C’est parti de rien.
Une petite question anodine, qui ne surprend pas réellement. Une question qu’on n’attend pas, parce que peu de gens ont l’audace de s’intéresser à elle de cette manière. Peu de gens ont le culot qui va avec la curiosité.
Pourquoi la fleur, là, dans son œil ? D’où vient-elle, que fait-elle ?
Itoe n’a que peu d’informations à son sujet, simplement le fait qu’elle soit apparue, là, un beau jour.
C’était imprévisible et, jusqu’à ce jour, c’est resté le plus grand mystère de sa vie.
Qui est Seika Itoe, la femme à la fleur dans l’œil ? Peut-elle expliquer cet étrange phénomène ?
Pour le moment, non.

Mais elle a bon espoir.
Elle a bon espoir parce qu’il existe des gens comme Yuri, qui s’élèvent au-dessus des autres par leur curiosité, par leur besoin de savoir. Leur envie de donner des réponses à toutes les questions qui leur viennent. Celles qui, souvent, ne sont pas prononcées, par peur de froisser ou d’être trop intrusif.
Une femme qui, pour certains, pourrait paraître froide, ou donner l’impression qu’elle manque cruellement de tact. Pour d’autres, c’est une personne réellement capable de modifier le monde. Parce que ses questions, Yuri ne les garde pas forcément pour elle. Yuri les énonce.
Elle veut des réponses.

Itoe s’est rendue jusqu’à l’Aiguille dans l’espoir qu’elles puissent en obtenir une, toutes les deux.
Alors, ce n’est pas un cas majeur, ni un problème d’une importance capitale, mais c’est déjà quelque chose d’intéressant. C’est un progrès comme un autre.

La Seika a pris « rendez-vous » avec Yuri aujourd’hui, jour qu’elle a bloqué pour se consacrer entièrement à ce problème. Rendez-vous n’est pas forcément le bon terme, quand on est l’Ombre d’un village. Toutes ces demandes ressemblent à des ordres, difficile de faire la distinction.
Au fond, Itoe s’est dit que Yuri aurait l’honnêteté de lui dire si le créneau était peu pratique, ou si elle était trop occupée.

La conscience plutôt tranquille, l’albinos se rend jusqu’à l’hôpital, qu’elle traverse en saluant toutes les personnes qu’elle croise.
Arrivée à l’étage du Kagakusha, elle déverrouille les accès – ça aussi, c’est un super pouvoir – et pénètre dans le laboratoire. Un endroit éclectique, qui semble vivre dans une autonomie parfaite. Un monde dans un monde.
Itoe y déambule tranquillement, sans avoir peur de se perdre : au pire, elle peut prétexter s’enquérir de leurs progrès à tous. Au mieux, elle trouvera rapidement Yuri.

Les visages se lèvent parfois de leurs activités, parfois non. Certains sont trop occupés, trop pris par leurs expériences. Ça la fait sourire.
Un tel investissement de la part de tous … Recréer le Kagakusha était réellement une bonne idée. Parmi les meilleures.

Elle arrive devant l’espace aménagé spécialement pour la Miyazawa.
Doucement, elle toque à la porte.

« Bonjour, Yuri. Comment allez-vous ? »

Un sourire.

« J’espère ne pas vous déranger. »

Une inquiétude sincère. Son problème, qui n’est même pas un réel problème, ne doit pas être une priorité. Il ne doit pas piétiner les autres recherches plus que nécessaire.
Elle se demande comment Yuri perçoit cette activité. Comme une pause ? Ou une tâche de plus ?
Itoe est réellement intriguée.

« Êtes-vous toujours disponible pour étudier la fleur dans mon œil ? »

Elle a envie de savoir, au fond, Itoe. Pas certaine que ça lui serve à quelque chose, mais ça étancherait sa curiosité, ce qui est déjà pas mal.

Toute concentrée qu’elle était, Yuri a, semble-t-il, oublié sa rencontre avec Itoe. Ça lui arrache un joli sourire.
Ce n’est pas du dédain, ni même un manque d’intérêt, ça ressemble plutôt à une véritable dévotion. Elle s’investit dans son travail, mène ses expériences et évolue au sein de l’unité scientifique avec aisance. Ça fait réellement plaisir à Itoe, qui est heureuse de voir ses subordonnés s’épanouir dans le village.
Yuri accepte d’aider la Seika, de se rendre disponible pour elle. Bon, cela après avoir rangé son propre espace et pris le temps de finir ses propres activités. Itoe s’installe tranquillement sur un siège, duquel elle peut observer la Genin dans son élément.
Elle lui pose quelques questions, notamment sur l’intérêt de cette expérience et sa réalisation. Bien qu’elle n’y connaisse que peu de choses, la Raikage considère que, plus elle s’intéressera au travail de chacun, plus elle sera à-même de le comprendre. Plus elle le comprendra, mieux elle le défendra. Il ne sera pas aisé de tous les suivre, évidemment, mais elle essaye quand même d’en savoir un maximum.

Après une bonne demi-heure passée à ranger ses boîtes, puis ranger, Yuri finit par revenir. Elle explique à la Seika qu’elle fait en sorte de nettoyer son espace, car il est plus agréable de travailler dans de bonnes conditions sanitaires. Itoe ne peut s’empêcher de la trouver mignonne. Adorable.
Elle est très appliquée, attentive à tout ce qu’elle fait.
Les commissures de ses lèvres s’étirent en un joli sourire.

« Je vous en prie, Yuri. Je ne suis pas pressée, ne vous en faîtes pas pour moi. »

Non, elle est déjà légèrement gênée de venir la couper pour ça.
Ce n’est pas une priorité, encore moins au regard de ce que faisait la Miyazawa avant son arrivée.
Itoe la suit du regard quand elle ferme la porte. C’est le moment solennel où le scientifique s’occupe de son patient. C’est étrange de ne pas être en charge, ici. Là, elle est aux mains de Yuri. Elle est plus faible. Moins compétente.
Ça la perturbe, autant que ça la rassure.
Ça lui rappelle qu’il existe autant de domaines que de personnes qui les maîtrisent. Savoir qu’elle n’est pas particulièrement douée ou calée sur un sujet lui permet de faire briller ceux qui le sont. Elle n’en est pas peu fière.

Yuri lui indique la suite des événements. Une batterie de tests et quelques questions. Pendant toute son explication, la Genin indique à Itoe qu’elle pourra décider de ne pas répondre et même mettre un terme à leurs recherches. En tous les cas, quoi qu’elle fasse, la Miyazawa lui assure que ce ne sera pas douloureux.
En réalité, même si ça l’était, la Seika irait au bout des choses. Elle a vu bien pire. Ou, dans le pire des cas, justement, elle connaîtra la plus désagréable sensation. Mais elle aura des réponses.
Le jeu en vaut bien la chandelle.

Itoe hoche doucement la tête.

« Ne vous en faîtes pas pour moi, Yuri. Je suis prête. »

Elle répond au sourire par un sourire.
Les questions commencent : d’abord, le souvenir le plus lointain concernant la fleur. Est-elle née avec ? Est-elle apparue de nulle part ?
Yuri lui demande de ne pas lésiner sur les détails, toute information pouvant avoir son impact par la suite.
Itoe réfléchit un instant, remet les informations dans le bon ordre, pour ne pas l’induire en erreur sans le vouloir.

« Cette fleur est apparue pendant mon enfance. Chez les Seika, nous procédons à une cérémonie nommée ‘L’éclosion’. Lorsque nous atteignons l’âge de dix ans, nous célébrons notre passage à l’adolescence. Bien que la mienne ait eu lieu plus tard, tout a commencé après cet événement. Quelques temps après que tout a dégénéré. Sans comprendre réellement pourquoi, j’ai senti mon corps s’emballer. Je ne contrôlais plus rien, qu’il s’agisse de mon chakra ou de moi-même. Je pense que, comme la majeure partie de mon éducation a consisté en l’étude de bonnes manières, de lettres, d’histoire et d’autres domaines bien éloignés de la manipulation du chakra, lorsqu’il s’est réellement manifesté, je n’étais pas prête à le maîtriser. C’est là qu’est apparue cette fleur. Elle a poussé au creux de mon œil, ou plus loin, je ne saurais le dire. »

Prolonge la réflexion un instant. Machinalement, elle porte une main à la fleur, qu’elle caresse du bout des doigts.

« Je n’ai pas l’impression qu’elle puisse s’arracher, ou qu’elle soit particulièrement fragile. Elle ne flétrit jamais et n’a jamais changé depuis qu’elle a atteint cette forme. J’imagine que c’est sa croissance maximale ? Je ne suis pas sûre d’avoir les bons termes, mais je suppose que vous comprenez où je veux en venir. »

Tire doucement dessus, teste sa résistance, avant de laisser retomber sa main.

« Cela ne me fait pas mal. Même lorsqu’elle a poussé, je n’ai pas eu mal. Je sais simplement qu’elle obstrue complètement ma vue : je ne vois pas à travers. Je dirais même que l’œil qui se trouvait dessous, à l’origine, n’existe probablement plus. Comme s’il avait simplement été remplacé par cette fleur. » Inspire. Soupire ? « Lorsque je la touche, la sensation est similaire à n’importe quel autre contact, à la différence près que c’est moins fort. C’est davantage une impression d’être effleurée plutôt que d’être touchée. »

Itoe a l’impression de patauger avec toutes ses explications. Elle a peur que ces dernières ne soient pas claires, ou n’apportent pas grand chose à la jeune fille.
Elle inspire une nouvelle fois, laisse un timide sourire apparaître sur son visage. Ses joues se parent d’un rose clair, discret.

« N’hésitez pas à me le dire, si je suis confuse. J’avoue éprouver une réelle difficulté à mettre des mots sur ces impressions. »

En même temps, rares sont ceux qui ont, un jour, pu se targuer d’avoir une fleur à la place de l’œil. Encore plus rares sont ceux qui ont pu étudier un tel phénomène.
C’est la journée des nouveautés, la journée du progrès.
Un petit pas pour la science, peut-être, mais un grand pas pour Itoe, assurément.

Si les connaissances de Yuri témoignent d’un savoir bien supérieur à celui d’Itoe, la logique qu’elle exprime permet de saisir ses explications sans trop de problèmes.
Tout bien réfléchi, les théories de la Genin semblent plutôt accessible : en se basant sur le système circulatoire initial, autrement dit celui qui n’est pas touché par le chakra, elle peut probablement établir des parallèles. Si les deux fonctionnent de la même façon, ou au moins de façon similaire, elle peut en tirer des informations qui, à terme, permettront la prise en charge de nouvelles maladies, spécifiques au chakra.

Un sourire sur les lèvres d’Itoe. Son cas est unique : même pour Yuri, qui a vu beaucoup de choses et voyagé longuement dans le Yûkan, c’est une première.
La Raikage ne sait pas si elle en est fière ou d’autant plus perplexe. Ce qui est sûr, c’est que ça éveille suffisamment l’intérêt de la scientifique pour qu’elle vienne s’y frotter.
Peut-être finiront-elles par obtenir des réponses utiles, qui permettront à Itoe de passer à autre chose.
Ou d’éveiller un nouveau potentiel, qui sait ?

Selon Yuri, l’œil sous la fleur n’est pas détruit, ou au moins pas complètement mort. La Seika ne sait quoi faire de cette information. Si son œil n’est pas mort, comment considérer le fait qu’elle ne puisse plus s’en servir ? De la même manière, le fait que le « système » derrière la fleur soit fonctionnel, qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que cela amène ?
La Miyazawa l’explique plutôt bien : il y a au moins une partie de la machinerie, comme elle dit, qui est toujours présente, qui fait toujours son travail.
Itoe reste silencieuse, visiblement perturbée. Cela signifie-t-il que cette fleur a pris la place de son œil ? Si oui, comment ?
Oh ces idées font flamber son cerveau. Elle n’est pas certaine de vouloir répondre à ses propres interrogations.

Pour le moment, elle décide de ne pas plonger davantage dans ses songes, laissant à Yuri toute la liberté de lui expliquer et d’expérimenter.
Un des bons points de cette rencontre est que Yuri parvienne à comprendre Itoe. Si elle n’utilise pas les mots les plus exacts, ni les plus scientifiques, elle reste compréhensible. La Genin lui indique d’ailleurs que tout est clair à ses yeux.
Ça rassure Itoe.
Un peu.

Une fois ces premières questions derrière elles, Yuri prend sa chaise et s’installe face à Itoe. Ses prunelles écarlates détaillent la fleur pendant un instant. Juste après, les mains fines de la jeune femme se posent sur le visage de la Raikage, qui reste interdite.
Très près.
Très très près.
C’est pour le bien de la science, pour son propre bien, aussi, mais ce n’est pas habituel.
Yuri agit avec une aisance qui la perturbe toujours un peu. Itoe se laisse faire, sans un mot.
C’est le docteur, elle est la patiente.
Ici, Itoe n’est pas Raikage, Yuri n’est pas Genin.
Leurs rôles initiaux n’existent plus, ils sont même complètement inversés. C’est Yuri, ici, qui a toutes les réponses. C’est elle qui sait.
Ça lui fait bizarre, à Itoe, mais elle finira par s’y faire.

Yuri s’approche un peu plus, cette fois son visage à quelques petits centimètres de la peau de porcelaine, si ce n’est moins.
C’est vraiment très près.
La tête d’Itoe est poussée à droite, à gauche, doucement manipulée. Elle ne sait pas trop ce que fait la jeune fille, mais elle se laisse complètement faire, aussi détendue que possible. Elle ne voudrait pas fausser les données, ou compromettre cette étude.

Après quelques minutes, Yuri relâche enfin Itoe.
Elle lui fait part de ses premières impressions qui, il faut l’avouer, sont plutôt rassurantes. En théorie, la fleur ne grandira plus. On pourrait supposer que l’utilisation de chakra qui, semble-t-il, est la raison de sa croissance initiale, achèvera de la faire grandir davantage. Pourtant, comme le dit Yuri, Itoe n’a pas cessé d’employer son énergie depuis, pourtant rien n’a changé.
Dès lors, théoriquement, la Raikage ne risque rien.

Elle hoche doucement la tête.

La suite de la visite est plutôt particulière. Perturbante.
Pour en savoir plus, Yuri a besoin d’un échantillon de son sang. Autrement dit, une piqûre.
Le visage de la brune s’éveille, l’expression amusée sur son faciès suivie par un rire sincère.
Itoe arque un sourcil. A-t-elle peur des piqûres ? De manière générale, elle dirait que non. Mais les prises de sang, ce n’est pas quelque chose qu’elle a beaucoup fait.
Voire quelque chose qu’elle n’a jamais fait.
Elle reste songeuse un instant, sans savoir quoi répondre.

Yuri rebondit, lui explique que ce sera avant tout pour savoir si la fleur a une influence sur le métabolisme d’Itoe, d’une manière qui serait indétectable au quotidien.
Concrètement, même si cela en avait eu un, Itoe serait incapable de le déterminer. Cette fleur est dans son œil depuis si longtemps qu’elle ne se souvient pas comment était la vie avant.
Autant dire que la prise de sang est une très bonne piste.

« D’accord. »

Elle hausse les épaules.

« Je n’ai jamais fait de prise de sang, donc je ne suis pas certaine de la manière dont je vais y réagir. J’imagine que ce n’est pas bien douloureux, tout au plus désagréable, alors tout devrait bien se passer. »

Un sourire discret, délicat, qu’elle laisse à peine apparaître sur ses lèvres.

Yuri note toute ses observations dans son carnet, avant de relever les yeux sur la Raikage.
La question fait sourire l’albinos.

« Non. La plupart des gens me connaissent simplement parce que cette fleur se trouve dans mon œil, mais ils n’ont aucune information supplémentaire. Vous êtes la seule à m’avoir questionnée à son sujet, à vrai dire. »

Elle rit doucement.

« Peut-être que cela montre que vous êtes une bonne scientifique ? Ou que vous avez suffisamment de culot pour me poser des questions qui, pour les autres, sembleraient déplacées ? »

Itoe garde une mimique bienveillante sur le visage.

« Quelle que soit la réponse à ces questions, je suis plutôt satisfaite que vous ayez décidé de vous y intéresser. Si cela ne fait pas avancer la science, cela me permettra au moins d’avoir des réponses à des questions de longue date. Et puis, cela me permet de voir comment vous travaillez, aussi. »

Penche la tête.

« Je n’y vois, vraiment, que du bénéfice. »

Les discussions avec Yuri lui paraissent toujours d’une profonde sincérité. Elle n’a pas l’impression qu’il y ait un jugement, ou un quelconque manque de respect.
Yuri, c’est Yuri. Elle parle comme ça lui vient, elle demande ce qu’elle a envie de demander.
Elle ne se casse pas la tête avec les bonnes manières.
Au fond, ça inspire Itoe. Ça lui permet de se rappeler qu’il existe des gens qui ne la voient pas que comme la Raikage, mais comme une femme banale. Bon, avec une fleur dans l’œil, mais banale quand même.
Et, même si elle ne le dira probablement pas à haute voix, ça lui fait du bien. Ça la change un peu.

Pour l’aider ?
Parce qu’elle mérite son attention ?
Ça la perturbe, Itoe. Ça paraît plutôt innocent, dit comme ça, après tout, Itoe n’est autre que la Raikage. C’est plutôt naturel de s’intéresser à elle, de trouver qu’elle mérite cette attention.
Pourtant, elle sait. Elle sait pertinemment que Yuri ne s’implique pas quand elle n’est pas intéressée. Quand elle n’a pas envie. Elle sait qu’elle peut complètement laisser en plan quelque chose qui ne la fait pas vibrer.
Autant dire, en somme, que l’albinos est plus que touchée d’entendre ça.
Elle sourit.

« Merci, Yuri. »

C’est très aimable, vraiment gentil de sa part. Elles parviendront, toutes deux, à répondre à une question que beaucoup se posent.
Une question plus complexe qu’il n’y paraît, qui nécessite diverses analyses, divers examens que la Raikage ne connaît pas forcément.

La première étape est la prise de sang.
Elles traversent les couloirs, se rendent dans une autre pièce, située dans l’aile médicale. La pièce, remplie d’armoires pleines à craquer de tubes, produits et autres accessoires dont elle ne connaît pas le nom, est plutôt impressionnante. Au premier regard, Itoe se demande à quelle sauce elle va être mangée.
Est-ce que les prises de sang sont bien plus terrifiantes qu’elle ne se l’imagine ? Est-ce qu’il faut plusieurs produits ? Un trou quelque part ?
Itoe s’installe sur le siège sans un mot, observe Yuri avec une attention toute particulière. Est-ce qu’elle va perdre un bras ?
Elle imagine que non, évidemment, mais il y a cette voix, là, au fond de son esprit, qui lui dit que rien n’est moins certain. La Seika n’est pas une scientifique, elle ne connaît pas toutes les procédures qui mènent à un résultat. Elle va pouvoir en être témoin.
Mais elle n’est plus sûre de vouloir l’être.

Yuri revient vers elle, lui demande quel bras pour le garrot. Jusque-là, ça va encore.
Naturellement, Itoe choisit le bras droit. La scientifique se met au travail, demande à l’albinos de se détendre totalement pour ne pas que le sang parte dans tous les sens.
Le plus amusant, dans tout ça, c’est que Yuri ne la prévient pas pour la douleur, ou la gêne, mais bien parce qu’il faut nettoyer après. Et, au fond, elle a raison : nettoyer le sang c’est infâme. Ça colle, ça sent, ça tache. C’est vraiment une galère.
Itoe la comprend. Elle n’aurait pas envie de passer la serpillière non plus. Encore moins pour le sang de sa propre Kage. Quelle frayeur, tout de même ! En plus, il suffit que quelqu’un arrive, sortant de nulle part, pour constater les faits. Qu’arriverait-il à Yuri ?
Ohlala.
Itoe reste bien au calme, jusqu’à ce que l’aiguille sorte définitivement de sa peau.
Elle n’a pas perdu son bras, n’est pas morte et il n’y a pas de sang partout. Tout va bien.

À la question « as-tu mangé ce matin », l’albinos hoche doucement la tête. Derrière les rideaux, là où personne ne la voit, où personne ne la soupçonne, Itoe mange probablement plus que la moyenne. Elle mange beaucoup. Loin des radars, loin des lumières.
Dans le silence.
Entre ses baguettes et son bol de riz démesurément grand.
Elle sourit.

« Oui, tout ira bien. »

Tout ira mieux que bien, mais il ne faut pas dévoiler les secrets des princesses.
Elles pètent des paillettes et font caca des papillons, c’est bien connu.

Yuri s’arrête un instant, pose un regard plus froid sur la Kage. Plus sérieux. Sa douceur s’est effacée pour laisser place à de la méfiance.
La Miyazawa aimerait que ces recherches soient tenues secrètes, que personne ne soit au courant et que ce soit leur secret. Une étude confidentielle, qui ne concernerait qu’elles.
Il y a, dans cette demande, une logique indéniable : une personne mal-intentionnée pourrait utiliser ces échantillons pour obtenir de mauvaises informations. Itoe a beau croire en tous ses ninjas, en ses scientifiques et en toute la population Kumojin, elle ne peut se permettre de se mettre en danger. Elle est Kage. Il faut qu’elle soit prudente.
Elle hoche la tête.

« C’est d’accord. De la même manière, si un jour vous estimez avoir besoin d’aide, peu importe la nature, n’hésitez pas à m’en faire part. Je vous mettrai en relation avec des gens en qui j’ai une grande confiance. »

Pour que l’information ne circule pas. Encore, toujours.
Prendre soin de soi en se rappelant que la nature humaine, bien que majoritairement positive, peut aussi être un véritable danger.

Yuri revient alors sur ce qui se trouve sous la fleur. Itoe imagine qu’elle parle des nerfs et de tous les autres liens entre son œil, la fleur et le reste de son corps. Pour pouvoir obtenir des informations à ce sujet, la Miyazawa a besoin d’accéder à ce qu’elle appelle « l’imagerie médicale ». Cela lui permettrait de prendre un cliché de son cerveau pour en tirer diverses informations.
Itoe ne comprend pas tellement ce qu’elle lui dit lorsqu’elle parle de « zones » du cerveau, ou de toutes ces choses, mais elle est certaine qu’une fois sur le terrain, cela paraîtrait bien plus clair.

Kumo possède l’imagerie médicale. Ce n’est pas bien perfectionné, ni très performant, mais c’est probablement suffisant pour ce que souhaite faire Yuri.
La Genin s’inquiète, à juste titre, de pouvoir y accéder.
Les lèvres de la Kage s’arquent en un délicat sourire.

« Oui, vous pouvez vous en servir. Pour cela, il vous faut généralement une autorisation que vous obtenez soit auprès de Senbaru Yasue, votre supérieur au Kagakusha, ou moi-même. Dans de plus rares cas, vous pouvez également demander au personnel habilité de l’hôpital, qui vous guidera et vous assistera dans ces recherches. »

Elle penche la tête, rit doucement.

« Comme vous êtes avec moi, j’imagine que vous vous doutez que vous y avez accès. »

L’avantage de travailler avec la Raikage.

« Je vous suis. »

Pas à pas vers la compréhension de soi.
Et peut-être la maîtrise véritable de cette fleur, là, qui a pris place là où son œil devrait être.

Lorsque Yuri explique à Itoe que ça ne lui pose pas de problème de demander des accès, la Raikage n’est pas spécialement surprise. À force de passer du temps avec la Miyazawa, l’albinos s’est rapidement rendue compte que ce n’est pas l’honnêteté qui lui manque.
Yuri dit les choses comme elles lui viennent, sans trop se soucier de ce qui vient derrière. Elle n’a pas de filtre, pas de réflexion supplémentaire. Il n’y a pas de double-sens ou de sous-entendu mal venu.
C’est juste Yuri.
Droite, franche, honnête.
Yuri tout court.

Les examens terminés, les deux femmes font un détour pour stocker les échantillons dans le réfrigérateur de la Miyazawa. Itoe se doute qu’il s’agit là d’une méthode pour conserver le sang sans que qui que ce soit y ait accès. Dans la continuité du secret qu’elles ont mis en place.
Alors qu’elle termine de ranger, elles repartent toutes les deux, cette fois en direction de la salle de radiologie.
Les regards se posent sur la jeune Yuri, encore méconnue au village, puis sur la Raikage qui marche à ses côtés. D’abord surpris, ensuite envieux, certains scientifiques ont l’air de se méfier de la jeune femme, ou de la redouter. De la jalouser, peut-être.
Ça fait beaucoup de choses, mais, finalement, ni l’une ni l’autre n’en a quelque chose à faire. Yuri est une scientifique au même titre que les autres, ce qu’elle fait auprès de la Raikage ne regarde qu’elle et ladite Raikage. Surtout dans leur cas.

Elles progressent jusqu’à la salle. Une fois arrivées, Yuri s’étonne des moyens mis en œuvre au village et remercie chaleureusement Itoe de lui en donner l’accès.
L’albinos lui sourit, amusée de voir la demoiselle s’épanouir autant dans un tel univers. Elle a l’air sur un nuage, à flotter tranquillement dans un monde où elle se sent plus que bien.

« Je vous en prie, Yuri. Finalement, c’est tout aussi utile pour vous que pour moi, vu que votre savoir permettra au village de se développer d’autant plus. »

Finalement, c’est un échange de bons procédés. Yuri devenant une élite scientifique de Kumo lui donne la possibilité de mettre en œuvre son savoir, mais aussi de faire croître le village sur une voie ou une autre. Elle a des clés d’une importance capitale entre les mains et, Itoe en est persuadée, elle en a parfaitement conscience.
À terme, Yuri sera potentiellement un pilier majeur de Kumo. Reste à savoir comment elle s’illustrera parmi ses congénères.

Après cela, la brune se met au travail. Elle règle les machines, prononce des mots difficilement intelligibles pour Itoe qui la regarde sans un bruit.
La machine, là, de l’autre côté, avec les anneaux, lui semble particulièrement perfectionnée. Il faut avouer qu’elle connaît beaucoup de choses, Itoe, mais elle n’a pas toujours l’occasion de voir les possessions du village. Pour elle, ce sont des projets, des outils, elle connaît leur utilité mais ne les a pas toujours croisés pour de vrai.
Ça lui fait bizarre d’être là, face à cette machine colossale qui va permettre à Yuri de voir des choses que l’Homme ne peut voir seul.

La voix de la demoiselle ramène la Raikage sur terre.
Elle tourne la tête.

« Oh, ne vous en faîtes pas ! Je ne souffre d’aucune de ces pathologies. Ou alors, je ne le sais pas. »

Regard malicieux.
Elle pouffe.

« Plus sérieusement, non, à ce jour je n’ai jamais été traitée pour une maladie de ce style, ou simplement présenté un quelconque symptôme étrange. Je suppose donc que tout va bien. »

Ou au moins autant que possible.

Elles rejoignent la machine. Yuri invite la Raikage à s’installer sur un brancard, qu’elle pousse dans la machine. C’est assez perturbant. C’est fermé. C’est plutôt étroit, à vrai dire. Hm.
Une fois de plus, la voix de la Miyazawa tire Itoe hors de ses songes. Elle écoute ses instructions avec une très grande attention.
Il faut qu’elle se mette dans la machine qui va prendre des clichés. Cela devrait durer quinze minutes environ et Yuri dira à Itoe quand et comment utiliser son chakra, pour que les images donnent un aperçu véritable de ce qui se passe quand elle le fait.
Si elle se sent mal, elle peut lui dire, Yuri arrêtera l’examen et, malgré l’épaisseur de la machine, elle l’entendra.
En somme, c’est impressionnant, mais ça n’a pas l’air si difficile.

Itoe hoche doucement la tête.

« D’accord. »

Elle inspire longuement, expire lentement. Ça va aller.
Yuri est repartie de l’autre côté, derrière des écrans. De la pièce où elle se trouve, elle dit à Itoe de concentrer du chakra un peu partout. Pas de technique, encore une fois, mais une utilisation de l’énergie généralisée d’abord. Ensuite, au fur et à mesure, l’examen se fait de plus en plus précis. Des émanations de chakra ailleurs, dans des zones plus petites, jusqu’à arriver à l’œil.
Les tests sont progressifs, permettent à Itoe de garder sa concentration focalisée sur autre chose que l’énorme machine dans laquelle elle se trouve.
Au début, il faut avouer que son cœur s’est mis à battre plus vite. L’impression d’être emprisonnée l’a saisie d’un coup, violemment, comme un poids bien trop lourd posé sur sa poitrine. Après, quand la voix de Yuri a retenti, le calme s’est fait petit à petit. Ça a pris un peu de temps mais, à force de moult exercices et tests variés, elles ont fini par obtenir les informations nécessaires, ainsi qu’un calme relatif du côté d’Itoe.

L’albinos se détend entièrement lorsque la jeune femme lui annonce la fin de l’examen. Elle ne sait pas combien de temps elle a passé dans ce tube étrange, peut-être quinze minutes, peut-être moins, peut-être plus.
Mais il était intéressant d’être la patiente plutôt que la simple superviseuse. Elle sait de quoi il en retourne.

Au fond, jouer ce rôle permet aussi à Itoe de voir ce que vivent les malades, ce qu’ils traversent. Ça a l’air impressionnant et, il faut l’avouer, ça l’est un peu. Néanmoins, ça lui paraît largement surmontable.
On ne meurt pas d’un examen.
On meurt plutôt de ne pas le faire.
Et c’est une leçon importante à retenir, selon elle.

Sortir du tube la laisse troublée un instant. Elle retrouve le monde extérieur, cet univers spacieux dans lequel elle peut tendre les bras, bouger les jambes, sans avoir peur de heurter une machine.
Son œil écarlate se pose sur Yuri, qui a chaussé ses lunettes pour l’occasion. Itoe lui sourit.

La brune l’emmène dans la salle où elle se trouvait pendant l’examen.
L’albinos fait face à une série de clichés complexes qui ne signifient pas grand chose pour elle. Par logique, elle déduit qu’il s’agit de son cerveau, mais, au-delà de ça, elle n’a aucune idée de ce qui s’y trame. Qu’il soit malade ou sain ne lui saute pas du tout aux yeux : pour elle, ce sont simplement des formes, des taches de noir, de gris et de blanc figées sur un papier d’une autre matière.
Heureusement pour elle, la petite génie des sciences, Yuri, ne tarde pas à lui expliquer.
Son cheminement est plutôt clair, à vrai dire : tout d’abord, la brune a pris le temps de faire un cliché simple, qui se trouve sur un quadrillage. Les deux parties, à droite et à gauche, font la même taille, ce qui lui permet d’affirmer que le cerveau d’Itoe va bien. Pas de tumeur, pas de pathologie : il est en parfaite santé.
On a tendance à ne pas s’y confronter, à se répéter que ça va, en permanence, sans remettre en cause ce qui nous arrive. Devant le fait accompli, la Seika doit avouer qu’il y a un côté rassurant à savoir ça. Elle n’en doutait pas mais, quand même.
Elle hoche la tête.

Yuri poursuit en lui montrant le résultat des examens. Lorsqu’elle parle ou bouge, Itoe n’active pas les mêmes zones de son cerveau. D’une certaine manière, ça lui semble parfaitement logique. Elle est incapable d’expliquer pourquoi, pourtant, cette affirmation lui paraît implacable.
Un sourire étire ses lèvres quand Yuri la complimente. Comme pour le reste, Itoe n’est pas certaine de comprendre précisément ce qu’elle lui dit, mais ça la touche.
L’avantage ou le désavantage des sciences : quand on s’y connaît et qu’on en parle, on passe pour un génie, les autres ne comprennent pas tout mais ça donne une aura particulière. Un charisme indéniable, certes, mais une difficulté à être suivi. À être compris.

« L’expression sur votre visage m’indique qu’il s’agit d’un compliment. Ainsi, j’imagine qu’il est légitime que je vous en remercie. »

Le cheminement se fait petit à petit. Il semble être complexe même pour Yuri, qui pourtant a fait ses preuves au fur et à mesure.
Elle explique à Itoe que, normalement, l’œil est relié au cerveau par le nerf optique. Pour le sien, c’est un peu différent, à l’image des Hyûga par exemple. Les racines de la fleur ont fusionné avec le nerf optique et s’y sont entremêlées pour aller jusqu’à son cerveau. Cela la rend donc impossible à arracher et cela explique également que l’albinos puisse la contrôler comme un énième membre.
Elle cligne de l’œil valide, assimile l’information.

« Ah. »

Il n’y a rien qui suit. Elle ne sait pas quoi ajouter à cette explication.
Reste silencieuse, attend la suite.

Yuri lui explique qu’elle pourrait également prélever du liquide en passant par le bas de son dos et que ce serait douloureux. Si ça ne gêne pas Itoe, la brune préfère ne pas s’y attarder pour le moment.
Elles sourient toutes les deux.

« Plus tard, peut-être, dans ce cas. »

La brune éteint les écrans. Elle reprend, comme pour faire la synthèse de leurs découvertes du jour.
En somme, la fleur dans l’œil d’Itoe pourrait être utilisée pour réaliser des techniques, ou d’autres surprises intéressantes. Cela serait dû au résultat d’une symbiose entre la fleur et l’œil, qui permettrait la manipulation du chakra à travers le végétal. Dès lors, la fleur deviendrait un membre à part entière du corps de la Seika. Étonnant, perturbant, mais pas déplaisant. Ça peut s’avérer très, très pratique.
Néanmoins, si ce phénomène paraît très étrange, il n’est pas dangereux : Itoe ne risque rien et elle pourra continuer de vivre ainsi sans craindre pour sa santé.
Yuri lui propose de continuer à surveiller cette fleur, notamment pour approfondir leurs études. Itoe opine de la tête.

« Oui, pourquoi pas ! »

Elle laisse un large sourire naître sur ses lèvres.

« Et puis, si nous travaillons dur, nous pourrons améliorer les ressources du village en ce qui concerne les sciences. À terme, vos analyses deviendraient plus poussées encore et nous donneraient peut-être davantage d’informations. »

Satisfaite, Itoe laisse son œil valide repartir sur les clichés du jour.
Un sacré travail a été réalisé aujourd’hui, mine de rien.
Il ne manque plus que les échantillons sanguins et elles auront fait le tour des analyses.

« Quant à la prise de sang, j’imagine qu’il vous faut du temps pour les traiter ? Peut-être pourrions-nous nous retrouver, plus tard, quand vous aurez les résultats ? »

Regard complice.

« Vous n’aurez qu’à dire à ma secrétaire que vous travaillez sur un projet important à mes côtés, elle vous laissera passer sans rendez-vous. »

Cette petite machination plaît plutôt bien à Itoe. Ça permet à Yuri de s’épanouir, d’une certaine manière, tout en leur permettant à l’une et l’autre de suivre la progression de la seconde.

« Cela vous convient-il ? »

Elle penche la tête.

« Oh et, évidemment, je vous remercie grandement de m’accorder de votre temps, Yuri. Je sais que ce projet n’est pas le plus important et que vous avez certainement bien d’autres choses à faire. J’apprécie réellement votre investissement. »

Au fur et à mesure, Itoe considère moins Yuri comme juste une scientifique, davantage comme une personne de confiance, à qui elle peut confier diverses tâches sans trop s’inquiéter.
Bien que la brune soit flexible et semble s’adapter à de nombreuses situations, la Seika reste très reconnaissante envers la Miyazawa, qui n’hésite pas à mettre ses propres plans de côté pour plancher sur autre chose.
Raikage ou non, Itoe ne considère pas être plus privilégiée qu’un autre. De ce fait, le travail de Yuri dans ce sens a quelque chose de touchant à ses yeux.
Quelque chose de vraiment rassurant pour la suite.