Le gérant était un homme vieux, un légère éclat de malice dans le regard. Ce genre d’éclat qui confirmait que, oui il avait su s’implanter au bon moment et de la bonne façon et que, oui, il en était bien conscient.
Il observa les deux shinobis.
Chikkou observa lui aussi son camarade. Quelque chose de noble se dégageait de ses paroles, mais aussi de sa manière de s’incliner. Notre champignon déduisit rapidement que Kosuke savait ce qu’il faisait, qu’il avait de l’expérience dans ce genre d’échanges hiérarchiques.

Le regard du patron se porta sur Chikkou, qui lui sourit. Et non, le statut de l’homme ne l’impressionnait pas plus que ça. Un restaurateur n’était rien de plus qu’un marchand. Un marchand spécialisé, mais un marchand tout de même.
L’homme prit la parole.

« Chikkou, Kosuke, je suis Hanjouten, le gérant de ce restaurant. »

Chikkou hocha la tête.

« Ce soir nous commençons notre semaine spéciale traditions de suna, et c’est pour cela que nous avons besoin de shinobis. Notre village a de nombreuses traditions, qu’il s’agisse d’évènements, de littératures ou de nourriture… Mais il reste un village un ninja. Ou plutôt il l’est redevenu. »

Un éclair traversa l’esprit de Chikkou. Hanjouten voulait des démonstrations techniques. Il voulait que ses clients en prennent plein la vue.

« J’aimerai donc que vous leur fassiez une démonstration de ce que savent faire les ninjas.
— Et comment procéderions nous ?
— Comment cela ?
— Eh bien… »

Chikkou réfléchit un instant : cela ne collait pas. Les shinobis étaient des combattants ou des espions, pour la plupart. Dire d’office « Regardez les faire des trucs de shinobis » ne fonctionnerait pas…

« Il devrait y avoir une autre méthode, que de se présenter comme shinobis… JE ne sais pas, tirer partie de nos compétences respectives pendant une partie de la soirée, avant de nous dévoiler. »

Chikkou se tourna vers Kosuke.

« T’en penses quoi ? »

Il espérait secrètement que le sabreur aille dans son sens, et qu’ils trouvent ensemble un moyen de déployer discrètement leurs talents avant de faire la véritable démonstration de force.

Notre champignon écouta son camarade avec attention. Kosuke allait dans son sens, et c’était une bonne chose. Il restait néanmoins à déterminer quoi faire et comment le faire.
Chikkou présenta ses propres capacités, de sorte à s’octroyer un instant de réflexion supplémentaire.

« Je suis du clan Kinoko… Donc je fais principalement des champignons. J’ajouterai même que je ne peux faire que ça haha… »

Il se gratta les cheveux, légèrement gêné. Mais ne savait-il réellement faire que ça ? Non, bien évidemment. Il y avait les spores, le mycélium et…
L’idée commençait à se construire lentement dans son esprit et il prit le parti de l’exprimer en direct.

« Dans mon cas, vous pourriez me positionner à l’accueil de vos clients en début de soirée. Il y aura bien une vérification des réservations ?
— Oui.
— Sur support papier ?
— Absolument.
— Bon. » Il marqua une pause. « Je suis un sensoriel. Je pourrais aisément… Comment dire… Marquer les réservations ? Oui. Je pourrais les marquer avec mes spores  pour montrer ce que signifie être un sensoriel en disant où elles ont été rangées par vos différents clients. Ça fait un peu prestidigitateur, mais je peux éventuellement compléter cela par la création d’un petit champignon sur chacune d’entre elles. »

Hanjouten arqua un sourcil, légèrement incrédule. Les kinokos n’étaient pas excessivement connus, sauf peut-être à Konoha.
Chikkou n’y fit pas trop attention et se concentra sur Kosuke. Un sabreur donc. Que pourrait-on faire dans un restaurant avec une lame ? Quelle application… Il eut un rire gêné par sa propre stupidité.

« J’suis vraiment chikkon. »

Il secoua vivement la tête avant de se tourner vers le gérant.

« Y a-t-il des plats à base de viande ?
— Oui, des steaks de dromadaire.
— La découpe se fera-t-elle durant le repas ?
— Eh bien, c’est une possibilité puisque les plats ont eux-mêmes étaient réservés. Pourquoi ?
— Dis-moi Kosuke, tu te sentirais capable de faire de la découpe au sabre devant les clients ? Au sabre ou avec un couteau de cuisine éventuellement. Cela pourrait donner un aspect spectaculaire au repas pendant que les clients s’installent ou bien qu’ils mangent leurs entrées ! »

Notre champignon n’avait plus qu’à attendre l’aval de son collègue, puis celui de patron. Si c’était bon pour eux, ils pourraient tous attendre les clients.

Tout allait dans le sens de l’idée de notre champignon et, en toute honnêteté, cela lui plaisait plutôt bien. Il avait déjà expérimenté ce sentiment lors de la mission avec Akihiko. Notre ninja avait pris les rênes du groupe, et tout s’était plus ou moins bien passé.
Avec un peu de chance, cela roulerait bien, ici aussi.

Il écouta les doutes du gérant. Des doutes probablement fondés sur le potentiel impact qu’aurait cette soirée sur toutes celles qui viendraient. Il forgeait ce soir la réputation de son établissement. Engager des shinobis était un pari on ne peut plus risqué et Chikkou, s’il ne saisissait pas toutes les nuances qui faisaient que ce pari était risqué, avait bien compris qu’il faudrait assurer, ce soir-là.
Une mauvaise prestation ne détruirait pas la réputation du restaurant, mais elle pourrait bien l’entamer. Et puis, quitte a glissé vers-là, c’était l’aura dont les sunajins jouissaient auprès des civils qui pourrait être entamée.

« Ne vous inquiétez pas, nous ferons une démonstration un peu plus impressionnante après. » Il sourit avec sincérité, pour le rassurer. « Mais je pense sincèrement que nuancer le rôle du ninja ne pourra que nous servir, tant vous que nous.
— Si vous leur en montrez plus, vous pourrez forcément faire quelque chose de la réputation gagnée, c’est bien ça ?
— Absolument. »

Chikkou avait répondu avec sa joie naturelle, ce qui surprit le gérant. Il avait dû s’attendre à ce que notre champignon déforme la réalité, ce fasse plus altruiste qu’il n’était… Mais c’était mal connaître notre Chikkou national.
Hanjouten le scruta un instant. Ce qu’il perçut du le satisfaire, puisqu’il soupira rapidement.

« Bah, allons-y, les jeunes. Vous trouverez le vestiaire dans la pièce d’à-côté. Trouvez une tenue à votre taille et préparez-vous. Ça ne devrait pas tarder à arriver.
— Ça ?
— Vos pires ennemis, les clients. »

Chikkou se tourna pour trouver la serveuse qui les avait accueillis dans l’encadrement de la porte du bureau. Elle sourit aux deux shinobis avant de disparaître à l’extérieur.

« Suivez moi, je vais vous montrer. »

Chikkou la suivit sans se faire prier. Elle les guida dans la pièce mitoyenne et leur indiqua une grande armoire où de nombreux uniformes étaient soigneusement pliés.

« Servez-vous, et laissez vos affaires dans ce casier-ci. » Elle pointa du doigt le plus proche d’elle. « Je vous laisse, on se rejoint dans cinq minutes devant. »

Et elle sortit. Chikkou se dirigea immédiatement vers l’armoire, attrapa une tenue entièrement noire à l’allure plutôt traditionnelle – ou plutôt chikkou trouvait qu’elle inspirait la tradition avec ses longs pans de toile tissés finement les uns avec les autres.
Il se changea, laissa son ombrelle, son bandeau et tout son attirail dans le casier avant de se tourner vers Kosuke. Une dernière idée lui traversait l’esprit.

« Je pense que le mieux serait qu’on se change de nouveau avant de faire la démonstration finale. Avec un peu de chance, certains nous reconnaîtront et d’autres pas, ce qui ne pourra que nous servir. »

Il s’engagea dès lors vers la salle où leur mission les attendait.