La vieillesse c’est recevoir les années pour ne compter que le temps volé.
Hiro jeta un coup d’œil à l’extérieur. Le temps, comme à son habitude, était radieux. Les toitures extérieures baignaient sous un astre scintillant de milles feux. Le ciel céruléen ne laissait apparaitre aucun nuage. La chaleur était, elle aussi, toujours au rendez-vous. Les journées se succédaient. Si semblables et pourtant si différentes.
Il jeta à nouveau un regard à l’extérieur.
Non vraiment il n’en démordrait pas.
Alors comment se faisait-il qu’il pleuvait des missions tous les jours ?
Il haussa les épaules et s’habilla promptement. Cette fois-ci il était question de se débrouiller par lui-même. Plus question de fanfaronner devant un autre shinobi en devenir.
Enfin, c’est ce qu’il croyait.
Aujourd’hui il devrait faire garde champêtre, gardien de zoo, fou du roi. Il devait amadouer des enfants alors qu’il en était lui-même un. Serait-ce difficile ou à l’inverse aisé que de rappeler à l’ordre quelques garnements ?

Il se dirigea vers le lieu de la présupposée mission. Le Marché des anciens de Suna était en réalité le marché aux puces et aux antiquités. Effectivement, une grande partie des échoppes étaient tenues par des vieillards, davantage pour parler de leurs trouvailles de grenier que de réellement les vendre. Il y avait tout de même quelques jeunesses, dépoussiérant les maisons qui avaient été laissées à l’abandon depuis un certain temps diront nous. Il n’était pas bien clair si ces objets vétustes avaient été laissés par les bandits lors de leur occupation ou s’ils avaient toujours été là, toujours est-il qu’on faisait comme s’il s’agissait de propriétés sunajines de toujours, de ceux qui avaient créé Suna il y a une centaine d’année. L’appellation prenait alors tout son sens puisqu’elle faisait référence aux anciens habitants de Suna, ceux qui avaient habité le village il y de cela bien longtemps et qui avaient laissés derrière eux quelques petites babioles plus ou moins intéressantes. Le nom marchait aussi bien pour définir l’âge de ces vendeurs, relativement vieillissants pour la plupart. Bien sûr, on y trouvait aussi des objets bien plus récents mais l'origine du marché était bien celle décrite avant.
En arrivant, un sourire étira son visage. Il avait hâte de voir ce qui se vendait sur ces étales. Il y trouva toutes sortes ce choses, plus ou moins excentriques, des beaux meubles aux ornements dorés aux petits jouets aux mécanismes rouillés. Il s’arrêta devant une échoppe où se tenait un grand miroir un poil plus grand que lui. L’objet était majestueusement décoré et il se plut à se pavaner devant, comme une jeune fille reluquant son nouvel accoutrement. Son reflet vascilla un court instant. Une vieille dame apparue de derrière le miroir, s’approchant de lui en titubant sur sa petite canne.

« Il vous plait ce miroir jeune homme ? » demanda-t-elle de sa voix vieillissante. Hiro arqua un sourcil. Il lui semblait entendre une porte grinçante s’adresser à lui. La vieille dame releva ses lunettes sur son nez crochu et leva la tête vers lui.

« Oh mais ne seriez-vous pas le shinobi qu’on nous a envoyé ? Ces garnements n’en font qu’à leurs têtes et viennent piller nos échoppes sans état d’âme. Ces six petits devraient recevoir une réelle éducation si vous voulez mon avis. »
Hm. Hiro feignit un air intéressé.
La vieille redressa à nouveau ses lunettes.

« Hm mais c’est que vous êtes beau garçon en plus. Quelle chance ! » lui dit-elle de sa voix de porte grinçante.

Hiro, en bon corbeau flatté, s’appropria une vieille chaise faisant partie des antiquités de l’échoppe et laissa la vieille lui conter ses histoires, bien heureux qu’on l’abreuve de compliments et d’intérêt. Elle lui raconta qu’il y a de cela quelques mois les jeunes venaient souvent trainer dans le marché, arpenter les échoppes de leurs yeux d’enfants émerveillés. Et puis, un jour, l’un d’entre eux commença un tour de passe-passe. Une technique, comme on dit dans le jargon ninja. Alors leurs yeux émerveillés devinrent provocateurs et quiconque s’interposait à leur bon vouloir finissait avec ces babioles pillées ou détériorés s’ils ne se pliaient pas. Evidemment, étant très largement composés de personnes âgées, ils étaient bien incapables de se défendre ou de s’interposer à des jeunes enfants aux portes de l’adolescence. La vieille semblait à la fois désespérée et amusée par la situation. Peut être appréciait-elle de voir quelques têtes plus jeunes abhorrer les étalages. Toujours est-il qu’elle quémanda de surcroit l’aide du très grand Hirohiko pour mater de la canaille de quartier.

Soudain, alors qu'il prenait tranquillement un thé avec la petite vieille, il y eu comme un gros bruit. Un souffle leur arriva en pleine figure, renversant une partie du thé de la dame âgée. Hiro fornça les sourcils. A quelques étales de là, il entendit s'élever les rires et les provocations de jeunes gens. Posant sa tasse, il remercia la vieille, lui tendit un mouchoir et se hâta vers la provenance du bruit.
Faites place.
Le roi de la frime est dans la place.

La jeunesse est une fraction de folie.
On entendait rouspéter de part et d’autre tandis que les rires d’enfants agrémentaient cette jolie symphonie. Ni une, ni deux, en défenseur des pauvres, des vieux et des antiquités, Hirohiko s’élança vers l’origine de ce capharnaüm.
Ils étaient deux gosses d’à peu près treize ans, une fille et un garçon, visiblement en pleine crise adolescente. Le garçon semblait vouloir rouler des mécaniques face à sa compagne qui gloussait telle une oie de basse-cour. Ils avaient tous deux un petit sac en bandoulière où ils amassaient leurs trouvailles, fraîchement chapardées à plusieurs étales. Hiro leva les yeux au ciel devant ce spectacle effarant.
Alala c’était pas bon de vieillir.

« Hé les jeunes, c’est pas bien de voler. » commença à leur dire le moine.
Il n’eu pas vraiment le temps de poursuivre sa remontrance que les deux zouaves gloussaient à nouveau, se moquant sans exergue de sa tentative d’autorité.

« Nianiania, comme si on avait peur de toi ! » lui balança le jeune garçon et lui tirant la langue.
« Comme si on avait peur de toi ! » renchérit sa petite copine, dont l'inventivité venait clairement à manquer.

Hiro fronça les sourcils, releva les manches et fit mine de s’approcher. Les adolescents devaient être sacrément courageux et reconnus car leurs orbites s’agrandirent en voyant que le moine avait attrapé la jeune fille par le bras.

« Hey ! Lâche là tout de suite espèce de sale pervers ! » lui cria le garçon, voulant jouer le chevalier en armure portant secours à sa chère dulcinée.
« Oui lâche moi, sale pervers ! » cria de concert la gamine.
Hm.
Elle faisait de la peine avec son originalité celle-ci.

Hiro aurait loué la tentative théâtrale si ce n’était la projection de chakra qui lui arrivait en pleine face.
Il lâcha le bras de la jeune fille pour esquiver l’attaque du garçon et les deux garnements détalèrent.
Ravalant un juron, il se mit à la poursuite des deux gnomes en cavale.

Ça détalait entre les étales, ça faisait voler les perruques sur les têtes dégarnies, ça faisait voler la poussière et gueuler encore plus que tout à l’heure.
Mais aucun n’en démordait.
Ni les gosses qui couraient à l’unisson, ni le grand gaillard qui les poursuivaient en rouspétant.
C’est que ça avait de l’énergie tout ce petit peuple.

Contrairement à leur habitude, les gamins étaient confrontés à plus fort qu’eux. Un vrai shinobi. Et même s’il n’était pas le plus motivé d’entre eux, Hiro restait un homme dans la fleur de l’âge, encore tout à fait apte à suivre deux garnements.
Une intersection s’offrit aux deux lapins en cavales.
L’une tourna à droite, l’autre à gauche.
Le choix fut vite fait.
Hirohiko choisit de poursuivre la gamine, persuadé que son prince charmant ferait volte-face pour venir la secourir. Effectivement, une fois la petite attrapée, il ne tarda pas à voir son héro arriver, haletant. Le moine ne se fit pas prier, lâcha la gosse qui visiblement n’avait aucune technique pour se défendre, et chopa l’énergumène par le col, le maintenant à une bonne distance du sol.

« Alors le mioche, elle est comment la vue de là-haut ? »  lui susurra-t-il d’un air moqueur, non content d’avoir enfin quelques minutes pour retrouver son souffle.
L'adolescent se débattait à bout de bras. Il essaya de lui renvoyer une projection de chakra en pleine face, qu'Hiro esquiva de justesse. Il n'eu cependant pas le temps d'esquiver un beau coup de talon en plein menton qui le fit gémir et eu pour seul effet de renforcer la poigne autour du col.

« Tain vas-y lâche moi gros con ! » lui cria le gamin.
Sa chérie ne renchérie pas. Elle avait l’air effrayée par ce qui les attendaient.

« Qui c'est que tu traites de gros con, PETIT con ?! T'as pas honte d'abimer mon beau visage ?! » lui renvoya le moine.

Et le match d’insultes vaseuses - je vous en exempte car vos petits cœurs sont sensibles et faudrait pas aller les répéter à papa et maman - qui s’en suivit dura quelques minutes jusqu’à ce que le gamin déclare forfait.

« Bien. Maintenant que tu t'es calmé, que dirais-tu de me dire où t'as appris à te battre ? » demanda Hiro au gamin, toujours maintenu en l'air.
Le bras du moine commençait à trembloter sous l'effort mais fit comme ci de rien n'était. Il devait prouver aux autres - et à lui-même - qu'il était plus musclé que des ados prépubères.

« Vas-y je te dirais rien d'abord ! Faudra d'abord que tu me tue ! »
« Nan mais j'ai pas que ça à faire tu sais, t'es une trop jolie petite mouche pour que je t'abîme. »
« Qui c'est que tu traites de mouche ?! Non mais vas-y lâche moi je te dirais rien ! »

Bon, qu'à cela ne tienne, le gosse n'allait pas en démordre.
Hiro prit le môme en sac à patate sur ses épaules et revint en direction du marché des anciens, suivit par la gamine qui ne disait mot. Il lui semblait qu'il amenait un cochon à l'abattoir. La voix du garçon muait de temps à autres et perçait les tympans à tout un chacun.
Quelle agréable symphonie...

Son bagage sur l'épaule, il s'arrêta devant l'échoppe de la mémé de tout à l'heure. Ah oui d'ailleurs, elle s'appelait Hako, la vieille branche. Hiro lui remit le mioche, ayant bien pris garde de lui attacher les mains pour qu'il ne recommence pas à balancer son chakra à droite à gauche.
Il prit ensuite la gamine entre quatre yeux et lui balança un sermon suivit d'une menace - pas du tout fondée - ayant pour but de la dissuader de tergiverser. Elle finit par lui dire où trouver les autres adolescents à condition qu'elle puisse rester avec son chéri adoré. Ce qu'Hiro, dans sa grande mansuétude et félicitant l'amour inconditionnelle de la petite, lui accorda à condition qu'elle reste sage, sinon ils auraient affaire à lui.

Il épousseta son kimono poussiéreux, releva ses manches, et prit la direction indiquée par la gamine.
Il était l'heure d'aller jouer au trouble-fête.
Il était l'heure d'aller jouer au professeur.
Il était l'heure d'être un grand enfant.

Un jeu de crétin ? Peut être bien mais c’était notre jeu !
Bien, pour les quatre garnements qui suivaient, Hiro allait changer de stratégie. Déjà parce qu’il avait sacrément mal au menton et que reprendre une torgnole quatre fois de plus ça n’allait juste pas être possible, mais aussi parce qu’il n’avait rien pu tirer des deux garnements précédents, l’un étant trop entêtée et l’autre complètement aveuglée par son amourette adolescente. Il avait déjà laissé les deux gosses à la mémé qui devait les gaver de cookies.
Peut être qu’ils s’étoufferaient avec tiens.
Ce serait pas si mal hein.

La gamine lui avait indiqué que tous les mômes se retrouvaient vers onze heures à l’aile Ouest du marché. Il y avait là-bas de gros tas de foins pour les animaux et ils se plaisaient à sa cacher derrière – voire sauter partout dessus – et se montrer leurs trouvaillent de la matinée. Le coin était loin d’être secret mais c’était leur coin et personne ne s’amusait à les en déloger.

A onze heures tapante, Hiro choisit donc de rejoindre les quatre garnements qui s’étaient retrouvés. Ils ne firent d’abord pas attention à lui, puis finirent par lui daigner un peu d’intérêt, ne voyant pas les deux autres arriver, ni le grand bonhomme déguerpir. L’un d’entre eux, qui semblait être le chef de la bande, s’approcha, main sur les hanches, avec un air de défi.

« T’es qui toi d’abord. Qu’est-ce que tu veux ? » lui lança l’ado prépubère dont la voix muait déjà moins que son compère de tout à l’heure.

« Je veux rejoindre la bande ! » s’esclaffa Hiro d’un ton victorieux.
Le gosse haussa un sourcil.

« Nan mais t’as clairement pas l’âge, dégage. »
Hiro tiqua mais faussa un sourire.

« Aller, s’il te plait, je vous ai vu utiliser vos techniques tout à l’heure, vous aviez trop la classe. J’aimerai apprendre. » mentit-il, se disant que les gamins devaient avoir à peu près le niveau du premier interpellé.
Il avait visiblement piqué l’intérêt du chef de bande, flatté par ces compliments.

« Hm, mais qu’est ce qu’on a a y gagner, nous ? »

« Et bien, moi aussi je pourrai vous apprendre une technique. Mais attention, une technique qui ne nécessite même pas de mudra ! »
Il attisa leur intérêt, tel des braises encore chaudes.
Aller encore un petit effort.

« Vous me croyez pas ? Attendez deux petites secondes, je vais faire brûler ce tas de paille ! »
Il fit mine de se concentrer, tout à fait immobile.
Soudain, une brindille prit feu.
Puis ce fut au tour d’une autre.
Et un petit tas de paille à hauteur de genoux pris flamme.
Des « Oh » et des « Waouw » fusèrent de la bouche des enfants.
Oh oui, continuez, poursuivez !
Hiro était fier, triomphant.
Il prenait la pose, relevait le menton, en bonne effigie de L’Or Eole, célèbre bijoutier itinérant.

Ce que l’histoire ne dit pas, c’est qu’Hiro avait monté son petit stratagème. Il avait piqué une babiole bizarre avec plein de loupe à mamie Hako et l’avait stratégiquement posé de sorte que le soleil tape dedans à onze heures tapantes. Evidemment, vous devinez aisément qu’entre la chaleur, le comburant et le combustible, il ne fallut pas longtemps pour échauffer le tas soigneusement écarté du reste des bottes de foin.
Mais ça, Hiro se gardait bien de l’expliquer.
C’était un magicien après tout.
Il était grand.
Il était puissant.
Sa majesté des mouches.

Accepter la vieillesse, c’est peut-être accepter de grandir enfin un peu, avant la fin.
Bon. Je vous ai menti. Ce n’était pas l’idée d’Hirohiko, mais bien celle de mamie Hako. Elle lui avait soufflé l’ébauche d’un plan, lui avait brandit le serpent de miroirs et il était ainsi parti branle-bas de combat, cachant son insigne. Ainsi, il avait bien moins de chance de se faire démasquer et sa tenue de moine l’aidait d’autant plus. Les enfants étaient ébahis, interloqués, ils en demandaient encore, encore plus, et, Hiro ne pouvait que se complaire d’être le centre de toute l’attention. Encore l’attention d’enfants, particulièrement ardue à obtenir, on ne va pas se mentir.
Là allait commencer la seconde phase de son plan, celle qu’il espérait voir fonctionner. L’objectif était de trouver le responsable et pour ce faire, il devait utiliser les enfants. Il devait les amener à se livrer, à livrer l’auteur de telle zizanie dans le marché. Le débusquer et puis l’arrêter. En voilà une bien belle mission. Sauf qu’Hiro c’était pas trop un adepte des missions. Il ne comprenait pas bien pourquoi c’était à lui qu’incombait la tâche de s’occuper d’enfants et de dénicher leur mentor. En soit il trouvait ça bien que ces enfants sachent se débrouiller par eux-mêmes. Il avait cru comprendre que les guerres des dernières années passées, bien que majoritairement traitées pacifiquement, étaient tout de même des guerres, que le pays était inondé par les brigands et donc, bien loin d’une douce enfance paisible et oisive. Alors oui, c’est sûr, ils mettaient la pagaille, chapardaient à droite à gauche et se rebellaient contre tout mais, au fond, avaient-il bien tort ? Avaient-ils torts d’apprendre à savoir se défendre ? Peut être pas. Mais là n’était pas la question. Il fallait faire régner la loi, faire régner l’autorité et donc, les remettre dans le droit chemin. Ainsi allait le monde. On ne laissait pas des enfants turbulents grandir impunément.

« Vas-y apprends-moi ! J’apprends super vite je maîtriserais le souffle du dragon en deux-deux ! »
Hiro avait suscité la curiosité du petit groupe et notamment du chef de bande. Il ne pouvait être plus fier, d’être le centre de tout. Tant et si bien que les enfants s’y voyaient déjà, inventaient déjà les noms de leurs futures techniques et leurs poses. Et oubliaient totalement le propos, la condition. Hiro se racla la gorge pour recentrer l’attention.

« Avant ça, j’aimerais faire partie du groupe. » rappela Hirohiko d’un ton qui n’ouvrait pas à la discussion.

Les regards des gamins se croisèrent. Il y eut des chuchotements, des messes basses, des « mais il est un peu vieux quand même » et des « oui mais bon elle est trop bien sa technique, imagine tout ce qu’on pourra faire ». Et finalement il fut voté à trois contre un qu’Hirohiko ferait partie de la bande. Le moine leva les bras au ciel, montrant sa joie. Pourtant, il n’allait pas s’en tenir là.

« Maintenant que je fais partie de la bande, j’aimerais rencontrer notre Chef ! » lança-t-il subitement.
Les regards se croisèrent à nouveau et les messes basses reprirent. Ils se posaient beaucoup, beaucoup trop, de questions. Ils se demandaient s’il avait le droit de le rencontrer, si juste faire partie du groupe ne lui suffisait pas, qu’il était bien demandant et bien empoté quand même. C’était long, c’était tortueux mais ils finirent par venir à la conclusion qu’ils n’y voyaient pas plus d’inconvénients que cela. Les gamins y voyaient davantage à gagner et notamment une technique kâton sans mudra. Le must quand même. Bref cette fois à l’unanimité ils furent d’accord, mais émirent quand même quelques réserves.

« Ok. Mais pas de question. On t’amène, tu dis bonjour et on repart fissa. Nous on veux juste apprendre ta technique hein. » railla le chef de bande.
Hiro fit un « oui oui » de la tête, étirant un grand sourire sur son visage. Sourire complètement faux puisqu’il avait réussi la seconde étape de son plan, à savoir encourager les enfants à l’amener au coupable. Et juste pour ça, il en était drôlement fier. Il savait que personne d’autre n’avait sa trempe pour négocier avec les enfants. Et puis, qui résisterait devant pareil charme ?

Les cinq nouveaux compères quittèrent donc les bottes de foin pour désormais dandiner entre quelques étalages, quelques ruelles. Ils finirent devant une échoppe resplendissant de milles et une trouvailles. Hiro n’y prêta pas grande attention et franchit le mur de perles qui définissaient l’entrée de l’échoppe.
La troisième phase du plan était en marche.
En avant.

Les gamins passèrent, un à un, au travers du rideau de perles. Ça tintillonnait dans tous les sens. Hiro arrivait pas à savoir si c’était joli ou atroce comme bruit. En tout cas, à répétition, cela devait être une torture. Une grimace transperça son sourire.

« Salut boss ! Voilà notre nouvelle recrue ! L’est moche hein ? »

« Hey de qui tu parles gamin ? » railla Hiro.
Le chef de bande avait parlé à quelqu’un derrière le comptoir. Quelqu’un de trop petit ou à quatre pattes par terre parce qu’Hiro n’arrivait pas à le voir.

« Tiens donc, qui avons-nous là ? » fit la voix.
Grinçante. Glaçante.
Hiro recula d’un pas.
De derrière le comptoir sorti un drôle de personnage.
Il était un poil plus grand que les gamins, le visage caché par un masque de renard bariolé de couleur. Des cheveux grisonnants montés en chignons.
Il sembla inspecter le moine. Le scruter de long en large.
Ou peut être qu’il était juste aveugle.
Parce qu’il y avait aucun trou dans son masque.
Du moins Hiro n’en remarqua pas.

« Un moine. Hm. » dit l’homme masqué.
Il fit signe à Hiro, d’un geste de la main, de le rejoindre dans l’arrière-boutique. Fit également signe aux enfants d’aller voir plus loin s’ils y étaient. Les gamins s’exécutèrent, et Hirohiko fut surpris qu’on lui témoigne autant de respect. Ces gosses là n’avaient pourtant pas l’air d’être de mignons adolescents, davantage d’imbéciles garnements, intenables.

La pièce était étonnamment vide. Il y avait quelques chaises qui trainaient autour d’une grande table. Quelques ustensiles et sets de tables. Hiro comprit bien rapidement que les ados devaient vivre ici. Ou du moins manger ici. L’homme masqué s’assit sur une des chaises, un peu à l’écart de la table et invita le moine à faire de même.

« Dis-moi le moine, que veux-tu donc à ces enfants ? » lui demanda l’homme masqué d’une voix posée, mais qui laissait transparaitre sa force.

« Ils gênent le voisinage tes gamins. Z’ont pas l’air méchants mais une meilleure éducation ne leur ferait pas mal. »

« Je ne pense pas que tu veuilles à mal, le moine, mais ces enfants se débrouillent comme ils peuvent. Ils n’ont rien. Je ne fait que leur offrir un moyen de survivre. »

« En leur apprenant à voler ? A se battre ? Il y a de biens meilleures façons. » commença à dire Hiro. Mais il fut vite coupé dans son élan.

« Ah oui ? Crois-tu que quiconque prendrait en charge ces garnements sans éducation ? Et gratuitement par-dessus le marché ? Oh mon brave garçon, ta candeur est belle. Garde donc tes beaux espoirs. Malheureusement une si belle vie ne leur est pas possible. Elle leur a été retirée par la guerre, par les brigands. Ils n’ont plus aucun parent. Sans moi ils seraient morts, peut être esclaves, à l’heure actuelle. Alors qu’importe-s’il chapardent de vieilles reliques. Ils survivent. »
L’homme s’était levé au cours de son discours, avait renversé sa chaise. C’était mélodramatique tout ça. Et ca faisait remonter de vieux souvenir à notre moine national. Lui aussi, il avait perdu sa famille. Il ne se souvenait plus comment. Il n’en avait pas vraiment envie. Lui aussi, il avait été orphelin. Et on l’avait accueilli. Peut être pas à bras ouvert non plus. Mais on l’avait accueilli quand même.

Hiro était resté de marbre. Aucun sourire ne s’étirait sur son visage. Il avait écouté le monologue du vieil homme avec attention. Un coude sur la table, une main posée sur le visage. Il était attentif.
Et dieu sait que ce n’était pas souvent.

« Tu sais, moi aussi, je suis orphelin. » commença Hirohiko.
Il marqua un temps d’arrêt.
L’homme semblait s’être calmé et avait croisé les bras sur son torse.
Le moine poussa un soupir.
Il n'avait aucune envie de parler du passé.
Mais il s'en sentait contraint.

« J'ai été recueillit au temple d'Amaterasu, et vois le bel homme que je suis devenu ! » ironisa-t-il en dégainant un sourire.
Bon après, les sourires ça marchait moyen avec les hommes.
Mais bon il avait pas l'air tout jeune.
peut être que ça pouvait passer.

Hiro avait pour objectif de raisonner le - vraisemblablement - papi. De lui expliquer que, quand bien l'intention était louable, il n'était pas bon pour ces enfants de chaparder et d'apprendre à voler. Ca n'en ferait que de meilleurs brigands et leur vie serait rude au sein des ninjas. Pis c'était complètement con de faire ça au milieu des shinobis. Il n'y tenait peut être pas tant à ces gamins. Ou alors il voulait monter un réseau à l'intérieur du village caché sans que personne ne le sache ?
La belle affaire.

Hiro s’éclaircit la gorge et s’adossa sur le montant de sa chaise. Elle grinça dans le mouvement. C’est à ce moment-là qu’Hiro vit les choses différemment. Tout autour de lui, tout n’était que récup, meubles et accessoires de seconde main. Tout était rudimentaire.
Il sentait que quelque chose n’allait pas.

« Tu dis avoir été élevé au temple hm. Et que fais-tu ici le moine, si loin de ta maison ? »
L’homme n’était pas tendre mais sa voix semblait s’être quelque peu adoucie. Visiblement le fait de lui avoir parlé, même brièvement, de son passé, l’avait appâté.
Hiro se demandait bien quel était le fond de sa question. Peut être se demandait-il ce qu’un orphelin moine était devenu. Peut être pensait-il qu’on l’avait renvoyé du temple ? Certainement pas, vu son accoutrement. Peut être n’étais-ce, tout simplement, que de la curiosité bienveillante. Après tout, l’inconnu semblait tenir un peu quand même à ses enfants.

« Je me suis porté volontaire pour aider au développement du village. » mentit – à moitié – le moine.
Parce qu’il n’avait jamais été volontaire.
On l’avait jeté dehors à grands coups de pieds au c*l pour qu’il développe ses compétences et soit utile pour autrui, plutôt que de le voir rester endormit sur un transat à l’ombre des palmiers.
Quel moine pitoyable.

« Aider avec la foi hm… C’est une façon de voir les choses. »
L’inconnu semblait pensif. Il avait pris cette célèbre posture de penseur.

« Euh.. La foi… oui oui tout à fait… Enfin j’apporte surtout mon soutien grâce aux arts shinobis » dit le moine tout sourire.
Il n’y avait pas tant de personnes qui savaient les maitriser. Alors il tentait de s’en vanter. Comme à son habitude.
Mauvaise pioche cela dit.

« Un shinobi ? »
L’homme se redressa sur sa chaise.

« Je me disais bien qu’un simple moine n’aurait pas réussit à rattraper ses enfants. C’est à cause de vous, shinobis, qu’ils sont orphelins, qu’il a fallut que je leur vienne en aide, pour qu’ils ne finissent pas en mendiants ou dépecés dans le désert ! »
Sa voix grondait. Agressive.
Hiro eut un mouvement de recul sur sa chaise, manquant de la renverser au passage.
Les deux hommes se redressèrent.

« Tu as choisit le mauvais camps camarade. »
« Qu’est-ce que tu racontes ?! »
L’homme lui envoya une projection de chakra pour réponse, faisant voler les meubles autour de lui.

« Si jamais tu changes d’avis, je t’accueillerais le moine » dit l’homme en s’éclipsant dans le nuage de poussière provoqué par sa technique.
Hiro resta sur le c*l. Sans trop comprendre ce qu’il venait de se passer.
Il lui fallut quelques minutes pour se remettre de ses émotions, de comprendre ce qui venait de se passer.
Il y avait un groupuscule, ou peut être un groupe, qui n’avait pas les shinobis dans leurs cœurs, qui voulaient en démordre.
Une révolution ?
Rien n’y laissait paraître pourtant.
Hiro sentait un mauvais présage.

Lorsqu’il sortit de « l’échoppe », il ne trouva personne. Tous s’étaient, comme volatilisés.
Il se frotta la tête, se demandant bien dans quoi on lui avait fait fourrer les pieds.

« C’est quoi cette merde. »
Il sentait clairement qu’il y avait davantage sous cette mission qu’un simple rappel à l’ordre de garnements.
L’homme au masque en était la preuve. Il l’avait invité à rejoindre le vrai camp, celui des justes. Et Hiro se demandait bien de quoi il voulait parler. Un groupe de personnes usant des arts shinobis mais contre les shinobis ? C’était quoi encore cette histoire ? Quelle était leur but ? Leur finalité ?
Il lui manquait des éléments pour que l’histoire soit claire.

Il chercha aux alentours de l’échoppe sans trouver la trace de qui que ce soit.
Les devants de cette dernière, avaient été comme vandalisés.
Ils étaient partis.
A la hâte.
Hiro soupira.
Aucune chance qu’il remette la main sur eux aussi facilement. Surtout qu’ils connaissaient désormais son visage.
Et qu’il était loin de passer inaperçu.

Fort heureusement, lorsqu’il revint à l’échoppe de mamie Hako, les deux autres garnements y étaient toujours. Elle avait réussi à amadouer le plus têtu des deux en lui offrant des biscuits et un vieux jouet au mécanisme rouillé mais qui avait tout de même belle allure.
Lorsqu’il passa le pas du bazar, la vieille branche l’accueillit avec un grand sourire, de sa voix grinçante. Elle lui colla un biscuit dans la main et lui proposa de s’asseoir pour le goûter.
Mais Hiro avait bien trop à faire.
Il dû refuser, à contrecœur.
Lui expliqua la situation et elle eut un air peiné.

Il amena les enfants au poste de garde et expliqua leur histoire. Nul doute qu’ils seraient désormais surveillés et entrainés de la bonne manière. Si le garçon se décidait un jour à parler, il serait bien plus simple de l’avoir dans les rangs des ninjas que dans un groupuscule rebelle à devoir le courser pour avoir des réponses.

Les jours qui suivirent, Hiro se pointa à nouveau au marché des anciens, tâchant de se dissimuler sous des accoutrements bien différents. Pourtant, il ne capta plus la trace des enfants. Les bottes de foins étaient vides de leurs rires et leurs gloussements et les vieux ne rouspétaient plus après s’être fait chiper quelques merveilles insoupçonnées. Le calme était revenu sur le Marché des anciens, au grand désespoir d’Hiro qui voyait toutes ses pistes voler en éclat.
Idem pour l’échoppe de l’homme masqué, qui ne changea pas d’un poil après ce qui s’était produit quelques jours auparavant.
Tous partis sans aucunes traces.
Voilà qui était louche.
Et le plus louche, c’était cette dernière phrase que lui avait sorti l’homme masqué.
Qu’il l’accueillerait.
Mais Hiro n’avait aucune idée de comment le contacter.