Les ordres venaient de tomber. Nous avions perdu le contact avec l’équipe chargée d’approvisionner fort Miracle en vivres et la propagande du Daimyô s’appropriait déjà cette victoire. La nourriture avait été achetée à Iwa, cette tanière de vaurien. Nul doute que l’un d’eux avait dû vendre la mèche.
D’après nos renseignements, l’attaque ne serait qu’un appât pour secouer un peu la fourmilière que nous représentions. Aussi, mes supérieurs avaient pris soin de minimiser le nombre de forces affectées à la récupération du convoi. J’étais chargé de retrouver celui-ci, de juger s’il pouvait être repris en l’état actuel des choses et d’agir si tel était le cas. En revanche, si la reprise de cette nourriture s’avérait impossible, je devais immédiatement demander des renforts. La ville se devait d’être approvisionnée coûte que coûte. Nous avions pris soin d’engager des forces extérieures pour cette mission. Une mercenaire qui avait par le passé déjà rendu quelques menus services à la Cause. À la différence de ses congénères, elle semblait avoir encore un temps soit peu de morale, du moins c’était ce que l’on m’avait dit.
J’avais obtenu sa description physique et nous devions nous retrouver non loin de la dernière position attestée du convoi, dans un petit village du nom de Dorobō, entre Toriwaza et Iwa. Je m’étais vêtu pour l’occasion de l’uniforme de l’armée de Gaiteki. Il serait certainement utile pour notre tache. Mes pas me conduisirent dans une auberge désertée. En inspectant les lieux, je vis ce qui ressemblait à mon contact. Je gratifiais cette femme d’un léger sourire avant de désigner la chaise en face d’elle, prenant place.
« Comment est la blanquette ? »
Je lui donnais le code servant à authentifier nos identités tout en regardant autour de nous, conservant mon sourire. Je patientais en tapotant sur la table, attendant la réponse. Une fois le contact établit, nous pourrions nous pencher plus attentivement sur l’opération «Baleine d’Eau ».
La louve avait été démarchée par des rebelles du Pays de la Terre. Ce n’était pas la première fois qu’elle avait à faire avec ces personnages et elle savait plus ou moins de quel côté ils étaient. Ce n’était pas des pourris. Du moins, c’est ce qu’elle s’imaginait mais peut-être se trompait-elle. Il lui fallait conserver une certaine méfiance avec des personnes qu’elle ne connaissait guère. Car même des personnes proches pouvaient se révéler indigne de sa confiance et de sa loyauté. La jeune femme avait hésité à accepter puis, après avoir entendu de quoi il en retournait, avait finalement accepté de prendre part au contrat. Même si elle préférait travailler seule, elle n’avait pas refusée de partager ce contrat de pair avec un des leurs. Du moment que celui-ci ne la gêne pas. Ce n’était pas comme si elle avait quelque chose de mieux à faire après tout. Et puis, il ne fallait pas cracher sur quelques ryos. Tant qu’on ne lui demandait pas de prendre part à des desseins trop sombres, elle pouvait bien accepter de se salir les pattes et de se secouer les puces.
Après avoir récupéré quelques informations, la jeune femme s’était rendue jusqu’à une petite auberge très calme dans le petit village de Dorobō. Elle avait dû arriver la première car elle ne sembla pas reconnaître la description qu’on avait pu lui donner de son contact. Patiente, elle s’assit à une table quelque peu en retrait, près d’une petite fenêtre et ajusta son capuchon qui couvrait une bonne partie des traits de son visage. Une femme s’approcha d’elle et, après lui avoir adressé un regard curieux, elle répondit à son interrogation.
« — Donnez-moi quelque chose à boire. » Demanda-t-elle en lui tendant une pièce.
Celle-ci acquiesça, prit la pièce entre ses doigts et fit volte-face pour retourner au comptoir. Pendant ce temps, Kimitsu s’attela à l’observation de son environnement. Il y avait un homme qui grignotait un os de volaille de l’autre côté de la pièce. Il semblait avoir très faim vu le soin qu’il mettait à grignoter toute la viande trop cuite qui collait à l’os du défunt animal. Soudain, la porte s’ouvrit et un homme avec des lunettes apparut et se dirigea aussitôt vers elle après avoir jeté un rapide coup d’œil au reste de l’établissement. La louve acquiesça silencieusement quand il désigna la chaise en face d’elle, lui rendant un mince sourire en signe de politesse.
« Comment est la blanquette ? » Dit l’homme en s’asseyant.
À ce moment, la serveuse revint avec un verre de quelques alcools qui sentaient plus forts qu’ils n’avaient de goût et le déposa en face de la jeune femme. Kimitsu attendit que la serveuse ne s’éloigne de nouveau pour répondre à son compagnon.
« — Les plats à base de viande sont-ils de bonne qualité ? » La suite du mot de passe.
Ceci fait, il était évident qu’en face d’elle se trouvait son comparse de contrat. C’est avec lui qu’elle partagerait les prochains jours dans la recherche du trésor volé. Attrapant d’une main son verre, elle le porta à sa bouche et trempa juste assez ses lèvres pour gouter le breuvage, avant de le reposer doucement. Elle n’avait pas spécialement envie de boire quoi que ce soit tout de suite, mais il fallait faire en sorte de ne pas éveiller des soupçons. On ne se rendait pas dans une auberge pour autre chose que boire, manger, ou dormir. Enfin, normalement.
« — Je suis Kimitsu. » Se présenta-t-elle rapidement, avant de reprendre calmement. « Par où commencer ? »
Je vais hocher doucement la tête en entendant le nom de la mercenaire. La serveuse se présenta à la table et je lui demandais un thé avant de reporter mon attention sur mon interlocutrice.
« Je m’appelle Takeshi. C’est moi qui suis en charge de notre affaire. C’est moi qui vous paierai et ce seront mes directives qu’il faudra écouter. »
Je marquais alors une petite pause. Il était pour moi important de clarifier la situation dès le départ. Les mercenaires avaient tendances à se croire tout permis et cela pouvait considérablement nuire aux opérations. La serveuse revint alors vers nous en me servant le thé. Je la gratifiais d’un sourire avant de regarder à nouveau autour de moi. Finalement je me focalisais à nouveau sur la pisteuse tout en soufflant sur le contenu de ma tasse.
« Je suppose que vous avez eu un premier briefing de la situations ? Un enfant gâté a cru bon de voler à son prochain. Nous pensons qu’il s’agit la d’une ruse pour attirer nos amis communs dans une embuscade. Aussi nous allons retrouver le bien volé et juger de la possibilité de le récupérer à nous deux. D’après ce que l’on sait, le convoi a été attaqué à quelques lieux d’ici, sur la route. On devrait pouvoir trouver un début de piste, d’autant que les soldats souhaitent que nous puissions les retrouver. »
Nous prîmes alors quelques minutes pour terminer nos consommations. Par la suite, nous nous mirent en route, quittant le village à la marche. La route que l’on prit semblait fréquentée. Nous croisions quelques marchands. Certains nous offrant des regards emplies de sympathies, d’autres laissaient apparaître leur mépris. Cela devait être dû à mon uniforme sans doute.
« Vous voyez leur regard. La plupart ne cachent même plus leur mépris pour le régime en place. Gaiteki monopolise l’extraction des sols et s’approprient une bonne partie des récoltes pour baigner la capitale dans l’opulence. Et pendant ce temps-là la corruption et l’infamie prospère à Iwa. Le peuple doit se réveiller. La seule chose qui permet au mal de triompher est l'inaction des hommes de bien. »
Un léger rire s’empara alors de moi. J’avais l’impression d’entendre les prêcheurs de Toriwaza. Je devais rester concentrer et laisser les mots à ceux qui savaient convaincre.
L’homme qui s’était installé en face d’elle appela rapidement la serveuse afin qu’elle lui serve un thé. La louve suivit du regard les gestes de l’homme et écouta attentivement ce qu’il avait à lui dire. Il avait certainement bien plus d’informations qu’elle n’en avait.
« — Je m’appelle Takeshi. C’est moi qui suis en charge de notre affaire. C’est moi qui vous paierai et ce seront mes directives qu’il faudra écouter. »
Il faisait donc bien partie de la branche rebelle. Il serait son supérieur lors de ce contrat. C’était assez rare que le commanditaire fasse partie intégrante dudit contrat mais la jeune femme ne s’en plaindrait pas. Elle n’avait pas eu de mauvaises expériences auprès des rebelles. Elle avait rencontré quelques temps auparavant leur cheffe. Et, bien malgré elle, elle avait été l’instigatrice d’un sauvetage de certains de leurs membres. Ses relations avec les rebelles étaient donc plutôt bonnes même si la louve ne savait pas trop ce que ça lui apporterait. Dans tous les cas, la louve mettrait ses talents de pistage à disposition de cet homme afin de s’assurer de la réussite de cette nouvelle mission. Ainsi, Kimitsu hocha simplement la tête alors que l’homme reprenait ses explications.
« — Je suppose que vous avez eu un premier briefing de la situation ? Un enfant gâté a cru bon de voler à son prochain. Nous pensons qu’il s’agit la d’une ruse pour attirer nos amis communs dans une embuscade. Aussi nous allons retrouver le bien volé et juger de la possibilité de le récupérer à nous deux. D’après ce que l’on sait, le convoi a été attaqué à quelques lieux d’ici, sur la route. On devrait pouvoir trouver un début de piste, d’autant que les soldats souhaitent que nous puissions les retrouver. »
La louve acquiesça et bu un peu de son breuvage avant de simplement le laisser de côté. Elle étira ses bras un peu en avant et souffla.
« — Ça ne devrait pas être bien difficile alors. » Répondit-il en haussant les épaules.
Car s’ils cherchaient à ce qu’on les recherche, les talents de pisteuse de la jeune femme ne seraient probablement pas si utiles. Il n’était pas difficile de retrouver un troupeau d’éléphants dans une forêt de conifères, il n’y avait qu’à suivre les arbres arrachés. Quand il se leva, la louve en fit de même et lui emboita le pas à l’extérieur de l’établissement. Sur la route, quelques marchands et autres itinérants. Des regards glissaient dans leur direction, tantôt courroucés, tantôt sympathiques. D’autres encore, prenaient soin de contourner les deux comparses, probablement de peur d'être pris à parti par l’homme à l’uniforme clinquant de bon soldat du Daimyo.
« — Vous voyez leur regard. La plupart ne cachent même plus leur mépris pour le régime en place. Gaiteki monopolise l’extraction des sols et s’approprient une bonne partie des récoltes pour baigner la capitale dans l’opulence. Et pendant ce temps-là la corruption et l’infamie prospère à Iwa. Le peuple doit se réveiller. La seule chose qui permet au mal de triompher est l'inaction des hommes de bien. »
La louve haussa une nouvelle fois les épaules. La crainte des représailles était une bonne manière de faire pression sur le peuple. Il valait mieux vivre le dos courbé que six pieds sous terre. Alors qu’ils s’éloignaient du petit village dans lequel ils s’étaient rencontrés, elle se tourna vers lui.
« — On sait ce qu’on quitte mais pas ce qu’on obtient. Entre accepter des conditions inhumaines ou mourir, le choix semble vite fait. » Souffla-t-elle. « Souvent, c’est la peur pour ses proches qui priment. Il est plus aisé d’attaquer les proches d’un gêneur pour faire pression sur lui que le gêneur lui-même. C’est une technique de lâche. » Maugréa-t-elle encore.
Kimitsu ne connaissait pas tellement les affaires qui se passaient au Pays de la Terre, cela faisait bien trop peu de temps qu’elle était là. Ce qu’elle savait c’était ce qu’elle avait pu voir de ses propres yeux. La manipulation, la terreur et la misère, semblaient être les maitres mots des dirigeants de Tsuchi no Kuni. C’était à se demander s’il y avait réellement des gens bien dans ce pays, un peu comme dans le reste du monde.
« — Votre cheffe… » Elle sembla chercher son nom un instant. « …Hoshi. Elle semble être une personne honnête. » Dit-elle simplement.
L’homme ne devait pas savoir qu’elle connaissait sa cheffe, et la louve ne souhaitait pas le crier sur tous les toits non plus. Un mince sourire se dessina sur les lèvres rosées de la jeune femme alors qu’ils continuaient leur chemin sur la même route. À mesure qu’ils s’éloignaient, ils croisèrent moins de marchants et de voyageurs. Afin de retrouver plus rapidement la piste de la cargaison, la pisteuse se décida à prendre la forme la plus efficace à une telle mission. Elle s’éloigna alors, s’assura de ne pas être vu par de quelconques yeux curieux, puis se changea en une bête au pelage de jais. Campée sur ses quatre pattes et armée de tous les sens canins, l’animal rejoignit son comparse et lui adressa un regard avant de simplement s’élancer en avant, la truffe proche du sol.
Aux yeux des badauds, elle n’était qu’un gros chien à l’allure plus ou moins dangereuse. S’ils leur arrivaient de croiser quelqu’un, on se méfierait simplement de la bête canine. Elle était juste un gros chien, doté d’un raisonnement et d’un intellect humain. Le rythme s’accéléra à mesure que la louve évoluait sur le chemin, cherchant activement la piste. Les deux comparses arrivèrent à une intersection de chemins et il fut assez évident pour l’odorat de l’animal que ceux qu’ils traquaient, n’avaient pas suivis le chemin officiel. Elle entraina donc, tout en restant prudente, son acolyte sur le chemin de traverse, pistant les effluves des lâches.
Un sourire se dessinait sur mon visage tandis que j’écoutai l’argumentaire de la mercenaire. Elle n’avait pas tort sur bon nombre de point. Les gens avaient peur et craignaient des répercussions sur leur famille. D’après elle, seul les lâches frappaient les points vulnérables. En temps de guerre, il ne fallait pas avoir peur de se salir les mains. Aussi je me gardais de lui dire qu’il nous arrivait par moment de procéder exactement comme l’adversaire. Elle semblait avoir une bonne opinion de nous ce qui était assez rare pour être souligné. En effet, les étrangers avaient tendance à plutôt écouter la propagande loyaliste, celle-ci ayant une plus grande portée de diffusion que la nôtre.
Il y eut un moment de silence. Nous étions tout deux en train de réfléchir aux propos de l’autre d’après moi. Puis elle se décida à rompre le silence en mentionnant Hoshi-sama. Un sourcil se haussa sur mon visage tandis que mon regard se porta sur la contractuelle. Peu de personne pouvait se targuer d’avoir déjà rencontré la capitaine. Moi-même je ne l’avais vu quand de rares occasions. Puis la description qu’elle semblait m’en faire. Nul doute qu’elle l’avait réellement rencontré. Depuis son ascension à la tête du clan, la tête du capitaine avait été mise à prix par le pouvoir en place et on avait plutôt tendance à la présenter comme une personne abjecte et sanguinaire.
Je laissais toutefois un blanc à sa réflexion. Les questions pouvaient attendre. Nous avions un objectif avant tout. La pisteuse s’éclipsa au bout d’un moment et une louve vint alors à ma rencontre. Un nouveau sourcil se haussa avant que je ne puisse comprendre de quoi il retournait. Gratifiant l’animal d’un signe de la tête, je me mis alors à le suivre. Notre marche devint rapidement une petite course et finalement, nos pas nous conduisirent devant une intersection.
Les sens de la pisteuse furent formelles et nous nous engagions par la suite sur un chemin beaucoup plus petit, quittant la route principale. On pouvait apercevoir un bosquet au loin ainsi que quelques collines l’entourant. Quelques mètres avant d’atteindre le bois, je vis la louve se redresser. Suivant son regard, je vis au loin une patrouille qui se dirigeait vers nous.
« Par ici... »
Je l’incitai d’un geste de la main à me rejoindre dans les buissons attelant au sentier. Après avoir laissé la patrouille passer, mon regard se posa en direction du bosquet.
« Ils doivent avoir un camp de fortune... »
Je venais alors sortir un rouleau d’une poche intérieure avant de le poser par terre et de l’ouvrir. Celui-ci contenait bon nombre de sceaux. Je venais alors réaliser une série de mudras, faisant apparaître un oiseau mort sur le parchemin. Posant par la suite ma main sur la carcasse, les symboles du sceau quittèrent le papier du rouleau pour venir se poser sur la carcasse qui s’anima. Après l’avoir prise dans mes mains, je murmurais mes directives doucement avant de le jeter. Il prit alors son envol.
« Vous sentez plusieurs odeurs ? »
Tout en parlant je venais exécuter de nouveau mudras avant de poser ma main gauche sur mon œil, le recouvrant.
« Ninpo : l’oeil de la mort… »
Je me retrouvais alors à voir à travers les yeux de l’oiseau ramenait à la vie. Celui-ci survolait le bosquet et me permis de voir un camp de fortune avec quelques défenses sommaires comme des palissades. Le convoi de nourriture était là tout comme bon nombre de soldats...
Cela faisait quelques minutes que les deux acolytes avaient bifurqué quand des mouvements parvinrent à l’animal. Ces mouvements venaient d’en face d’eux et elle n’eut besoin d’un coup d’œil pour discerner un petit groupe d’individus : une patrouille. Le corps de l’homme à ses côtés se tendit tandis qu’il posait son regard sur ladite patrouille et qu’il cherchait certainement une façon de se tirer de là. Quant à la louve, elle s’était stoppée, les oreilles dressées mais le ventre proche du sol, prête à décamper à la moindre alerte. Cette forme canine avait bien des avantages. En cas de fuite, elle pouvait facilement se soustraire au regard de ses adversaires et fuir avec toute la vélocité de l’animal.
« — Par ici... » Entendit-il Takeshi lui glisser.
L’animal se tourna en sa direction puis, toujours ventre à terre, se glissa à sa suite avec toute la discrétion dont elle pouvait faire preuve. Elle le rejoignit dans un petit bosquet, se couchant patiemment sur le sol alors que le petit groupe d’individus passait devant eux sans même adresser un regard dans leur direction. Ceux-ci étaient trop occupés à charrier l’un de leurs comparses, plus jeune, sur un éventuel intérêt qu’il avait montré pour une jeune pucelle. La louve ne prit pas la peine d’écouter le reste de la conversation comme cela constituait en des conseils vaseux et clairement en dessous de la ceinture. Rien d’utile en somme, sauf pour se faire une idée des pensées peu professionnelles qui occupaient à cet instant l’esprit des veilleurs.
« — Ils doivent avoir un camp de fortune... » Murmura son acolyte à nouveau.
Kimitsu hocha la tête, à défaut de répondre de vive voix, et déposa de nouveau sur lui ses prunelles d’or. Elle l’observa avec attention quand il extirpa d’une de ses poches un parchemin qu’il étala sur le sol avant de réaliser une série de mudras, inconnue à la louve. Curieuse, celle-ci attendit de constater l’effet recherché de ladite technique. Un oiseau mort apparut alors sur le parchemin et, après quelques sorcelleries étranges, la bête à plumes reprenait son envol tel un automate fait de chair et de sang.
« — Vous sentez plusieurs odeurs ? » La questionna-t-il.
À cette question, la louve se redressa, sans quitter l’anonymat du buisson, et leva la truffe à l’air. Elle huma longuement les odeurs qui lui venaient aux narines, celles-ci venaient de plusieurs directions mais il y avait bien un groupe non loin d’eux vu la concentration d’odeurs qu’elle parvenait à discerner de cet endroit. Faisant appel à son odorat et à son ouïe canine, elle pouvait facilement discerner des voix et des bruits venant du bout du chemin. L’odeur de la nourriture volée également. N’étant pas dotée de parole sous la forme animale, la louve reprit sa forme humaine, accroupie à l’abri des feuillages. Il était certainement en train d’utiliser une technique, mais la louve entreprit de répondre à sa précédente question tout de même.
« — Il y a un groupe d’individus plus loin sur ce chemin, possiblement ceux que l’on cherche. » Avança-t-elle prudemment. « Il y en a au moins une dizaine, plus le petit groupe de sentinelles qui est passé devant nous. » Continua-t-elle à voix basse. Pausa. Puis reprit. « Je sens d’autres odeurs aussi, probablement des sentinelles furtives. » Elle n’était pas tout à fait sûre. « On pourrait utiliser ces sentinelles pour faire diversion et diviser le groupe. » Réfléchit-elle à voix haute.
Kimitsu se laissa tomber sur son séant et passa une main sur son visage. Elle attrapa une branche morte du buisson et commença à en arracher les feuilles distraitement.
« — Ils sont beaucoup, cela me parait impensable de les attaquer de front. » La louve pouvait gérer plusieurs opposants en même temps, jusqu’à une certaine limite, mais elle ne savait pas ce qu’il en était de son compagnon. « Vu le nombre qu’ils sont, ils s’attendent à recevoir de la visite. Agissons avec intelligence. » Un léger rictus apparut sur ses lèvres. L’animal s’enivrait de cette partie de chasse.
J’écoutais ma camarade tout en hochant doucement la tête en guise de réponse. L’oiseau continuait de nous renseigner sur la situation en survolant les environs. La mission semblait difficile mais pas impossible avec une bonne préparation toutefois quelque chose m’alerta et mes sourcils se froncèrent devant cette vision. Au milieu des loyalistes se trouvaient deux femmes en uniforme, avec l’emblème du clan Kazan sur leurs épaules.
Finalement je fis poser l’oiseau sur une branche avant de rompre le contact. Je maintenais toutefois l’animal en vie pour le moment car il pouvait sans l’ombre d’un doute nous servir dans un futur proche.
Mon attention se reposait sur Kimitsu et je tâchâis de faire disparaître rapidement le sourire sur son visage. Ce que nous faisions n’avait rien d’un jeu.
« Des Kazan… Il y en a deux et s’ils sont la, ce n’est pas pour rien. Ce sont des combattants et je doute grandement que l’on puisse abattre des manipulateurs du yoton et une troupe de loyalistes aisément. »
Je venais par la suite saisir une brindille qui traînait pour commencer à dessiner sommairement un plan topographique des alentours. Par la suite je précisais dessus l’emplacement du convoi et du principal groupe avant de tracer l’itinéraire de la patrouille que nous avions croisé. Je tendais alors le bâton vers ma comparse.
« Si vous pouviez indiquer les autres patrouilles. Je pourrais peut-être les attirer avec des parchemins explosifs et concentrer leur attention à un point précis, voire attirer leur attention tout autour du périmètre. Cela réduirez le nombre de gardiens autour du convoi. »
Je marquais alors une pause, réfléchissant alors aux différentes options qui s’offraient à nous.
« Où alors nous pourrions peut-être commencé par neutraliser une à une les patrouilles en périphérie. Ils doivent probablement donner des nouvelles toutes les X minutes. Toutefois s’ils se sentent acculés, combien même ils se savent attaqués, ils ne prendront pas le risque de quitter leur position. »
Je laissais quelques secondes de silence avant de jauger la mercenaire. Elle semblait relativement tranquille malgré la situation. Cette tranquillité n’avait rien de rassurant. Elle pouvait très bien être extrêmement compétente comme elle pouvait juste n’avoir aucune idée de ce que l’on allait affronter. Cependant, la mission restait d’actualité. Nous n’avions pas encore été repéré et cela nous offrait un grand avantage sur l’adversaire.
La jeune femme relâcha la branche, désormais dépourvue de feuilles et de bourgeons, sur le sol devant elle. Ses prunelles s’attardèrent sur le visage de son acolyte et son sourire s’évanouit rapidement quand il reprit la parole. Curieuse, quant à ce qu’il allait lui dire par la suite.
« — Des Kazan… Il y en a deux et s’ils sont là, ce n’est pas pour rien. Ce sont des combattants et je doute grandement que l’on puisse abattre des manipulateurs du yoton et une troupe de loyalistes aisément. »
La louve tourna alors la tête vers sa droite, son regard se perdant entre les feuillages dans le taillis sans réellement discerner quoi que ce soit de sa position. Elle ne comprenait pas très bien. Elle avait cru comprendre que les individus de la branche Kazan étaient tous des rebelles. Pourquoi y en avaient-ils auprès de l’armée du Daimyo ? Cela ne semblait clairement pas logique dans le cerveau de la jeune femme. Bien décidé à comprendre, et à s’instruire au passage, elle se pencha quelque peu en avant et ouvrit la bouche pour le questionner.
« — Mais… Les Kazan ne sont-ils pas tous des rebelles ? Comment le savez-vous ? » Demanda-t-elle.
Beaucoup de choses restait obscure aux yeux de la louve qui apprenait petit à petit à connaitre et surtout, comprendre, le fonctionnement des individus qui peuplaient le monde. Bien sûr, la manipulation et le mensonge étaient des fonctionnements qu’elle connaissait déjà et qu’elle avait déjà pu voir mis en œuvre. Pour ce qui est du reste, tout était une découverte pour la jeune femme. Elle tourna finalement sa tête à nouveau vers l’homme qui avait saisi la branche qu’elle avait lâché sur le sol peu de temps auparavant, et entreprit de faire des dessins dans la terre. Kimitsu se redressa et observa les formes qu’il grattait dans le sol avant qu’il ne continue ses explications.
« — Si vous pouviez indiquer les autres patrouilles. Je pourrais peut-être les attirer avec des parchemins explosifs et concentrer leur attention à un point précis, voire attirer leur attention tout autour du périmètre. Cela réduirait le nombre de gardiens autour du convoi. » Dit-il en lui tendant la branche.
Elle acquiesça doucement et prit la branche entre ses doigts et observa avec attention le gribouillis de son acolyte dans la terre. Réfléchissant un instant sur ce qu’elle avait sentis, elle fit des croix aux endroits où l’odeur avait été assez forte pour ne pas se tromper. Certaines odeurs également pouvaient donner une idée du circuit que les groupes faisaient. Ils s’arrêtaient souvent à certains endroits, certainement pour la relève, mais ne s’éternisait pas. Ce serait probablement de bons endroits pour attaquer en douce et les faire disparaitre dans un buisson adjacent.
« — Voilà. » Fit-elle en terminant ses marques dans le sol. L’homme reprit rapidement la parole, visiblement noyé dans ses idées d’infiltration.
« — Où alors nous pourrions peut-être commencer par neutraliser une à une les patrouilles en périphérie. Ils doivent probablement donner des nouvelles toutes les X minutes. Toutefois s’ils se sentent acculés, combien même ils se savent attaqués, ils ne prendront pas le risque de quitter leur position. »
La jeune femme acquiesça une nouvelle fois. Elle posa la branche près d’elle et posa à nouveau ses prunelles sur son compagnon de mission.
« — Je pense que c’est la meilleure solution. On se débarrasse des sentinelles en premier puis on avance peu à peu vers le centre du groupe. Vu le nombre qu’ils sont près du cargot, il ne vaut mieux pas qu’ils appellent à l’aide car nous serions rapidement submergés. » Répondit-elle d’une voix calme, mesurée.
Se redressant un peu, la jeune femme s’accroupit et recula d’un pas. Elle montra du bout du doigt l’extrémité du dessin.
« — Je pense que nous devons nous diviser et nous rejoindre par la suite. Nous les prendrons en tenaille et il ne restera plus que les individus près du cargot. Ils seront isolés et ce sera donc plus aisé de les attaquer. Il faudra être rapide pour qu’ils n’aient pas le temps de réfléchir à une stratégie de défense ou de contre-attaque. La meilleure attaque c’est la surprise. » Expliqua-t-elle doucement.
Posant ses mains sur le sol, elle s’apprêtait à utiliser sa technique de dissimulation pour disparaitre mais attendit le feu vert de son comparse.
« — Prêt ? » Murmura-t-elle en arquant un sourcil.
L’idée semblait simple mais je doutais fortement de l’efficacité de celle-ci. Toutefois l’inactivité était encore pire et ils ne leur fraudaient pas bien longtemps pour se rendre compte qu’ils étaient observés. Aussi je donnais mon aval pour cette idée avec un hochement de la tête.
«Je commence par la patrouille sur le chemin. J’y installerais des pièges pour couvrir notre fuite avec le convoi. Je doute que l’on puisse tous les abattre là-bas mais si nous pouvez nous emparer du chariot de marchandise et fuir, l’objectif sera accompli. »
Je partais alors sans plus de cérémonie vers mes objectifs. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je sortis de notre cachette en trottinant. Après quelques minutes, j’arrivai devant la patrouille qui nous était passée devant. Levant poliment la main, je les gratifiais d’un sourire avant de glisser ma main à l’intérieur de mon uniforme. Il formait un trio dont un avec un arc. L’un d’eux posa sa main sur le manche de son katana avant de faire un pas vers moi.
-Un souci… ?
« Je viens de la part du commandant, on a de nouvelle instruction et…. »
Il coupa net la conversation en m’incita à me taire, levant une main. Les deux autres se regardèrent entre eux.
-Pourquoi n’utilise-t-il pas les radios… ?
Je venais alors hausser un sourcil avant de sourire.
« Les communications sont sur écoutes, on nous signe des rebelles dans les environs et... »
Je venais alors sortir un kunai de ma poche, tranchant rapidement la gorge du soldat avant de le pousser d’un coup d’épaule vers le deuxième sabreur, faisant tomber les deux hommes. Au passage je venais tirer hors de son fourreau la lame présente de l’homme agonisant.
L’archer tendit son arc au même moment ou je lançais mon kunai dans sa poitrine. Il décocha tout de même sa flèche mais son mouvement n’était plus aussi assuré et le projectile frôla mon épaule, écorchant brièvement mon corps tout en déchirant ma tenue. Je venais alors planter la lame dans le visage de l’homme à terre avant de me ruer vers l’archer pour l’achever.
Soufflant, je regardais les hommes sans vie ainsi que mon épaule avant de récupérer une de leur radio. Je dissimulais aussi rapidement que je pouvais les corps dans un buisson avant d’apposer trois parchemins explosifs sur le chemin qui couvrirait notre fuite.
Je pris soin de conserver le sabre que j’avais récupéré avant de prendre la route de l’objectif suivant. Les autres patrouilles, je pourrais aisément les faire exploser ceux qui permettrait de concentrer l’attention de l’ennemi de sorte à ouvrir une ouverture à la mercenaire.
La louve acquiesça quand son comparse continua à parler. Ils allaient enfin passer à l'action. Elle réfléchit à nouveau à sa manière d'attaquer. Elle avait plutôt l'habitude de faire profil bas et d'attaquer qu'en cas de nécessité. Si elle pouvait mener une mission sans utiliser ses crocs, c'était une bonne chose. Mais elle se doutait que dans la situation actuelle, il faudrait certainement qu'elle utilise ses canines à un moment donné si elle voulait s'assurer de la réussite de son contrat. Ainsi, quand son comparse s'extirpa de l'ombre du bosquet pour lancer la première partie du plan, elle resta un instant à écouter les sons environnant afin de s'assurer de la direction à prendre. Elle entendit des éclats de voix, ceux de son compagnon de mission, et décida de se rendre dans le sens inverse afin d'être sûre de couvrir assez de terrain à eux deux.
Avant de quitter l'ombre du buisson, elle reprit sa forme animale. La femme devint louve en quelques secondes. Elle coula entre les branches basses puis se mit à roder, ventre à terre, en direction d'une autre patrouille entendu quelques temps plus tôt. Ils avaient bougé depuis le survol de l'oiseau, et se dirigeait désormais dans la direction du cargot. Il fallait les rendre hors d'état de nuire avant qu'il ne se rende visible aux yeux des individus près des marchandises. L'animal avançait rapidement dans l'ombre des feuillages, le regard braqué vers le bruit qu'elle discernait en pivotant ses oreilles vers l'avant. Ses mouvements étaient souples et rapides, elle rejoignit bientôt leur position. Ils étaient trois, l'un d'entre eux tenaient la radio dans l'une de ses mains, mais il n'était guère très concentré sur sa tâche. La louve s'extirpa rapidement des broussailles et bondit sur l'homme qui tenait la radio, lui l'attrapa brusquement avant qu'il n'ait le temps de réagir et broya la machine entre ses crocs avant de la jeter sur le sol.
À ce moment, l'homme éructa un cri de surprise, encore davantage quand l'animal se changea en femme. En un instant, elle forma des griffes au niveau de ses phalanges en élément fûton et lui griffa férocement la gorge. Le cri d'alerte de l'homme se changea en un gargouillis de sang avant qu'il ne s'écroule au sol. Les deux autres qui marchaient un peu en avant, se retournèrent enfin, les armes en avant, prêt à en découvre. La jeune femme s'élança dans leur direction et leur accorda le même sort qu'aux derniers. Bientôt, ils s'écroulèrent à ses pieds sur le sol. Une fois inanimés, elle les cacha sous les feuillages et reprit sa forme canine. Raté pour la méthode douce, au point où elle en était, autant en finir avec le reste du groupe.
Kimitsu entreprit d'évoluer toujours à l'ombre des arbres, s'assurant qu'elle faisait bien le chemin identique de son partenaire. Elle arrivait bientôt près du campement ou un groupe de shinobis attendait patiemment. Enfin plus si patiemment que cela car deux de leurs patrouilles avaient cessé de répondre et la crainte commençait à voiler certains visages. La louve fit appel à sa capacité de dissimulation afin d'être certaine de ne pas être observée, elle se changea en une ombre, attendant la suite des évènements.
Je me dirigeais vers la prochaine étape. Mes pas me conduisirent dans le bois et je devais sans doute être entre le camp et les patrouilles plus à l’Est. Je venais invoquer à l’aide de mon parchemin deux nouveaux oiseaux que je réanimais après avoir collé un parchemin explosif sur chacun d’eux.
Après avoir murmuré à leur oreille, les oiseaux s’envolèrent. L’oiseau du camp lui se mit à voler au-dessus des soldats, traçant des cercles, donnant le signal à la mercenaire. Peu de temps après une détonation se fit entendre dans les bois suivit de près par une deuxième. Les oiseaux venaient d’exploser sur deux patrouilles. Attrapant alors la radio que j’avais au préalablement voler sur un des loyalistes, je commençais à semer le doute dans l’esprit des soldats.
« On nous attaque ! Les rebelles nous attaquent par l’Est ! »
Il ne fallut pas longtemps pour avoir une réponse. La personne à l’autre bout du fil me demanda le nombre des prétendus assaillants ainsi que des nouvelles des patrouilles disparues. Je ne lui offris aucune réponse, laissant le doute se glissait dans sa tête ainsi que dans celle de ses compagnons.
Maintenant deux options s’offraient à nous. Soit les loyalistes envoyaient une partie de leur troupe vers ma position pour créer l’affrontement, soit ils se retranchaient dans leur camp. Quoiqu’il en soit, tous les regards étaient portés vers l’Est, ce qui permettait à la mercenaire d’avoir des opportunités.
Toutefois le principal problème n’était toujours pas réglé. Il fallait s’occuper des Kazan où tout du moins, les isoler.
Je m’approchais de la position du camp sans pour autant exagérer, préférant jouer la carte de la prudence. Ma main glissa à nouveau dans mon uniforme pour extraire un parchemin. Cette fois-ci je fis apparaître un corps et un arc. Après avoir ramené à la vie le défunt, j’apposais sur ses flèches des parchemins explosifs.
Il ne me restait plus qu’à attendre la suite et à m’adapter en fonction.
La louve était coupée de toutes communications à ce moment-ci. La radio qui aurait pu la prévenir avait fini broyée entre ses crocs quelques minutes plus tôt. Les débris électroniques de la machine jonchaient le sol derrière elle alors qu’elle avançait. De légers grésillements s’en extirpaient, ainsi la voix de son acolyte ne parvint pas aux oreilles de la louve. Elle n’avait pas vraiment besoin de savoir où il en était d’ailleurs. Pour l’heure, elle se devait d’être concentrée sur son objectif. Il fallait s’assurer qu’ils parviennent à les mettre hors d’état de nuire malgré leur infériorité numérique.
L’animal reprit forme humaine alors qu’elle se dissimulait à l’ombre d’un taillis. Elle fit des mudras pour faire apparaitre un clone canin près d’elle. Le loup qui apparut vint lover sa truffe dans son giron. Il était la copie conforme de sa forme canine, avec toutes ses capacités cognitives. Kimitsu posa sa main entre les deux oreilles de l’animal qui se tenait ventre à terre à ses côtés. L’idée était de l’envoyer de l’autre côté du camp afin d’attirer l’attention ailleurs. Cela lui laissait le champ libre pour attaquer d’un autre angle et avoir un certain effet de surprise. Son clone n’était pas fait pour le combat mais principalement pour des missions d’espionnage ou de pistage. Il n’encaisserait pas une attaque trop puissante. Il pouvait cependant user de ses crocs pour attaquer avec elle.
Le regard perçant, la jeune femme restait accroupie à l’ombre du bois. Elle hésitait à attaquer. Le groupe avait probablement eu vent d’une attaque car ils semblaient tout à coup tendus. Leurs regards balayaient les bois avec anxiété et ils braquaient leur kunaï en direction de chaque bruit pour être prêt à réagir à la moindre attaque. Cela n’arrangeait pas ses affaires. Une attaque surprise sera donc plus compliquée. Mais cela ne l’empêcherait pas de passer à l’offensive pour autant. Se jeter dans le tas n’était pas son fort, elle agirait donc d’une autre manière.
Le clone canin de la jeune femme se mit à grogner au nord de la position de la cargaison. Les jappements de la bête attirèrent l’attention des hommes postés non loin de là. Braquant leur arme dans cette direction, ils se jetèrent des regards interrogateurs avant que l’un des hommes, plus squelettique que les autres, fasse un pas en avant.
« — Toi là ! » Désigna-t-il un homme qui était visiblement très tendu, et sursauta quand on se tourna vers lui. « Va inspecter. »
L’homme le menaça de toute sa hauteur et le sous-fifre ne mit guère longtemps à réagir. Se cramponnant à son arme, il quitta le campement et s’enfonça dans les taillis.
Un cri alors.
L’homme disparut brusquement dans un gargouillis de sang et de gémissements agonisants tandis que des grognements bestiaux s’extirpaient du lieu de sa disparition. La voilà la diversion. Une fois l’homme hors d’état de nuire, le clone canin se redressa et avança dans les taillis, camouflé par son pelage ébène. Deux hommes s’avancèrent pour essayer d’aider celui qui avait disparu quelques secondes plus tôt. L’animal vint happer le premier pied qui s’offrait à ses crocs tandis que l’autre perdait l’équilibre, bousculé par la bête avant que celle-ci ne l’achève.
« — Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? » Grinçait entre ses dents l’homme tout fin alors qu’il reculait.
D’autres cris de peur suivirent les premiers. L’angoisse montait et avec elle, la panique commençait à se lire dans leur regard. L’homme qui avait été mordu au pied se dandinait en gémissant, jetant son kunaï çà et là pour tenter de frapper la bête sans y parvenir.
Puis soudain, la bête disparut dans un petit nuage.
Une autre apparut. Plus grande, de forme monstrueuse. En un éclair. Elle s’était jetée sur le premier homme qui s’était un peu trop reculé dans sa direction. En un coup de mâchoire, elle avait broyé sa nuque. Et l’homme pendait désormais misérablement de sa gueule.
« — Abattez ça ! » S’égosilla-t-il.
Il y eut un moment d’hésitation chez ses adversaires. De peur surtout. Et la louve en profita pour s’élancer à nouveau pour se débarrasser d’un premier larbin, puis d’un deuxième qu’elle balançait sur un troisième avant de se positionner de manière à ce qu’ils soient accaparés par elle. Ainsi ils ne verraient pas la mort quand elle viendra de l’autre côté.
Des grognements de bête se faisait entendre du camp de loyaliste. Ces derniers furent rapidement accompagnés de cris. Je ne savais pas ce que cette mercenaire était en train de faire, mais elle participait à semer la confusion chez l’adversaire. J’ordonnais alors à l’archer réanimer de tirer en direction du camp. Des explosions fusèrent dans tout les sens et le champ de bataille était devenu chaotique.
Je m’étais avancer pour participer au combat tandis que l’archer couvrait mon avancé. Je vis au loin une bête sur deux pattes. On aurait dit une espèce de loup. Ce pouvait-il que ce soit Kimitsu ? Si c’était bien elle, elle se livrait à un véritable carnage dans les rangs de l’ennemi.
Toutefois, la véritable menace ne tarda pas à se manifester. Les Kazan passèrent à l’acte et l’un d’eux entama des mudras pour venir s’en prendre à mon acolyte. Il était clair que cette bête était bien plus forte que moi et que je n’aurais aucune chance si elle venait à y passer.
Aussi, je trempais ma main sur la plaie d’un des loyalistes mort pour venir récolter son sang. Avec ce dernier, je traçais un sceau à même le sol avant d’apposer ma main dessus. Des mains fantomatiques se matérialisèrent autour du Kazan et l’immobilisèrent. On entendit alors plusieurs râles d’agonies. Les défunts venaient pousser des lamentations.
Maintenant ma prise, je coulais un regard à la bête avant de lui hurler mes directives. J’espérais au fond de moi que cette créature soit douée de conscience.
« Vas y ! Occupes toi de lui ! »
Malheureusement je n’étais pas bien discret au milieu de ce champ de bataille et il ne fallait pas longtemps à l’autre Kazan pour comprendre que j’étais la source de l’immobilisation de son acolyte. Il se jeta dans ma direction, entamant des mudras. Peu importe. Dès que la bête aurait abattu le premier manipulateur de Yoton, elle pourrait aisément s’occuper du second et des loyalistes restants. Mon sort importait peu. Le plus important était de récupérer l’objectif.
Je maintenais ma main au sol et mon regard dans celui du Kazan qui venait cracher dans ma direction un jet de lave.
Tous des traîtres à leur sang. Un jour viendrait où on les pendrait à une corde...
Les perles vermeilles venaient tacher le sol du camp qui était désormais devenu un champ de bataille. La louve sur ses deux pattes balayait ses adversaires qui osaient s’approcher de trop près, et lançait une attaque plus puissante de temps à autre. Mordant dans la chair avec hargne, laissant gémissant ses adversaires sur le sol, gargouillant dans leur propre sang. La perte de sang provoquait une perte de connaissance chez certains soldats. La louve n’avait pas pour envie de les tuer mais elle n’avait pas non plus envie de se faire tuer à cause de sentiments mal placés.
L’homme qui semblait mener les opérations jusque-là fit des mudras et des projectiles de terre vinrent frapper l’animal qui fut projeté quelques mètres plus loin. Elle se rattrapa sur ses quatre pattes, les griffes plantées dans le sol pour pouvoir s’assurer un nouvel élan à sa contre-attaque. Elle ne devait pas se laisser submerger. De peu, elle évita un jet de lave qu’elle n’avait pourtant pas anticipée. Probablement qu’elle y avait laissé quelques poils.
« — Vas-y ! Occupe-toi de lui ! » Entendit-elle de son acolyte.
Elle avait oublié l’utilisation du Yoton chez les Kazan, il faut dire qu’elle n’en avait encore jamais vu en action. Jusqu’à maintenant, elle avait simplement entendu d’autres personnes en parler. Le feu n’était pas un élément qu’elle appréciait particulièrement, la lave, par extension, non plus.
Il l’avait immobilisé et semblait tenir de toutes ses forces cette prise fantomatique. Kimitsu ne mit guère longtemps à s’élancer dans la direction de l’homme immobile. Le regard de celui-ci coulait de la bête au manipulateur de macchabés, serrant si fort les dents que l’on pouvait entendre ses dents grincer les unes contre les autres. Alors qu’elle allait lui ôter la vie, elle vit son compagnon faire face à un autre Kazan qui formait des mudras, s’apprêtant à utiliser le yoton. S’il était touché, il mourrait brulé. Une mort bien douloureuse. La louve ne pouvait pas permettre cela. Pas le temps de l’achever, elle aurait une autre occasion. À la place, elle rejoignit en un éclair la position de son acolyte. Elle se roula en une boule d’élément fûton et de poils, se fit aussi aiguisée que le fil d’un sabre, trancha dans la lave et la repoussant avant qu’elle ne le touche.
Une fois la menace éloignée pour cette fois, elle se tourna vers Takeshi et souffla. Son chakra diminuait et la fatigue commençait à ankyloser ses muscles mais elle faisait de son mieux pour ne pas le montrer. Ni à son compagnon, ni à ses ennemis.
« — J’y étais presque… » Souffla-t-elle en faisant volte-face.
Une flèche siffla alors à son oreille et creusa un sillage ensanglanté dans l’une de ses pommettes. Cela arracha un très léger grondement à la bête qui se redressa presque aussitôt pour jeter un regard tout autour d’eux. De nombreux soldats agonisants jonchaient le sol autour d’eux. Deux Kazan manipulant le yoton tenaient toujours debout. D’où est-ce que cela pouvait bien venir ? Une autre flèche la manqua à nouveau de peu, se planta dans la terre meuble à ses pieds. Elle leva les yeux vers les arbres et vit le reflet d’un carreau d’acier avant que le sifflement caractéristique d’une flèche tirée ne lui vienne à nouveau aux oreilles. Celle-ci ne la manqua pas et vint se ficher dans son omoplate droite, lui arrachant un gémissement de douleur.
« — Certains ont dû parvenir à se camoufler dans les arbres ! » S’emporta-t-elle en reculant. Il fallait s’assurer de leurs positions avant qu’ils ne parviennent à faire balancer leurs chances.
Difficile de combattre en évitant les attaques venant simultanément de deux directions différentes.
Le combat faisait rage. Je crus bien que ma dernière heure été venu, mais Kimitsu intervint juste à temps pour me venir en aide. Malheureusement elle avait laissé filé l’opportunité que je lui avais ouverte. Nous en étions donc là, prit entre deux feus. D’un côté, il y avait des arbalétriers, de l’autre des Kazan.
Je rompis le sceau qui immobilisait l’un des manipulateurs du Yoton tandis que l’archer que j’avais invoqué venait à tirer ses flèches explosives en direction des tireurs embusqués dans les bois.
Je coulais un regard à la bête qui me servait d’appui, jaugeant son état.
« On ne peut pas gagner ce combat. Il faut temporiser. L’objectif reste le convoi. Couvres moi. »
Les chevaux du convoi venaient à ce moment là hennir. L’affrontement les avait fait paniquer et ils s’élancèrent dans tous les sens. Je désignais l’événement avec un signe de la tête avant de m’élancer vers le véhicule. Un carreau d’arbalète se logea dans la tête d’un des équidés qui s’écroula alors net, arrêtant par la même occasion le convoi. Je venais jeter des fumigènes dans le tas pour éviter de me prendre un projectile.
Je fouillais dans mon manteau, extirpant un sceau réalisait au préalable avant de coller sur la monture qui revint à la vie. Il ne me fit pas bien longtemps pour grimper sur la charrette pour commencer à plier bagage.
Malheureusement pour moi, tandis que je sortais du nuage de fumée à la hâte, un des Kazan sauta sur le convoi pour en découdre. Je sentis un kunai se planter dans mon épaule et me lacérer la chair. D’une main, je tentais de garder les rênes et de l’autre de le dégager de sa position, sans succès.
Les carreaux d’arbalètes eux fusèrent sur le chariot et sur la monture déjà morte qui ne fit guère cas de ces attaques. Je ne savais pas où en été Kimitsu mais je venais l’implorer tandis que le Kazan exécuter des mudras tout en venant gonfler ses joues.
Elle était furieuse. Ils avaient pourtant été très précautionneux. Comment avaient-ils réussi à se glisser hors de son flair et de son ouïe pour se cacher en bonne position dans les arbres alentours ? Elle n’était pas persuadée avoir affaire à un nombre élevé d’opposants. À vrai dire, ils ne devaient être que deux juchés sur des branches en hauteur pour se substituer à leurs regards. La louve était furieuse. Mais pas contre son partenaire. Non, elle pouvait comprendre qu’il soit faillible. Cela ne la gênait pas. Elle pardonnait. Quant à sa propre incompétence, elle ne l’acceptait guère. Qu’avait-elle dans les oreilles pour ne pas entendre les craquements des écorces l’arbre chargé de cette présence ? Son odorat était-il parasité par l’odeur du sang qui emplissait ses poumons ? Quelle stupidité. Quelle incompétence.
La jeune femme serra les dents, ses canines s’entrechoquèrent alors qu’elle attrapait le carreau qui s’était fiché dans son omoplate, tirant fermement dessus pendant un instant avant de simplement abandonner. À vrai dire, si elle retirait la flèche maintenant, le sang coulerait probablement à flot et il n’était pas question de tomber inconsciente à cause d’une perte d’hémoglobine trop importante. Et puis ça faisait fichtrement mal. Elle patienterait et serrerait les dents pendant un moment. C’était sa faute, elle le méritait.
L’une des armes de son collègue envoya une flèche explosive en direction des arbres. Cela eut pour conséquence de leur attribuer un léger répit. Concernant les tireurs embusqués en tout cas. Pas contre les hommes à terre qui semblaient désormais plus féroces qu’ils ne l’avaient été avant. Ils les avaient mis en colère.
« On ne peut pas gagner ce combat. Il faut temporiser. L’objectif reste le convoi. Couvres moi. » Entendit-elle de son coéquipier.
La louve ne fit pas cavalière seule et hocha simplement la tête en guise de réponse à Takeshi. Aux hennissements des chevaux, les deux coéquipiers se lancèrent en direction du convoi. Un équidé tomba, raide mort, ce que son comparse se hâta d’utiliser à leur avantage en le ramenant à la vie. Pendant ce temps, la louve utilisait l’élément futon pour balancer des gerbes de vent aiguisé en diverses directions. Il était question d’empêcher les assaillants de les toucher une nouvelle fois. Elle fit apparaitre un canidé à ses côtés qui s’élança en avant pour attaquer les hommes qui tentaient de les retenir. Il en mordait un au bras avant de s’attaquer à l’entre-jambe d’un autre. Assurément, ce n’était pas agréable.
Kimitsu usa du fumigène pour se camoufler dans la fumée, bondissant sur le convoi qui se mettait soudainement en mouvement. Les attaques fusèrent de plus belle. Bien vite, les gémissements d’une bagarre très proche d’elle lui vint et elle sût que son compère était en danger. Alors qu’il tentait de guider les chevaux vers un endroit plus sûr, un homme l’avait intercepté avec un kunai dans l’épaule. La louve ne réfléchit pas plus d’un instant alors que, utilisant des mudras, l’homme s’apprêtait à ensevelir le cochet d’un flot de lave létal.
« Un coup de main ! » Hoquetait-il.
« — Ça vient ! » Répondit-elle aussitôt, faisant sursauter de surprise l’assaillant qui n’avait pas remarqué la nouvelle présence derrière lui.
Faisant apparaitre d’épaisses griffes canines au bout de ses doigts, elle attrapa l’homme qui tenait encore fermement son comparse pour le jeter, de toutes ses forces, par-dessus bord. L’homme laissa échapper un bruyant grognement de douleur en s’écrasant sans ménagement sur le sol.
« — Allez fonce ! » Lui dit-elle alors qu’elle se tenait en arrière du véhicule, malaxant son chakra dans ses pieds pour conserver son équilibre.
Elle fit des mudras, faisant apparaitre une barrière protectrice autour d’elle, faite en bourrasques de vent. Positionnée devant son compère, elle le protégea d’éventuelles flèches qui parvenaient encore à les atteindre. Le vent repoussait chaque attaque sans effort. Tandis qu’elle protégeait son pilote, le clone canin invoqué quelque temps plus tôt apparut derrière les derniers poursuivants. Il en attrapa un au niveau de son séant, laissant un homme hurlant de douleur dans son sillage, avant de s’attaquer au dernier en tranchant le tendon de l’un de ses talons. Il chu sur le sol et l’animal ne chercha pas à l’achever. Il s’élança simplement à la suite du véhicule pour protéger ses arrières.
La jeune femme mit fin à sa barrière protectrice mais conserva sa station debout, cherchant de ses prunelles animales la présence de nouveaux assaillants. Mais rien.
« — Nous sommes hors d’atteinte. » Expliqua-t-elle à son coéquipier en jetant un regard en avant.
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