien dans cette boîte. Elle était désespérée, autant la ramener tout de suite à la raison...

D'un léger coup de pied, je fis basculer le cercueil vers lui ; je le vis frissonner quand il constata qu'il était désespéramment vide. Lentement, les mains toujours levée, je me saisis du couvercle au nombreuses griffures, pour le coller au bout de sa lance.

- Son fils lui a vraiment été enlevé, elle ne mentait pas. Il était vivant, quand on l'a recouvert de terre.

Le garde secoua la tête, un air d'impuissance dans le regard. Le fameux Joshu arriva derrière lui ; même tenue, même détermination, même traits taillée à la serpe, je présumai qu'ils étaient frère, bien que le dernier était aussi blond que l'autre était brun. Il glissa un mot que je ne saisis pas à l'oreille du premier.

- Et elle ? C'est Chiiro, c'est ça ? Cette folle de nomade est...

- Elle est malade, l'interrompis-je brusquement.

Je me baissai, et, consciencieusement, écartait les mèches de cheveux humides de son visage couvert de sueur ; de légers tremblements secouaient encore son corps frêle, seuls témoins de la crise de douleur qui l'avait assaillit. Pourquoi ces hommes n'étaient pas plus compatissant, ça, j'en savais foutrement rien. Le premier abaissa sa lance et s'approcha de moi, l'air indulgent

- Ecoute gamine, t'es une étrangère et tu ne sais rien de cette ville, ça se voit. Chiiro et sa famille n'était qu'un ramassis de...

- J'm'en fous de ça. Tout ce que je sais c'est que...

Une gifle bien sentie m'empêcha de finir ma phrase ; le goût métallique du sang envahit ma bouche. Je relevai mes yeux vers lui, et épongeait d'une main le sang de ma lèvre éclatée ; il me surplombait de toute sa taille, de tout son dégoût, et me jaugeait d'un regard froid.

- Tu vas fermer ta gueule. Tu la ramènes alors qu'on te surprend à déterrer les morts pour le compte d'une femme à moitié folle. C'est Joshu, y a deux jours, qui l'a virée, Chiiro, parce qu'elle hurlait qu'on lui avait pris son bébé. Je sais pas par quelle artifice elle à fait ça mais...

Il s'interrompit pour regarder son frère poser sa main sur le front de la femme en noir, et l'examiner prestement. D'un regard, je quémandai la parole, qu'il m'accorda d'un signe de tête ; comme quoi, les vieilles habitudes ont la vie dure...

- Si ce cercueil est vide, c'est qu'elle doit bien avoir raison. Si tout le monde a vu cet enterrement, et que le gosse est pas là, c'est bien qu'elle n'est pas complètement cinglée. Elle est seule, elle est malade.

Le garde hocha gravement la tête. Une brusque quinte de toux attira son attention ; son frère était plié en deux, d'étouffant dans ses mains. Quand il releva ses yeux vers nous, ils étaient vitreux, et ses paumes, couverts de ce même sang noir qu'avait craché Chiiro. Lui aussi, était malade.

- Putain Joshu...

Avant que le brun puisse venir en aide à son frère, ce dernier s'écroula sur Chiiro, agité des mêmes spasmes, quoiqu'en moins violents. Son frère lâcha sa lance, et voulu se jeter pour l'aider, mais j'interposai mon bras entre lui et le malade ; je reculai légèrement sous la force de l'impact, mais pour rien au monde je n'aurais rater ces deux grands yeux qui me dévisageaient.

- Non. Il est malade, comme elle. Ne t'approche pas d'eux. Les maladies, en prison, ça ravage des blocs. A l'air libre, ça doit faire pareil.

Il acquiesça d'un signe imperceptible, et se redressa, le visage ravagé par l'angoisse.

- Ok, bon. Tu vas m'aider. On va les transporter au dispensaire, et tu vas t'entretenir avec Takeshi-san. T'as l'ai plutôt costaud malgré tes petits bras, tu vas porter Chiiro sur ton dos, je m'occupe de Joshu. Suis moi. t'arrête pas. Laisse pas les gens t'approcher.

J'haussai docilement les épaules. Finalement, je pensais me prendre une sacré rouste pour avoir ouvert une tombe, mais on s'était contenté d'une gifle... Ce n'était pas si mal. Ce que je ne comprenais pas par contre, c'est pourquoi on avait enterré ce gamin vivant. Si c'était lui qui avait refilé la maladie à sa mère, est-ce que ça aurait pas été plus simple de... disons... régler simplement le problème ? Pourquoi laisser sa mère libre, dans ses cas là ? Mais ils avaient voulu la chasse, y avait bien une raison, derrière ça ?

De bien sombres présages planait encore sur les ruines de cette prison...
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(#)Dim 22 Nov - 19:07
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J'avais l'impression de rêver, ou d'être dans un putain de cauchemar. Une bonne femme en sac à patate sur l’épaule qui puait la faim et la sueur, tout en suivant un putain de grade qui tant bien que mal, titubait sous le poids du mètre quatre-vingt de son frère. Ou de son collègue… De son frère collègue… Putain de ville, dans quoi je m’étais encore embarquée…

Les regards dans les rues étaient ouvertement hostiles. Ces cul-terreux laissaient passé le garde qui lançait des « place ! Faites-place à la garde », et quel garde je faisais… aussi crasseuse qu’eux, je m’efforçais de boucher mes oreilles à leur étonnement, leur regard, leur curiosité. Konoha avait été une épreuve, quoi que réussit après ma rencontre avec Tenryu, mais cette putain de ville au nom imprononçable et sa prison merdique, c’était quelque chose.

Il me conduisit dans un imposant bâtiment de bois, situé au coeur névralgique de la ville. Je ne fis même pas l’effort de lire. Aux gueules renfrognée que j’y trouvais devant, même pas la peine de deviner.

L’homme donna de vagues  directives ; on m’enleva la femme des bras, on l’aida à porter son frère dans une autre pièce. Je me retrouvai comme un lapin au milieu d’un champ de mine, incapable de revenir en arrière, incapable de faire un pas en avant. Avant que la colère ne monte en moi, une lourde main se posa sur mon épaule ; je me retournais vivement, sur la défensive, pour me retrouver face à un homme entre deux âges, à la barbe grisonnante et une férocité à toute épreuve dans le regard. Il me rappelait vaguement Ishiyato, le bougre.

- C’est toi, la gamine qui a ouvert la tombe ?

C’était plus un constat qu’une question. Je hochai la tête. Il y avait quelque chose dans ses yeux blancs laiteux qui mettaient foutrement mal à l’aise ; il n’était pas aveugle, comme d’autres au regard blanc, mais… vides.

- Je suis Takeshi, l’homme en charge de la sécurité de cette ville. Tu vas m’accompagner, j’ai quelques questions à te poser.

- J’ai déjà tout dit à l’autre.

- Eh bien tu vas recommencer.

L’emprise qu’il avait sur mon épaule se resserra. Instinctivement, je grimaçai. Qu’est-ce que je foutais là… Calme toi, Sora, calme toi, lui casse pas la gueule. Essaie même pas. Respire, fais comme si tu soufflais des bougies. C’est pas long, t’as rien à te reprocher.

Il me mena directement dans un petit bureau, le sien vu que « ta » était le premier caractère que je reconnaissais sur la porte. D’une poussée, il m’installa sur une chaise en bois dur et referma le battant de bois, avant de venir s’installer de l’autre côté du bureau. Il avait l’air beaucoup trop… grave.

- Raconte moi.

Je m’exécutai, débitant syllabe après syllabe, dans un automatisme désabusé ; j’étais arrivé en ville pour la nuit, j’ai suivis les panneaux de tourismes, sur les ruines de leur prison ; j’ai vu cette femme qui m’a craché son chagrin à la gueule ; j’ai essayé de comprendre, j’y suis pas arrivée ; je voulais la soulager, savoir si cette putain de gourmette, il l’avait au poignet, ou si il était sortit de sa tombe ; je…

Il m’interrompis en levant sa main. Comme un maître demande à son chien de se taire. J’eus envie de lui sauter au cou pour lui en foutre une bien sentie.

- Et tu t’es dis que le meilleur moyen de le faire, c’était de profaner une tombe.

- Profaquoi ?

- De creuser et de sortir le cercueil.

- Ca me paraît logique, ouais.

L’homme grisonnant eut un rictus méprisant, et souffla bruyamment. Il joignit ses deux mains sur le bureau, entremêlant ses doigts, et me regarda de l’air qu’on regarde un enfant attardé.

- Je travaille à la surveillance ici, et je peux t’assurer que ce pauvre gosse, après ce que sa mère lui a fait subir, il est bel est bien aller en terre, j’y ai veillé personnellement. Alors si tu ne veux pas avoir de problème avec la justice, gamine, veille à l’avenir à ne pas déterrer les morts sur la parole d’une femme malade qui a perdu la raison.

Je secouai fermement la tête, abasourdie. La menace sous-jacente ne me plaisait pas, son attitude ne me plaisait pas, on aurait dit qu’il voulait lui aussi croire à ce qu’il disait.

- Il n’y étais pas, son cadavre, et les deux gardes l’ont vu aussi. Par contre, les griffures sur les planches de bois, ça montre bien que le gosse était vivant.

Son rictus mourut sur son visage. Sans me prévenir, c’est lui qui me sauta à la gorge.
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(#)Jeu 26 Nov - 18:33
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Soufflée par la violence du mouvement, je fus emportée par le poids de l’homme ; ses yeux blanchâtres étaient animés d’une folle lueur meurtrière. Il y avait quelque chose, là derrière, quelque chose derrière ces deux océans vides et mort ; un truc qui voulait me bouffer ; moi, mon esprit, ma chair, mes os, mes cornes, mes cheveux.

C’est la première fois depuis longtemps, très longtemps, que je fus terrifiée.

Une plainte s’échappa de ma gorge étranglée, ma gorge qu’il serrait à demain. Vaguement, j’entendais tambouriner contre la porte, j’entendais des cris, des plaintes. De l’inquiétude.

- Cette salope s’est jetée sur moi !

C’est lui qui criai ainsi, un sourire pervers aux lèvres. Je profitai de cette courte seconde inattention pour joindre mes main l’une contre l’autre, et fit rapidement glisser l’une contre l’autre, appelant mon incompréhension, ma rage et ma douleur. Une brusque bourrasque s’échappa de mes doigts, le vent devenant griffes ; des griffes de haine qui brûlait au bout de mes doigts.

- Dégage enculé !

Mes ongles passèrent à une dizaine de centimètres de sa joue, mais mes griffes firent l’effet escompté ; du sang me gicla à la gueule, et pris de douleur, il porta une main à son visage profondément tailladé. Je dissipai mes griffes en une bise sanglante, qu’il se pris dans la face ; me tortillant, je réussis à m’extirper de sa poigne, le souffle court, une douloureuse sensation dans la gorge.

- A moi ! Attrapez cette furie !

La porte s’ouvrit à la volée, à la volée sur ces visages d’hommes renfrognés, ces visages haineux. Quel tableau se dressait devant eux ; moi, Sora, dans mes frusques et ma crasse, le visage couvert du sang d’un autre, la main ruisselante de ce précieux liquide carmin ; lui, pauvre homme à terre, serrant contre sa joue les lambeaux de sa peau. Un silence de mort s’était jeté sur le bureau, aussi sûrement qu’il s’était jeté sur moi.

Oui, à cet instant précis, j’étais terrorisée. Et pour lutter contre sa peur, il fallait se battre.

- Regardez ça… putain, chopez là vous tous !

Moi, j’étais incapable de parler. Alors, j’ai couru.

Rassemblant une nouvelle fois mes mains en ce signe qui canalisait ce vent brûlant en moi, je les invoquais encore, ces griffes de mort. Un voile rouge obscurcit mes yeux. Griffes. Crocs. Griffes. Crocs. La sortie. Je devais sortir d’ici. Eux étaient devant moi.

Le premier se précipita en avant ; d’une acrobatie, je piétinai son visage, et prenant appuie sur son nez brisé, je me jetai en un roulé boulé sur les autres badauds à la porte. Une douleur profonde surgit dans mon dos, mais je n’en fis pas cas. Je ne fis pas non plus cas de ce liquide chaud qui commença à mouiller ma peau et mes reins. J’avais mal, je savais quoi faire quand j’avais mal. Taper plus fort.

Dans un brouillard rouge- mon sang, leur sang, quelle importance – je parvins à m’extirper de cette masse humaine désorganiser et puante.

La rue, les cris derrière moi. Les cris autour de moi, devant moi. Le vent qui se dissipe, avec autant de gouttelettes vermeils. Fuir. Allez où je me sentais chez moi. Vite. Dans l’ombre. Courir les ombres, tu sais faire, Sora. Passe pas par les toits. Mais par les ruelles, où réside la vermine telle que toi. Tu les perdras, tu sais te faire toute petite. Ne pas exister. Tu sais faire, ça.

C’était une fin d’après-midi, quand je suis arrivée dans cette putain de ville ; c’était une fin d’après-midi, ou cette bonne femme, Chiiro, m’a supplié de retrouver son bébé. C’était sous le regard de la lune, dans une ville endormie, rythmée par les lueurs des torches, les appels des gardes, que mes pas m’avaient conduits, lentement, sûrement, vers le lieu que je considérais, par défaut, comme un chez moi.

Les ruines de cette putain de prison.

Fantôme, à l’image du spectre de cette femme, je m’y enfonçais, pas après l’autre, mon odeur de sang embrassant celle de cendre, de poussière de l’endroit. Accroupie dans une cellule qui conservait trois de ses murs, j’effleurai du bout des doigts une chaîne vétuste, comme celle que j’avais autrefois porté. Des gouttes d’eau tombèrent de mes yeux ; je les chassai rageusement.

- Je voulais juste aider, murmurai-je d’un souffle, juste tendre la main, comme m’avait dit de le faire Tenryu. Comme il le faisait lui. Je voulais juste…

Silence.

Non, pas le silence habituel, celui que j’avais brisé de ma voix.

Une lente mélopée s’élevait de derrière un talus à quelques dizaines de mètres, au cœur des ruines, murmure nocturne d’un monde désabusé.
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(#)Lun 30 Nov - 21:12
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« — Il n’est pas de peine plus pure,
Et pas d’amour plus sincère,
Et pas d’attention si bienveillante,
Et de douceur si belle,
Que n’est l’amour d’une mère.

Ô mère, me voyez-vous ?
Qu’ont-ils fait de moi ?
J’étais pourtant si belle,
Habillée de vos mains,
Choyée par vos bras,

Pourtant si belle,
Enlacée entre tendres baisers,
Aimée avec tant de force,
Que même mon cœur n’en tenait plus.

Ô mère, m’aimez-vous toujours ?
Portez-vous toujours ce regard si fier,
Que je me sentais pousser des ailes,
À chaque fois que vous prononciez mon prénom.

Ô mère, où êtes-vous ?
Car vos mots me manquent,
Et sont désormais échos aux maux,
Que mon cœur ne parvient plus à chasser.

Ô mère, Que faire pour vous entendre une dernière fois,
Dernier murmure pour apaiser les tourments de mon âme. »


Une voix frêle, douce, s’élevait non loin. La jeune femme était assise près d’un vieux lit cassé et des vestiges d’une ancienne grille qui devait servir à fermer une cellule. Un rat couina et s’éclipsa en passant par là. Les lieux semblaient déserts et parfaitement immobiles, se faisant écho à la prose chantonnée doucement par la jeune femme qui se tenait là. Habillée d’une longue robe noire, les yeux clos, elle ne faisait guère attention à une quelconque audience. Elle n’était venue que pour conter un songe et se souvenir. Son cœur était empli de regrets, et encore davantage de remords. Venir ici n’arrangerait rien. Cela lui permettait, néanmoins, de se faire pardonner pour son absence. Ou du moins, espérer l’être.

« — Il n’est rien de plus beau,
Que l’amour d’une mère pour son enfant,
La disparition laisse alors place au manque,
Que l’absence de cet amour maternel crève dans son cœur.

Ô mère, pourriez-vous me pardonner ? »


La voix s’éteignit et un silence s’installa dans les ruines de l’ancienne prison. La jeune femme restait debout, les mains sur le cœur, les larmes au bord des yeux, tandis qu’elle semblait émettre une prière silencieuse à quiconque l’entendrait.
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(#)Jeu 3 Déc - 23:13
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La mélopée, d’abord distante, incompréhensible, pris la forme de paroles, d’une voix de femme, claire, haute, une profonde voix de contre-alto comme celle de l’homme qui chantait pour moi, là-bas, dans cette prison qui fut mon foyer.

Je distinguai ses paroles, lentement, et me laissai emporter par leur rythme intime et lancinant. Oh, par je ne sais quel dieu qui commande aux vents, que j’aurais aimé avoir une mère…

Lentement, je me laissai glisser sur le sol, face contre terre, le visage, sanglant, dans la poussière ; je l’écoutai chanter, je l’écoutai chanter, et ses paroles firent quelque chose à mon corps ; mes muscles se détendirent, attiré par leur mère la terre, mes muscles étaient figés au sol, impuissants, je ne pouvais esquisser le moindre mouvement. Les mots venaient, vaquaient à leur but, enivrant, terrible, venant me poignarder de leur douce candeur. J’avais mal, putain, j’avais mal à l’écorchure qui me brûlait le dos, j’avais mal aux tempes ou battait mon sang, j’avais mal à mon putain de coeur empoignait par sa voix.

« Il n’est rien de plus beau,
Que l’amour d’une mère pour son enfant,
La disparition laisse alors place au manque,
Que l’absence de cet amour maternel crève dans son coeur

Ô mère, pourriez-vous me pardonner ? »


A ces mots, un gémissement s’échappa de mes lèvres ; je goûtai la cendre sur le sol ; la douleur s’intensifia, jusqu’à exploser dans mes veines : je sentais le sang pulsait dans mes artères, irradiant de son poison mon corps meurtri. Que ça s’arrête. Que ça s’arrête.

- TA GUEULE BORDEL DE MERDE ! TU VAS FERMER TA SALE PUTAIN DE GUEULE !!

Et puis, je compris. Simplement.

Je n’en avais jamais rien eu a foutre, de cette bonne femme. C’était son chant, à elle, qui me parvenait par la caressante brise d’été, son chant que je retrouvai dans le délicat murmure des bourgeons de fleurs. Elle m’avait ensorcelé, la sorcière. Et ça me foutait les boules, mais grave.

Luttant contre mes instincts, luttant contre moi même, j’enfonçai profondément mes ongles dans la terre meuble, avant de m’enfoncer mes dans la cuisse. Je me lacérai la peau, en faisant appel à toute mes forces, et le contact de mon sang chaud contre mes doigts me fit revenir à la raison. J’allais lui casser la gueule, dans le genre moche.

Passablement, grognant, je me relevai, et, à pas lents, me traînai en direction de la voix. Je dépassai le mur de la cellule pour apercevoir, dans une cellule juxtaposée à la mienne, une jeune femme en noir. Et elle était magnifique.

Sa robe noire était poussiéreuse, couvertes de toiles d’araignée ; sa maigreur accablante laissait apparaître ses longs doigts fins et osseux, qui balançaient de droite à gauche, tissant les liens d’une harmonie qu’elle seule pouvait entrapercevoir ; elle ne se doutait pas d’avoir un public, et c’est avec une mine surprise qu’elle posa son regard sur moi, un regard blanc, un regard laiteux, comme aveugle ; exactement le même que l’autre enculé qui m’avait sauter à la gorge. A y réfléchir, ce n’était pas le premier aveugle que je voyais dans cette putain de ville. Est-ce qu’ils pouvaient tous être.. comme envoûtés ?

- Arrête de te lamenter sur ton sort, pauvre cruche. T’as qu’à partir la retrouver, ta mère. T’as la chance de connaître son existence, si t’arrive à avoir des mots pour la chanter.

Elle posa son étrange regard blanc et chaud sur moi. Moi, je ne pouvais détacher mes yeux de la forme inanimée qui gisait sur ses cuisses. Une petite forme, dans un petit pantalon d’enfant, dans une petite chemise poussiéreuse. Avec une petite tignasse de cheveux bouclés.

- Qui es-tu ?
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(#)Sam 5 Déc - 23:08
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- Je répète ma question, t’es qui ? C’est toi qui leur fait ça ?

Ma voix me paressait si dure, si cassante, comparée à la mélopée envoûtante qui franchissait ses lèvres. C’était la voix d’une sauvage, une voix haineuse, flétrie de rancune et rage. Elle se contentait de me fixer, passant lentement sa main dans les cheveux inanimés du petit garçon.

- Je m’en contrefous que tu l’ais buté, ce gamin, que tu l’ai arraché des bras de sa mère, mais parle moi, putain, parle moi. J’en ai râle cul de rien comprendre à ce putain de monde de merde, alors parle moi !

Je tapai du pied, comme une enfant renfrognée qui faisait son caprice de la journée. Mais que c’était frustrant, que c’est frustrant bordel de merde. Comment avait fait cette femme pour choper ce gosse ? Pourquoi elle arrivait à faire obéir au doigt et à l’oeil cet homme ? Et pourquoi me paraissait-elle si proche, et à la fois si distante ? Pourquoi les contours de son visage bougeaient sans cesse ? Pourquoi sa main semblait-elle toucher les cheveux du gamin, sans vraiment les faire bouger ? Pourquoi ça faisait aussi mal, le manque d’amour ?

Ma mâchoire se serra, ms doigts furent agités de violent tremblement. Ca faisait si mal, putain… Au moment où le silence des lieux me devenait insupportable, quelques mots franchirent ses lèvres ; quelques mots lointains, qui semblaient tout droit venir de autre monde.

- Je m’appelle Naami. Ma belle enfant, je ne voulais pas que Tak te fasse du mal, tu comprends, il fallait juste t’empêcher de dire à tout le monde ce que nous faisions…

Elle eut un soupir, et reporta son attention vers la petite silhouette. Il me semblait l’avoir vu bouger.

Précipitamment, je me jetai à ses pieds, tendant l’oreille, à la recherche d’une respiration ; posant toute mon attention sur la petite poitrine, après de longue seconde, je la vis se soulever. Une fois. Deux fois. Il était vivant, putain.

La jeune femme avait les yeux baissé vers moi, et me couvait d’un regard tendre, d’un regard triste.

- Ne me jugez pas, damoiselle, et ne le jugez pas. Il fallait que j’ai un enfant, il le fallait. Même dans la mort. J’étais seule ici, seule, je m’ennuyai si fort. Tak disait qu’il ne pouvait pas me rejoindre tout de suite, qu’il avait encore des choses à comprendre, des choses à faire pour régler tout les détails importants avant qu’il me rejoigne… Je l’aidais un peu, mais vous avez précipité les choses…

Elle s’interrompit, le vent emportant ses paroles. Elle me sourit. Ses pommettes hautes accentuaient la dureté de son beau visage pâle ; elle se remis doucement à fredonner, berçant de ses mains irréelles l’enfant sur ses genoux.

- Vous rejoindre où ? Où voulez-vous emmener ce gosse ?

- Mais dans la mort, là où tout les trois, nous pourrons être enfin réunis.

D’un geste, elle désigna la cellule autour d’elle ; les vestiges du lit, la cendre sur les murs, un insecte bourdonnant au loin, une souris glissant silencieusement dans la poussière.

- Tak m’a promis qu’il m’enverrait de la compagnie, mais je pensais qu’il vous aurez mise au courant, que vous étiez prête à faire ce sacrifice avec nous…

- C’est quoi ça ?

- Eh bien, qu’il scelle votre énergie dans cette prison, et que nous bâtissions tout les quatre un endroit ou vivre, dans un endroit qui n’appartiendrait ni au monde des vivants, ni à celui des morts.

Souriante, elle me tendit une main vers mon visage ; d’un mouvement vif, je voulu balayer son membre, mais je ne rencontrai que de l’air. De l’air, et une désagréable sensation ; une énergie étreinte d’un désespoir sans bornes ; une énergie pareille à celle de Chiiro, celle d’une mère qui a perdue son enfant.

- Vous y êtes pas du tout. J’vous accompagnerez nulle part. Vous l’avez volé, ce gosse, volé à une bonne femme qui souffre autant que vous. C’est moral, c’est juste ça ? C’est pourtant le bien qu’il faut faire, dans la vie, non ?!

Elle cessa de sourire, cessa de paraître si aimable. Sous ses yeux impuissants, je soulevai prudemment le petit corps inanimé, et, le portant contre ma poitrine, reportait mon attention sur Naami ; ce gamin, Haru, était froid. Froid, mais je sentais son coeur battre dans sa poitrine, avec toute la vigueur que procure la rage de s’en sortir.

Je me relevai, me campai sur mes jambes ; son regard se posa sur mes cornes, visibles, provocantes monstruosités auréolée de mes cheveux roses.

- Quel monstre fais-tu, murmura-t-elle, pour arracher un enfant aux bras de sa mère ?!

- Mais c’est pas le tien ! Ce gosse, tu l’as volé ! Je vais le rendre à sa mère !

Lentement, elle se leva ; elle me dépassait d’une bonne tête, et sa silhouette semblait s’agrandir au fur et à mesure. Le vent redoubla ses efforts, et fit claquer ma cape ; sa robe, elle, resta immobile, poussiéreuse.

- Elle m’a aussi volé mon enfant ! Cracha-t-elle, furibonde. C’est elle, cette maudite guérisseuse qui a préféré me sauver, moi, plutôt que lui ! A préféré me condamner à vivre sans mon petit garçon ! Je n’ai pas pu me supporter, et Tak n’a pas pu supporter de me voir partir, alors il a scellé mon esprit ici, et m’a dit d’attendre, d’attendre, que je verrais par ses yeux, et qu’il pourra enfin me procurer ce que je désire ! Il me laissera être une mère !

Des larmes fantomatiques roulaient sur ses joues ; elle tomba à genoux, son étoffe mis un temps à suivre. Je restai là, sur mes jambes, un gamin dans les bras, sans savoir quoi faire. Personne n’était là, pour m’éclairer, me dire ce qui était juste. Non, personne. Un gamin, deux femmes, c’était à moi de choisir, c’était ça ?

- Mais…

- Toi ! Repose ce garçon ! Putain de sauvageonne, laisse ma femme tranquille !
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(#)Dim 6 Déc - 22:01
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Moi, un pauvre gamin à moitié mort dans les bras, elle, spectre éplorée qui est prête à tuer pour tenir un enfant dans ses bras, lui, ivre de rage et de désespoir, un sabre à la main. Et Chiiro dans tout ça ? Et tout ces gens de cette putain de ville qui subissait l’influence de ces deux raclures qui me menaçaient ?

C’était à moi, vraiment à moi, de décider ?

L’homme s’immobilisa devant moi, et brandit son sabre, la pointe à une dizaine centimètre de ma poitrine, ou plutôt, du gamin que je tenais contre moi ; ses yeux lançaient des éclairs fous, et son geste était tremblant.

- Rends-nous l’enfant, et on te laissera partir, on fermera les yeux sur ce que t’as fait.

Si ses mouvements semblaient hésitant, son timbre, lui, ne l’était pas ; j’eus la certitude que s’il devait en arriver là, il me couperait en deux.

- Elle est morte, et ce gosse, pas encore. Vous l’avez pris à sa mère. C’est moi qui doit le protéger de vous.

Ma voix était aussi froide que son regard. Et puis quoi encore. Ils allaient faire une histoire de suicide infantile pour être heureux dans le royaume de l’au-delà ? C’était quoi encore, ces conneries ? Quel être humain infâme fallait-il être pour s’en prendre à un enfant ? Pour l’arracher au bras de sa mère par égoïsme et par rancune ? C’était ça, ça, un représentant de la loi et de l’ordre ? Un modèle d’amour et de vertu à suivre ?

- Ma femme n’est pas morte, ricana-t-il le regard dément, je l’ai scellée, ici même, pour que son énergie ne quitte jamais cette terre. Et c’est pas une fille comme toi qui va me donner des leçons de vie !

Il jeta un coup d’oeil au spectre qui gisait en position fœtale sur la couche de pierre. Ce n’était plus qu’une ombre, quoi qu’il avait pu faire pour qu’elle reste dans ce monde, elle le quittait peu à peu. Des larmes brouillèrent la vue de son mari ; il se tourna de nouveau vers moi, et mis une impulsion dans sa lame.

- Rends moi ce putain de gosse !

Je le serrais plus adroitement contre moi.

- Pourquoi lui ? Pourquoi vous avez pas pris un orphelin ? Je sais pas, ça doit se trouver, des gosses...

- Pourquoi ? Répliqua-t-il avec un rictus. Sa mère n’est qu’une sale traînée, qui refile ses parasites aux soldats. Cette prétendue guérisseuse nous a volé notre enfant !

Je profitai du court instant où il frotta rageusement les yeux de sa main libre pour joindre mes mains, écrasant le gosse contre moi, libérant la puissance qui bouillait au bout de mes doigts ; j’étais blessée, fatiguée, mais pas impuissante. Une lame de vent jaillissait de mon index, braqué sur la touffe de cheveux frisée.

- Tu sais très bien c’que je peux faire, avec mes griffes, commençai-je lentement. Tu bouges, tu respires, je tranche la gorge du gosse, je me barre, et tu te retrouveras avec un cadavre sur les doigts. Un vrai cadavre, que t’auras pas drogué pour enterrer et ressortir par la suite. Ca devrait nuire à ton image.

- Tu n’oserais pas…

- Ta morale et tes principes, c’est de la merde et c’est pas les miens. Me donne pas d’ordre, ça pourrait me foutre en rogne.

La griffe se rapprocha des cheveux ; j’en fis tomber une mèche sur le sol avant de continuer :

- Maintenant, recule et laisse moi partir. Prends ta femme dans tes bras une dernière fois, avant qu’elle n’échappe à ton sort.

Son attention se reporta sur la silhouette translucide. Quoi qu’il est pu faire, en scellant une partie de l’énergie de sa femme, elle se dissipait lentement pour retourner au néant.

- Naami… Naami non, je t’avais promis, Naami…

Sa voix s’étouffa dans un sanglot. Il lâcha son sabre, qui tomba au sol, l’acier tintant sur les pierres de la prise ; en quelques enjambées, il se retrouva à genoux devant la couche froide, où le fantôme connaissait ses derniers instants. Je balançai le gamin sur mon épaule, et joignis mes mains. Cet homme, cet homme là en larme, j’allais le châtier.

Je sentis les vents caressants de Kusa no Kuni, les enjoignit de se mêler au souffle qui jaillissait autour de moi ; je les suppliai de m’obéir, de s’agglomérer en une danse des plus magnifiques, des plus mémorables. Souriant, les bourrasques d’été m’obéirent, acceptant mon invitation ; je fis jouer mes bras, en un sens, en un autre, tout en reculant prudemment vers les plaines d’émeraudes qui me tendaient les bras. La poussière, les cendres, commencèrent à s’élever sous l’éclat des étoiles, à s’élever pour former une tornade rugissante, emmenant gravats, bois, rongeurs, et Takeshi dans sa danse. Je n’attendis pas de le voir retomber. Je n’attendis pas d’entendre ses os se briser une fois sur le sol, ni les remous qu’une courte tornade, s’élevant sur les ruines d’une prison, allaient provoquer.

Sans un regard en arrière, je m’enfonçais parmi les herbes, le gamin sur l’épaule, avec la certitude que je ne foutrais plus jamais les pieds dans cette putain de ville.

Près de l’aube, je déposai son petit corps sous le porche d’une ferme. Il respirait de manière plus régulière, plus sereine. Il était simplement endormi, loin de l’influence sordide de ces deux connards. Même s’il ne je l’avais pas rendu à sa mère, il aurait une famille, Haru, et je ne pouvais pas revenir en arrière… C’était le principal, non ? Non… ?

Péniblement, je continuai ma route jusqu’au petit matin, et trouvai un bosquet d’arbre dans cette putain de prairie. Je me hissai sur l’un deux, à bout de souffle. J’avais mal, j’avais froid. J’avais bien cru ne pas m’en sortir.

Si cette histoire révoltante m’avait appris quelque chose, c’était que j’étais bien heureuse de pas avoir connu ça, l’amour d’une mère...
Inu Sora
(#)Mar 8 Déc - 18:03
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