A force de fréquenter un endroit comme celui-ci, les gens pourraient bien se demander si je n’avais pas un problème avec la bouteille ou non… Probablement. Toujours était-il que pour une fois, ma raison pour approcher un bar n’avait rien à voir avec mon éternelle envie d’étancher une soif.
Le Val… Vall.. Bref, le bar dans lequel bossait Ama. La première fois que je la revis depuis des années, c’était ici. Elle avait clairement énoncé son manque d’envie de rejoindre nos rangs, malgré ses talents pour l’espionnage et sa présence autour. Je pensais personnellement que ça cachait autre chose, connaissant la barmaid… Mais que savais-je vraiment d’elle. J’aurais été prêt à l’approcher pour l’encourager à rejoindre nos rangs, mais cette fois-ci, je venais pour quelqu’un d’autre.

Taro Joshuro, un autre des employés de ce bar. Il était parmi les dossiers que le Hokage voulait surveiller, et surtout, recruter. L’homme semblait être doté de bien plus de don et de potentiel que de celui de servir des verres. Le peu d’informations que j’avais sur lui disaient juste qu’il était pas un manche au combat, et qu’il maîtrisait le chakra, ce qui en faisait donc un combattant potentiel. Quant à sa personnalité, je n’avais rien sur lui qui pourrait m'aider à le comprendre et l'influencer.
J’hésitais un moment à revenir un jour où Ama serait présente pour l’interroger, mais si elle apprenait ce que je voulais, elle s’attendrait clairement à ce que soit elle la suivante…

Résolu à aucune autre solution, je choisi de pénétrer dans le bar. Comme la dernière fois où je suis rentré à l’intérieur, je pouvais voir que le lieu était assez peu fréquenté. A se demander comment il faisait pour tenir debout si je pouvais pas voir plus de 2-3 clients à la fois, moi-même inclus. J’étais dans ma tenue habituelle, un uniforme entièrement noir affublé de mon épais manteau de fourrure sur les épaules. Niveau discrétion on en reparlera, mais j’en avais que faire de ça.
Choisissant une place pour m’assoir, je laissais mon arme reposer contre le comptoir, lâchant un soupir de repos, et pour indiquer ma présence. D’un coup du seul œil valide qui me restait, je vis bien l’homme que je recherchais. Grand, traits fins, chevelure brune, tout y était. D’un signe de main, je l’appelais pour prendre une commande. Par chance, étant le seul au comptoir, je pourrais monopoliser son attention.

« - Ton meilleur Whisky. Et tu peux laisser la bouteille. »

La négociation allait commencer.

J’avais beau essayer d’apparaitre comme détendu sans grand-chose d’apparent que mon envie de boire, fallait croire que le gaillard restait un poil tendu. Comment je le savais ? Bien qu’il ne me restait qu’un œil, je pouvais le voir me dévisager de la tête aux pieds. Clairement, il n’était pas du genre à aimer ma gueule. C’était quelque chose que j’allais devoir gérer avec…
M’enfin, passons. Malgré ces petits problèmes, il avait bien choisi de me servir. En même temps, un serveur qui refuse de servir un client, surtout un membre des forces shinobi au sein de Konoha, ça aurait mal passé. Non pas que j’aurais mal pris, mais bon. Aussitôt le verre en main que je pris quelques gorgées. Usuellement, je vide le premier verre cul sec pour débuter chaque séance, mais pour le coup… Il m’allait falloir éviter l’ivresse.

« - Effectivement, vous avez de bonnes sélections. Et ouais, je suis déjà passé. J’ai l’habitude d’aller dans un bar ou l’autre en rentrant de mission, ça détend. »

Comme pour appuyer sur mes propos, je décidais de retirer mon manteau afin de le poser sur le tabouret à ma droite. Ça allait révéler deux choses qui allaient autant le rassurer que l’inquiéter : mon sabre accroché à ma ceinture, et le bandeau accroché à mon avant-bras, arborant le symbole de la Feuille. Pouffant du nez légèrement, je lui fis bien comprendre la situation.

« - Donc ouais, je suis de la maison. T’as pas besoin de me dévisager comme si j’allais te sauter dessus. »

Autant j’avais remarqué les regards, et me doutait dans sa gestuelle qu’il avait pris des « précautions », mais j’étais effectivement aveugle sur à quel point il en avait pris. J’étais bien conscient que lui faire comprendre que j’étais pas une menace avait pour double effet de lui faire comprendre que j’étais pas non plus Jojo le rigolo. Continuant sur ma lancée, je laissais quelques regards de mon œil valide pour remarquer le manque de monde et essayer de taper la discute.

« - Ce que j’aime bien ici en tout cas, c’est que t’as pas grand monde, tu ne te fais pas emmerder. Non pas que j’aime pas non plus les ambiances bastos dans le bar, mais bon, j’aime bien être tranquille. Après, ça serait mieux si j’étais capable d’au moins prononcer son nom. Comment vous l’appeler ici ? »

Pour le coup, ça au moins, c’était une vraie question. Depuis le temps, je veux savoir comment tu prononces ce merdier. Tous le temps de ma tirade, je voulais un peu observer sa gestuelle, voir s’il se détendait peu à peu, ou si au contraire, il avait durcis sa garde et que je devais m’attendre à m’en prendre une.

« - M’enfin, dis-moi. Pourquoi quelqu’un qui bosse au milieu d’une base militaire se sentirait menacé. T’as des emmerdes au cul ? »

« - Heh. Si j’avais peur de perdre ma gueule d’ange, j’en serais pas où j’en suis aujourd’hui. »

Des commentaires sur ma gueule, spécifiquement mon cache-œil, j’en avais entendu encore et encore. J’ai toujours été de ceux qui pensaient qu’un guerrier sans cicatrices était un qui n’avait pas encore affronté un danger lui demandant de dépasser ses limites, ou du moins, n’a jamais fait face à la réalité des choses. Dans mon cas, j’avais les deux critères. Ca et le fait que je m’habillais de sorte à doubler de volume n’aidait pas à faire comprendre à la plupart que je pouvais être « pas agressif ». En parlant de ça, son second commentaire me fit lâcher un soupir un peu plus irrité qu’avant.

« - J’ai vécu quelques années à Yuki no Kuni oui, mais crois-moi quand je te dis que je suis né et ait vécu ma vie ici. Mais quand tu restes des années dans un temps aussi glacial que là-bas, tu choppes des habitudes. »

Je pouvais pas nier mon sang « nordique » comme beaucoup aimaient à le dire. Le pays de la neige demande une tenue et un accoutrement particulier pour y survivre, spécialement en étant membre du clan. Dénomination que je n’aimais pas que l’on me rappelle pour des raisons évidentes… M’enfin, il ne pouvait pas savoir, évitons de partir dessus. Après tout, mon objectif était surtout de gagner sa confiance pour parler d’autres choses que moi.

« - Je te l’ai déjà dit, t’as pas à t’en faire. On sait tous les deux que ce serait con de faire ça ici et maintenant. Alors relâches toi un peu. Tiens, si tu veux, tape dedans, prends ça comme des excuses pour ma « sale gueule ». »

Je lui dis en pointant brièvement la bouteille que j’avais payé. Je m’attendais bien à un refus, mais s’il veut taper dedans, tant mieux. Le tout c’est surtout qu’il arrête de me voir comme un emmerdeur, chose clairement difficile… M’enfin, autant essayer de pousser un peu.

« - Même à Konoha, huh ? Soit c’est des petites frappes qui inquiéterait pas le village et tu t’en fais trop pour rien, soit tu penses vraiment qu’ils soient capables de passer la sécurité pour venir te retrouver. Dans un cas comme dans l’autre, si t’as vraiment autant de soucis que ça, rester discret c’est pas la solution. »

La dernière phrase était dit avec un ton moins moqueur ou gueulard, beaucoup plus monotone alors que je cherchais le regard du serveur avec plus de sérieux.

« - Si vraiment c’est aussi gros que tu le penses, le fait que des hommes viennent te chercher et passent nos systèmes de surveillance me donne des raisons de m’inquéter. J’aimerais bien en savoir plus. »

Un instant de silence alors que j’évaluais la réponse qu’il allait adopter. Nier, détourner, se réfracter ? Pas mal de possibilité. Mais je fini par vider mon verre et reprendre le ton précédent.

« - Enfin, c’que j’en dis après tout. Ca regarde que toi de toutes façons. »