Le mauvais temps semble toujours pire, lorsqu’on le regarde au travers d’une fenêtre.
Hiro cligna des yeux. Une fois. Deux fois. Trois fois. Non, visiblement, le mauvais temps n’était pas au rendez-vous. Damn. Il fixait sa fenêtre, encore et encore, persuadé, qu’à force de fixer le ciel, un nuage finirait bien par s’y immiscer. Et puis un deuxième. Et un troisième. Et un orage. Alors il fixait le ciel d’un bleu azur, mais rien ne semblait perturbé la beauté céruléenne. Il poussa un soupir. Encore un jour où il devrait accomplir une tâche et rien ne semblait venir se mettre au travers de son chemin. Il aurait bien voulu, pour une fois, qu’on vienne lui entraver la route, qu’importe que ce soit la météo, un coup du sort ou des enfants turbulents. Il aurait souhaité qu’Amaterasu, sa grande gardienne, lui prouve son attachement, qu’elle lui offre enfin un signe attendrissant. Pourtant, rien. Pas même un grand de poussière, ni une légère brise, pour déloger ce parchemin de son entrée. Il se sentait délaissé par la divinité. Peut-être était-elle triste de l’avoir vu quitter son temple. Peut être se languissait-elle de lui. A moins qu’elle souhaitât qu’il prouve sa valeur en dehors du temple. Hirohiko était pensif – oui, c’est possible, arrêtez avec vos préjugés -. Il finit par décoller son visage de la fenêtre, collant désormais ses rétines sur l’ordre de mission. Encore une. A croire qu’ils croulaient sous l’indiscipline au village caché. Hiro n’avait pas coutume de vivre dans un lieu aussi mouvementé. D’ordinaire, c’était lui, et lui seul, qui se chargeait de l’animation. Il se donnait en spectacle, chargeait toutes les émotions – d’adoration comme de haine – à son égard. Il était l’élite. Pas une personne au temple n’avait entendu parler de lui.
Une véritable star.

Ici, c’était différent. On n’osait même pas lui donner les ordres par voix orales, ni même en main propre, il recevait les missives sur son perron, comme si on avait peur que la mauvaise fortune ne frappe quiconque croisait son chemin. En soit, ils n’avaient pas forcément tort, d’esquiver cette énergumène.
En lisant la missive un sourire vint s’étendre sur ses lèvres. Il se souvenait des moines lui ordonnant, contre son gré évidemment, de nettoyer le temple d’Amaterasu. C’était une de ses principales corvées étant jeune. Les souvenirs revenaient, familiers. Il se souvenait des bagarres avec Yori pour lui refourguer ses tâches, alors que le jeune homme avait la bonté de l’assister outre son mauvais caractère. Il en avait passé du bon temps, au temple. Il avait apprécié la compagnie du jeune homme et espérait, un jour, pouvoir, à nouveau, lui donner du fil à retordre. Que devenait-il, par ailleurs ? Il n’en savait trop rien. Son attention se reporta sur la missive, sur la femme de ménage qui l’assisterait – enfin, qui ferait le boulot à sa place -. Ce n’était pas Yori. Zut. Suisen Kozuke. C’était qui lui ? Oh il n’y prêta pas plus attention. Il revêtît un bas noir et un kimono à carreaux bleu-vert bordé de doré. Il jetta un coup d’œil à son accoutrement. Il était bel homme, bien loin de l’image qu’on pouvait se faire d’une future ménagère. Il étira un sourire.
Bien, à qui allait-il donc refourguer ses tâches ?

Il n’eut pas à déambuler longtemps dans le quartier marchand pour trouver la scène de crime. Les échoppes, d’ordinaires d’un jaune resplendissant, étaient couvertes de tags. Il grimaça à la vue du spectacle. Zut. Ça faisait beaucoup à nettoyer pour un seul homme. Il allait certainement devoir relever ses manches. A son grand désespoir.
En un coup d’œil il remarqua son acolyte. Pas bien compliqué que de le trouver, il avait déjà commencé à nettoyer un tag. Il avait certainement été las de l’attendre. Classique. Hiro était loin du cliché du moine. Piètre matinal mais bon couche-tard. A croire qu’il avait été monté complètement à l’envers. L’individu était de dos, mais semblait plutôt jeune. Ca faisait son affaire ça. Il allait faire jouer son droit d’aînesse.
Un bâillement lui échappa, il était encore tôt.
« Oiiii ! Le jeune ! T’aurais pas vu l’énergumène qui nous fait passer pour bonnes ? Je choperais bien ce p’tit con pour lui faire décaper ses cochonneries. »

Bien loin d’être fatigué, Hiro poursuivit ses bâillements, persuadés qu’ils finiraient par venir à bout du jeune homme. C’était un petit stratagème afin qu’il l’envoie promener ailleurs. En général ça marchait plutôt bien. On lui disait d’aller se promener un peu, de se débarbouiller le visage, et lorsqu’il revenait, étonnamment, tout était fini. Etonnant. Très étonnant…

Le blanc acquiesça lors des présentations, nota le nom du jeune homme et poursuivit par un bâillement, non sans paraître forcé. Il attrapa maladroitement la brosse mouillée, recevant quelques gouttes sur son kimono. Il grimaça légèrement et haussa les épaules. Qu’importe son beau kimono, il allait certainement devoir se salir. A croire qu’il s’agissait d’une tradition, d’un rite de passage, d’un bizutage, que de se salir au cours des missions de shinobi à Suna.

Hiro s’approcha d’un mur tagué, regarda la brosse mouillée, à nouveau le mur, poussa un soupir, et commença à caresser le mur. Hm. Il allait vraisemblablement devoir mettre un peu d’huile de coude. Il remonta ses manches et s’activa un peu plus énergiquement.

Le silence était pesant. Hiro avait choisit l’option bâillement pour épuiser son acolyte. Visiblement, ça n’y prenait pas. Kosuke tenta une approche et Hiro loua la tentative. Il était rare qu’on lui pose des questions sur lui. D’ordinaire, il fatiguait trop vite la peuplade. M’enfin, après tout, il était normal de vouloir en savoir un peu plus sur quelqu’un de sa trempe. Il esquissa un sourire, non mécontent d’être le centre d’attention.

« Ah ça ! Si on m’avait dit qu’Amaterasu m’envoyait faire la boniche, je n’y aurais pas cru ! » lança-t-il en riant.
Il s’arrêta net.
Il n’y avait pas de quoi rire.
« La grande Amaterasu a fini par me convaincre, malgré mes réticences, à venir à Suna. J’en cherche encore la raison. » lâcha-t-il, pensif.
Hm. C’était bizarre. Pourquoi donc se livrait-il ? D’autant plus à un jeune homme ? Il n’était, d’ordinaire, pas à l’aise en compagnie de gente masculine. Peut être étais-ce parce qu’il n’émanait aucune aura négative de ce garçon. Il ne venait pas mettre en péril sa stature, sa beauté divine. Peut-être pouvait-il être de bonne compagnie, après tout.

Il se tourna vers le jeune homme, s’apprêtait presque à être aimable et lui demander d’où il venait.
Hm ? M-mais qu’est-ce que- ?
Quelque chose vint attiser sa curiosité.
Hiro eu comme un arrêt.
Il y avait comme un bug.
Un court-circuit.
Un blocage.
C’ETAIT QUOI CE TRUC ?
Bordel de m*.
« Dis… T’as comme un truc sur la gueule… »
Ça s’appelle un tatouage.
Bouffon.
Oh mais.
Hiro jeta un coup d’œil à la brosse, puis à Kosuke, et un grand sourire vint étirer ses lèvres. Ses yeux, préalablement endormis, s’illuminèrent d’un millier d’étoiles.
« Viens voir papaaaaaaa ! » Vociféra-t-il en se précipitant vers le jeune homme, brosse en avant. Oui, il avait l’intention de lui brosser la gueule. Voir si ça se décapait aussi, ce joli tatouage.
P*tain.
Hiro.
Arrête tes conneries…

Les meilleures choses ont une fin.
Hiro, dans son élan bien luné, s’était précipité sans bien réfléchir aux conséquences. Rappelons tout de même que les deux hommes ne s’étaient rencontrés qu’il y a une dizaine, voire vingtaine, de minutes, qu’ils étaient donc deux inconnus que rien ne semblait rapprocher si ce n’est cette tâche ingrate qu’on leur avait confiée. Le jeune moine n’était rien d’autre qu’un homme n’ayant jamais fini de grandir, un enfant turbulent qu’on ne savait maîtriser. Aller savoir ce qu’il s’était passé dans son enfance pour qu’il doive rattraper ses folles années de gamineries sur la fin de sa vingtaine. Peut-être n’avait-il pas tout oublié, de cette enfance traumatisante, que quelques brides lui étaient revenues. Ok, pas vraiment, et quand bien même, ce ne seraient des excuses valables. Il était temps de renoncer aux chapardages et de se comporter en bon adulte qu’il était.
Hein Hiro.
Qu’est-ce que t’en penses ?

Les meilleures choses ont une fin.
C’est ce que lui répétaient souvent les moines, lorsqu’il vivait encore au temple. On lui avait rabâché, ressassé, rabiboché cette phrase des centaines, voire des milliers, de fois. Les meilleures blagues sont les plus courtes. Le jeune homme face à lui ne se tarde pas à se faire entendre, se faire comprendre. Il était temps d’arrêter le bizutage et de revenir aux choses sérieuses. C’est un adolescent qui sommait un adulte de cesser ses gamineries.
On aura vraiment tout vu.
Le ton avait été ferme, sec, aux antipodes de l’apparence, jusqu’alors, stoïque du jeune homme. Et, étonnamment, ce ton cassant eu un réel effet sur le moine. Il se recula et laisser échapper la brosse d’entre ses doigts, les yeux écarquillés. Il reposa les yeux sur la brosse, tombée au sol, qu’il s’enquit à ramasser. Son chahut avait tourné court. Il se frotta l’arrière de la tête en rigolant béatement.
Mauvaise pioche.

« Oh, tu sais, avec ces tags partout… On aurait dit que-… »
Il s’accorda un petit temps de réflexion.
« Enfin bref.. T’as compris… » finit-il en rigolant d’un air gêné.
C’est qu’étrangement, Hiro n’était pas un grand adepte des tatouages. Malgré le nombre conséquent de personnages qu’il avait pu rencontrer dans sa vie, dans la succession de pèlerinage au temple, il n’avait peu, voire ainsi dire jamais, vu de tatouages comme celui-ci. Des balafres, des insignes religieux, des bras et jambes sciés en deux, oui. Des tatouages chiffés, jamais. Encore moins sur le visage. D’autant que la mission consistait à nettoyer des tags et trouver l’énergumène qui s’amusait à détériorer une des principales sources de revenu du village. Autant dire que s’il n’avait pas vu l’adolescent récurer les tags, il aurait certainement pensé que c’était ce dernier qui avait vandalisé le quartier.

L'ado semblait fâché par son acte. Vraisemblablement il tenait à coeur ce tatouage, aussi bizarre était-il. En plus, bon, 69, c'était un peu tendancieux quoi. Il était peut être trop jeune pour en avoir conscience ? L'énervement semblait n'être qu'un passage puisque le jeune garçons, il ne semblait pas lui en tenir davantage rigueur que cela.

« Sympas ton gribouillage. C'est un peu... étonnant. » commença-t-il d'un air songeur, poursuivant de caressant le mur tagué qu'il avait commencé à asticoté quelques minutes auparavant. Oui, il faisait référence au 69. Sur la joue d'un gamin. Bon chacun ses délires hein.
Il avait un ton plutôt sérieux, plaisantin mais pas railleur. Il n'avait pas envie de voir le gamin s'énerver.
C'est qu'Hiro prône la non violence vous savez.
Rien à voir avec le fait que c'est une tapette.
Rien du tout.

« Y a donc des clans comme ça à Kaze. Tu viens bien de Kaze hein ? Je connais tout Kaze tu sais. » finit-il par lui demander en lui lançant un sourire accompagné d'un clin d'oeil.
Bravo Sherlock.
Arrêtes tes bobards.

Minami. Minami. Le nom lui disait vaguement quelque chose. Vaguement. Très vaguement. Oh tiens donc, ne serait-ce donc pas la capitale de leur bien beau pays ? Hiro n’y avait jamais foutu les pieds.
C’est dire à quel point il connaissait Kaze…
Pourtant, Minami était le fief de la grande Daimyô Sano Kane. La Moniale. Le temple jouissait d’une popularité encore plus grande depuis qu’elle était au pouvoir. Et c’est qu’elle y était depuis un sacré bout de temps, au pouvoir. A croire qu’elle venait d’un autre monde. Malgré son âge étonnamment avancé, elle tenait les rennes du pays et bénéficiait d’une grande renommée. Pourtant, bien que son surnom soit la Moniale, Hiro ne connaissait rien d’elle. Les mystères du temple étaient encore loin de sa portée.

Le gamin face à lui était destiné à devenir un chef. Un exemple pour autrui. Ça lui faisait une belle jambe, à Hiro, dont le rêve était de jouir de sa popularité mais à l’ombre d’un palmier, en sirotant quelque chose. C’était ça être un chef ? Pas vraiment. L’adolescent, bien qu’il ne semblât pas particulièrement peureux de la mort, en parlait tout de même. C’est que les temps étaient rudes. La criminalité grandissante, sans qu’on sache vraiment d’où tout ce grabuge pouvait bien venir. C’était mystérieux, énigmatique, surnaturel. Encore plus qu’un gamin aborde le sujet. Cela donnait presque des frissons, froid dans le dos, alors que l’astre solaire tapait si fort, tel à son habitude.

Hiro se demandait bien comment un gosse pouvait penser à la mort. Qu’avait-il donc vécu pour en parler sans avoir une once de peur dans les yeux, sans que sa voix ne tremblote, ou qu’il essuie une grimace. Le moine en était presque admiratif, ni laissant pour autant rien paraitre.

D’où venait-il ?
Bonne question ça.
D’où venait-il.
Il n’en savait trop rien.
Il se plut à rester évasif.
Avec un grand sourire narquois.
« Je suis l’ange, le messie, le prophète ! Envoyé par les dieux pour guider les hommes. Pas d’inquiétude mon frère, je gère. »
Petit clin d’œil.
Pauvre Kosuke.
Il n’aura jamais sa réponse.

Le gamin était étonné par son kimono. Hiro jeta un œil à son propre accoutrement. Trop bien habillé pour la mission, son beau kimono commençait à être souillé. Intérieurement il pleurait de voir son beau costume dépérir sous l’eau et la peinture des tags, mais fit comme si l’habit n’avait que peu de valeur. Il ne pouvait pas laisser croire qu’il tenait à un habit. Après tout, une divinité à en sa possession toute une belle garde-robe.

Le jeune voulait faire une pause. Qu’a cela ne tienne, faisons une pause ! Ce n’est certainement pas le moine qui allait en démordre. Après tout, c’était le roi des fainéants. Il lâcha sa brosse caressant le mur pour s’asseoir un peu. Le jeune lui proposa un peu d’eau qu’il regarda avec un certain dégoût.
Nah.
C’est mort.
Il boirait pas dans la même bouteille que quelqu’un.
Surtout si c’était un garçon.
Eurk.
Si c’était une jolie fille encore…
Il jetta un regard vers Sosuke.
Nah.
C’était pas une jolie fille.
Soupir.

« Je vais aller chercher une bouteille, t’auras pas assez de ça. » railla-t-il en pointant la bouteille du garçon, déjà bien entamée.
Il se leva, épousseta son beau kimono malgré la crasse sur ses manches, et se dirigea vers une échoppe. Il en avait repéré une au bout de la rue mais bon, en grand adpete de l’école buissonnière, il allait voir s’il n’y en avait pas une plus loin, histoire de gratter le moins possible les murs.
Alors qu’il entamait son petit périple, il fut attiré par quelque chose dans une ruelle.
Hm.
Ca bougeait.
Pshiiiit.
Y avait un drôle de bruit.
Une drôle d’odeur.
Mais qu’est que-

« Oi ! Gamin ! Viens voir ! » lui hurla-t-il.
Il resta incrédule, planté devant le spectacle.
Bordel, c’était un petit vieux qui saccageait le quartier ?

Hirohiko restait interdit devant le spectacle. Non seulement c’était moche à souhait mais en plus ça sentait les produits pires que chimiques. Qu’est ce qu’il avait bien pu mettre dans ses bombonnes le vieillard ? L’albinos se rassurait presque en ce disant que gratter du tag pas frais c’était finalement pas si mal, au vu de l’odeur.

Kosuke ne tarda pas à le rejoindre et ne se fit pas prier pour commencer à sermonner le brave vieil homme. Il posa sa main sur le pommeau de son sabre, comme s’il allait le dégainer d’un moment à l’autre, comme si le civil devant lui allait soudainement se transformer en musclor et venir leurs péter les bras.

Hiro secoua la tête d’un air dépité, retrouvant ses esprits. Il s’approcha de l’adolescent et lui posa une main sur l’épaule, comme s’il voulait le tirer en arrière. Il s’approcha de sorte de se mettre à sa hauteur et mis un peu plus de force dans son étreinte, l’air de dire « attends deux secondes ».

« Bordel gamin, c’est que t’as dit vrai tout à l’heure, c’est vraiment un artiste… en devenir ? » lui souffla-t-il alors qu’il jetait un œil à la peinture.
Non mais franchement c’était atroce.
Pire que laid.
Il n’était même pas capable de discerner si le vieux voulait écrire un message ou dessiner quelque chose.
C’était bariolé de pleins de couleurs et les mélanges donnait cette atrocité maronnasse nauséabonde.
Hiro était partagé entre l’envie d’engueuler le petit vieux – tout en ayant peur de lui faire faire la seule et unique crise cardiaque de sa vie – et la pitié qu’il ressentait en voyant la tête de ses « œuvres ». Il avait également pitié du vieux qui allait se prendre le plus gros savon de son existence par un nombre incalculable de personnes : les deux jeunes hommes, de tout le quartier et certainement aussi des autorités.
Y a pas à dire, ça faisait un petit paquet de personnes.
Et le septuagénaire n’allait pas faire de vieux os si il se gratinait en plus de ça le nettoyage de ses gribouillages.

« Bon, entre nous, c’est pas le moment pour la reconversion professionnelle, je crois pas que ce soit ta vocation le dessin. » commença-t-il par dire en levant les yeux au ciel, montrant le désespoir que lui procurait les tags.

Il lâcha l’adolescent et s’approcha du septuagénaire en lui tapotant l’épaule.
« T’as de la chance d’être tombé sur nous le vioc, on va te faire la fleur de nettoyer ton bordel, mais on t’envoie d’abord faire le tour du quartier et t’excuser auprès des commerçants qui ne voulaient pas de tes œuvres, d’accord ? » lui dit-il.
« Et abstient toi de gribouiller les propriétés qui ne t’appartiennent pas, si tu tiens vraiment à continuer, contente-toi des feuilles de dessin. » finit-il par dire, en poussant un soupir d’exaspération.
Il n’en revenait pas.
Vraiment pas.

Il revint vers le gamin et lui souffla qu’il valait mieux pas brusquer une personne de son âge, ne souhaitant pas être à l’origine du premier homicide involontaire de Suna si fraîchement réouvert.
Cela devait étonner le jeune qu'Hiro soit aussi décontracté, si calme, alors qu'il était une boule de pep's pour les conneries tout à l'heure.
C'est qu'Hiro avait toujours eu un faible avec les petits vieux.
Il ne pouvait pas les brusquer.
Il les trouvaient à la fois mignons et horripilant.
Un peu comme lui au final.
Sourire.

« C'est parti ? » lanca-t-il à Kosuke pour finir.
Sa façon de demander son approbation et qu'il prenne un peu la charge de ces bêtises.

Il avait raison.
Evidemment qu’il avait raison !
Hiro avait toujours raison, voyons.
Cela devrait être écrit en lettre majuscule sur tous les fronts.
Appris en premier à tous les enfants, avant même de dire maman.
Enfin bon, ce n’est pas du jour au lendemain qu’on allait changer les mœurs.
Toujours est-il que Sosuke était bien calme tout à coup.
Non pas qu’il soit d’ordinaire très bavard.
Ça Hiro n’en savait rien.
Mais il était clairement moins causant tout à l’heure.
Le moine arqua un sourcil et fila un coup de coude au jeune. Le but n’était pas de lui faire mal, loin de là, et quand bien même il l’aurait vu il y a de fortes chances qu’ils n’y parviennent pas. Non, le but était de sortir le Genin de ses pensées, de ses rêveries.
Nan mais merde bordel.
Y avait le Messie devant lui.
Ça sert à rien d’aller le chercher ailleurs !

« Evidemment que j’ai raison ! J’ai toujours raison ! » s’amusa Hiro du jeune homme.
Peut-être avait-il dans l’intension de faire tiquer le garçon, de le sortir de sa torpeur.

Lui aussi avait repris sa tâche depuis quelques minutes et était plutôt fier du résultat. Du coin de l’œil il observait le vieux faire des allers-retours devant les boutiques, tout gêné d’apprendre que, finalement, ses œuvres n’étaient pas au goût de tout le monde.

Hiro finit de gratouiller un des tags nauséabonds, à la limite de se pincer le nez pour éviter que l’odeur ne s’incruste trop dans ses narines. D’une voix nasillarde il s’adressa à nouveau à son compère.

« T’es bien calme le jeune. C’est que tu résous tout par la violence d’habitude ? C’est bien quelque chose qui m’échappe ça. Les envoyés des dieux prônent pourtant la non-violence. » il lui lança un petit clin d’œil comme pour dire « t’as vu, c’est de moi donc je parle, envoyé des dieux, héhé ».
N’empêche qu’il était bien ridicule, cet envoyé des dieux.

A priori, son discours n’allait pas faire mouche alors il pointa l’arme ceinturée à la hanche du jeune garçon. Il avait bien vu qu'il l'avait tenu fermement tout à l'heure, quand il avait engueulé - enfin rappeler à l'ordre - le septuagénaire. Il se surprit à lui poser plein de questions indiscrètes.

« Bon alors, laisse-moi deviner. C’est un cadeau de ton clan ou truc du genre ? Tu sais t’en servir ? Vraiment ? Tu sais faire quoi ? Tu me montreras ? Elle a un petit prénom ? »
Les questions avaient fusé tout d’un coup et l’homme – soi-disant – ressemblait à un petit garçon dont les yeux émerveillés s’étaient posés pour la première fois sur une épée en bois de chevalier.
La curiosité n’est-elle pas un vilain défaut ?

La curiosité n’est peut-être pas si vilaine. Elle avait l’air de se frayer son petit bout de chemin, jusqu’au jeune homme. Elle était venue, discrète, réchauffer son cœur, jusqu’alors tapis dans le silence de ses songes. Les yeux d’enfants émerveillés d’Hirohiko avaient joués leurs rôles. Les étoiles scintillantes de ses pupilles avaient traversé des voies lactées, et avaient fini leurs courses dans celles de Kosuke. Le monde était bien fait quand même. Elle n’était peut-être pas si vilaine, finalement, cette curiosité.

Parfois Hiro ravalait son orgueil, ravalait sa fierté. Bien qu’elle passait mal au travers de la gorge, il s’autodisciplinait. C’est que c’était prenant, presque jouissif, de voir la gaieté apparaitre sur les visages maussades. C’était l’effet que faisait ses contes à la mord moi le nœud, c’était l’effet qu’il avait fait à l’adolescent.
Ce dernier, éprit de sa fierté, débitait le nom de son arme, sa provenance, son histoire et les rites de son clan. Il semblait captivé par ses dires, convaincus de sa force et assaillit par la passion. Un élan vivifiant l’avait fait comme renaître. Hiro, souvent bien content d’être la source d’attention, la laissait volontiers cette fois-ci. Cela lui faisait du bien, de temps en temps, de se donner un peu de répit. Et puis, écouter quelques histoires lui donnerait de nouvelles idées, de nouvelles pistes à creuser, pour étoffer les siennes.
Peut être bien que tout était calculé.
Ou peut-être pas.
Peut être étais ce juste une passion sincère de voir les sourires et les passions naître devant ses yeux pourpres.
Elle était belle, cette sincérité.

Un petit symbole était gravé sur la lame de l’arme. La narcisse présentée était d’une minutie incroyable. Le moine resta quelques secondes émerveillé devant tant d’heures de travail et de patience pour arriver à un tel résultat, ne pouvait s’empêcher de lâcher un « woaw ».
L’histoire associée, quant à elle, lui était moins familière. Le froid n’était pas rare dans le désert, il venait vous mordre à la nuit tombée, lorsque l’astre solaire s’effaçait derrières les dernières dunes de sables. Alors les températures étouffantes de la journée prenait leurs jambes à leurs coups et laissaient place à un air vivifiant et atrocement froid. Les inversions de températures du désert étaient particulièrement redoutables et il fallait y prendre garde. Pourtant les saisons étaient rares et que ce froid soit intégré à une période de l’année était un peu plus anodin. Hiro avait principalement vécu au temple et n’avait donc pas eu la chance de connaître des saisons très variés. Il était donc très curieux de ces nouvelles inepties mais également très las à l’idée qu’on le prenne pour un ignare.
Après tout, c’était un puit de sciences.
Tout le monde le savait.

« Avec plaisir, j’ai hâte de voir ce dont tu es capable de jeune ! » lui lança-t-il avec un clin d’œil tout en finissant de gratouiller un tag.
Il lui semblait que la mission touchait à sa fin.

« Ce que je te propose, c’est qu’on emmène papi aux autorités. Il doit sacrément s’ennuyer pour tout gribouiller donc ils trouveront bien quelqu’un pour s’occuper de lui. Après quoi, tu pourras fanfaronner avec Kazemachinchose dans les dunes. Vendu ? »
Un grand sourire s’étendit sur ses lèvres. Il retombait en enfance. Il avait trouvé un compagnon de jeu et ils pourraient jouer aux chevaliers à se castagner avec leurs armes – pas trop fort ne rêvons pas -. Il avait grande hâte de montrer aussi ce dont il était capable.

Finalement il ne lui restait plus rien à nettoyer, à part son kimono dont les manches souillées pendaient tristement. Il haussa les épaules en se disant qu’elles ne seront que mieux pour trainer dans les dunes d’entrainement. Réalisant donc ses paroles, il prit le petit vieux, assis dans un coin, par le bras et initia la marche vers ce qui devait être un genre de commissariat à Suna.
Lançant un coup d’œil en arrière, il lança gaiement au jeune :
« Tu t’amènes ? »