Ordre de Mission:

Il devait y avoir une erreur. C’était les premières pensées à traverser l’esprit du Kaguya lorsqu’il entra dans l’hôpital. Il était un guerrier, tout sauf un médecin - lorsqu’on lui avait parlé de l’éboulement, il s’attendait à être assigné à une équipe de secours partie récupérer les victimes une à une afin de les amener au complexe, et pourtant… Il était là, parmi les blessés hurlant à l’agonie. A deux reprises, il essaya d’interpeller un membre du personnel sans succès, n’osant trop insister pour ne pas déranger des personnes dont l’épuisement se lisait sur le visage. Un lourd soupir lui échappa tandis qu’il se décalait pour laisser slalomer le corps soignant entre les blessés. Il se sentait inutile, cherchant à fuir les regards remplis de peine et d’espoir du mieux possible afin de ne pas apporter un réconfort vain. Ce n’était pas le champ de combat dont il avait l’habitude, même si les blessures et, surtout, les os cassés, étaient un adage classique des entraînements Kaguya. Certainement était-il plus complexe de faire consolider l’os de quelqu’un avec de l’Iroujutsu que de le faire sur soi-même avec les capacités du clan osseux.

Non loin de là, un rouquin semblait donner des instructions, éveillant une once d’espoir chez Yusuke, mais le temps d’arriver à lui, il était déjà parti en salle, arrachant un léger grognement au Kaguya. Secouant doucement la tête, le brun décida de prendre les quelques secondes nécessaires à se calmer. S’énerver sur l’assignation et en demander le changement était son envie première, mais ce n’était visiblement pas à sa portée immédiate - il ferait tout aussi bien de se rendre utile ici tant que possible. Si la vue du sang et des os brisés ne lui faisait rien, le pathétique des blessés lui donnait un haut le cœur moral dont il se passerait bien. Non, c’était même plus que ça - du dégoût, c’était du dégoût qu’il ressentait face à la l’injustice de la situation qui frappait ces pauvres habitants n’ayant rien demandé. Interceptant du coin de l'œil un homme tenant à peine sur pied en train de pousser un chariot de matériel, Yusuka se précipita afin de l’aider, faisant taire d’une simple phrase toutes les questions qui semblaient se dessiner sur le visage de l’éreinté.

Kaguya Yusuke, j’ai pour mission d’aider ici, ne me demandez pas pourquoi.

La pointe de sarcasme qu’il voulait à la chute de sa phrase était peut-être plus acerbe qu’il ne l’aurait voulu, mais l’effet espéré avait été atteint, l’autre hochant la tête dans un silence pré-mortem. Le silence dura le temps que Yusuke finisse la course, suivant la trajectoire qu’on lui indiquait, s’arrêtant ça et là pour que le personnel qualifié récupère ce dont il avait besoin - tel une vendeuse de grignotages à un spectacle, quel rêve. Parfois, il essayait d’obtenir quelques renseignements sur ce qui pouvait être fait pour aider, mais semblait-il que l’objectif de tout un chacun était de l’ignorer - ce qu’il comprenait devant l’ampleur de la situation, certes, mais ce n’était pas pour autant que c’en était moins frustrant.

Une fois le chariot vide, Yu força son compagnon de silence à s’asseoir à même le sol afin qu’il récupère du blémissant progressif qui le gagnait, tandis que lui-même se dirigea vers un groupe de soignants semblant discuter des prochaines étapes. Était-ce le rouquin d’avant qui en faisait partie ? Il avait un doute, ne l’ayant qu’entrevu.

Écoutez, désolé de déranger, vraiment. Je ne suis pas Irou-nin mais en mission pour vous aider tout de même. Transporter du matériel, des blessés entre les salles, aucun souci. Réduire une fracture, je sais faire, même panser une plaie - bien que certainement de façon moins qualifiée que vous, mais montrez moi une fois, deux fois, et je ferai comme il faut. C’est frustrant de se sentir inutile devant cette tragédie, alors dites-moi quoi faire. S'il-vous plaît.

Son ton laissait transparaître sa volonté sincère d’aider, tout comme la pointe de culpabilité d’arriver ainsi mais… C’était ça ou gaspiller un corps robuste à même d’aider alors qu’il était sur place. Était-ce vraiment de sa faute de ne pas être qualifié et d’avoir besoin d’instructions ? Il était plus qu’à même à les appliquer à la règle, corps et âme et autant que nécessaire, il ne restait qu’à espérer qu’ils choisiraient d’en profiter.

Finalement, de prêt, il était bien plus blond que roux - mais qu’à cela ne tienne. Il avait à peine pris le temps d’écouter ce que Yusuke disait, finalement, pour le diriger si vite après, forçant le Kaguya à réprimer un sourire quelque peu trop enjoué. Il avait un penchant pour les gens qui savaient ce qu’ils voulaient et qui n’hésitaient pas à le prendre, et le médecin semblait rentrer dans cette catégorie, au moins dans le milieu du travail. Hôchant la tête sans prendre la peine de répondre, le brun suivi… Il supposa qu’il s’agissait d’un infirmier d’après la tenue. Le jeune homme, et il l’en remercie, ne rechigna guère à prendre du temps avec lui, expliquant la façon adéquate de se laver les mains en conditions médicales, le reprenant à deux reprises et le faisant recommencer jusqu’à ce que cela soit “passable”. Honnêtement, il s’en contenterait, surtout devant la complexité et la maladresse dont il faisait preuve lorsqu’il s’agissait d’enfiler la tenue stérile. Putain, ça semblait bien plus simple à voir qu’à faire. Tourner sur soi-même, ne pas toucher, se relaver les mains entre deux. Yu préférait de loin les entraînements militaires qui éreintaient le corps seul, tandis que là son esprit souffrait de concert.

Habillé enfin habillé de façon décente, et manquant d’ouvrir la porte en se destérilisant complètement, que Yusuke fit son retour au côté du jeune médecin, croisant ses mains gantées au niveau de son torse tout en évitant de toucher la tenue - franchement, comment faisaient ces gens pour faire ça toute leur vie ? Transgresser chacune de ces règles le démangeait à un point infernal. Il avait bien dit… Autoritaire ? Une quantité d’idées inadaptées, générées par le stress grandissant qu’il ressentait devant cette situation imprévue, traversa l’esprit du Chuunin qui décida de toutes les ignorer, pour le moment. Il hocha les épaules de façon quelque peu indifférente.

Vu mon expérience, je serais plus rassuré qu’autre chose à recevoir des ordres. Au moins une chose dont j’ai l’habitude.

Cette phrase pouvait être tourné dans trop de sens, mais il ne le réalisa que plus tard et espérait que la vision purement professionnelle de la chose ne serait pas dépassée. L’entrée du patient coupa net le débat interne que connaissait le Kaguya, surtout que déjà les ordres tombaient ça et là, l’équipe entière dirigée tel un magnifique orchestre, se jetant sur le patient de sorte à ne jamais se déranger mutuellement. Le païen qu’il était ne pouvait en être qu’admiratif, et cela se lisait sur son visage, mais soudain ce fut son tour et il se demandait comment s’intégrer dans cette danse… Le tout sans noter la perspicacité du médecin à reconnaître son clan. Déterminé, il hocha la tête et se dirigea vers la jambe.

Fracture bi-diaphysaire ouverte à la crête tibiale qui était très superficielle - heureusement qu’il avait des notions grâce à son pouvoir, diantre. Un coup d’oeil, pas deux. C’était tout ce dont il avait besoin pour estimer la direction du trait de fracture et imaginer l’impact qui avait causé le traumatisme. Rotation externe. Soufflant calmement, Yusuke regarda une fraction de seconde les autres faire pour s’assurer d’un minimum d’analgésie - il savait d’expérience que cela faisait un mal de chien - puis il agrippa fermement la cheville de sa main droite tandis que la gauche stabilisa le genou. N’importe quelle brute pouvait donner un coup dans l’autre sens pour rétablir la fracture, mais la rotation signifiait certainement un trait spiroïde et pour ça… Il prit une inspiration profonde puis d’un geste, précis et déterminé, il tira sur la cheville, écartant plus encore la fracture, avant d’exécuter une petite rotation avec cette dernière qui eut pour effet de réduire la fracture et ré-axer le pied. Ce n’est que l’adrénaline passée qu’il la ressenti. La terrible différence de température entre le genou et la cheville. Une différence qui ne changeait pas.

Dîtes, sa jambe est froide comparé au reste. La fracture a dû léser un vaisseau, je pense ? Et je peux la garder réduite comme ça, mais si ça vous convient, quelqu’un peut m'aider à l'immobiliser maintenant ?

Mécaniquement, un os qui embroche un vaisseau ne lui paraissait pas aberrant, mais peut-être y avait-il une autre explication qui dépassait ses connaissances ?