La réflexion fut intense et le silence long. Je restais parfaitement muette le temps qu’elle juge du pour et du contre, des risques et des bénéfices possibles. Les secondes s’enchainèrent les unes après les autres, avant qu’enfin elle ne réouvre la bouche. Pour l’heure sa parole remplaçait celle de l’Hokage, si elle prenait une mauvaise décision les conséquences lui retomberaient immédiatement dessus.
Nous étions ainsi d’accord sur deux points, je ne serais pas rattachée à Konoha pour toute la durée de l’excursion, et ne pourraient compter sur aucun renfort provenant du village. Il ne me restait donc plus qu’à me faire d’autres amis, hey c’était un petit peu le but de la balade ! Grossièrement. Très grossièrement.
J’approuvai d’un mouvement de tête à toutes ses recommandations, notant autant en même temps de questionner de Jin un de ces jours et lui réclamer des détails sur cet échec si cuisant.
Suite à quoi je fus autorisée à prendre congé. Tournant les talons je réfléchissais déjà à la prochaine étape, la traversée. Parce que marcher sur l’eau en éjectant du chakra par les pieds, facile quand il est question d’une rivière, d’un petit lac, mais pas d’un océan !
Sur la route pour mon appartement je resongeais à ce sabreur nommé Haoru qui m’avait parler de ce Kaguya pirate. Quel dommage qu’il n’ait pas de navire lui-même, il aurait pu m’offrir le voyage après la baston dans le bar. Et impossible de compter justement sur ce pirate, d’une parce que justement c’était un pirate, et de deux car sans information d’Haoru sur la localisation de ce pirate, autant chercher une aiguille dans une botte de foin.

Une petite heure plus tard je ressortis de chez moi habillée comme une touriste, le plus banale possible. Un pantalon de coton noir banal, un haut marron emprunté à ma chère sœur sans son autorisation, une veste sans manche en jean brun usé également emprunté à Kaede toujours sans son autorisation disposant d’une multitude de poches – très pratique pour voyager – et un gros sac à dos. Sans aucune autre preuve de mon appartenance à Konoha que ma tronche de grande blonde. Le moment de passer les portes me fit un petit pincement au cœur. Il n’y avait pas de véritable raison mais je ne pouvais m’empêcher de songer à l’idée que c’était peut-être la dernière fois.

Il fallu toute une demi-journée pour rejoindre la cote sans éveiller le moindre soupçon. Sans courir sur les arbres, sans disparaitre quelque part et réapparaitre plus loin. Dans un certain sens c’était reposant. Pas de chakra à malaxer, pas d’énergie dépensée inutilement, juste une petite randonnée tranquille la fleur au fusil.
Passant à côté de cette auberge en lisière de la plage nommée « L'Amiral Benbow », point de départ de toute cette histoire je poursuivi jusqu’au port, aussi petit soit-il et questionna les différents propriétaires en vue d’une traversée. Les premiers essais ne furent pas concluants, trop de questions, trop de suspicion ou simplement un refus net. La sixième tentative accepta, il s’agissait d’un marin au physique musclé mais à la peau usée par des années d’exposition au sel. Contre une petite somme d’argent il acceptait de me déposer à Taketomi, sur la rive Ouest de l’ile principale sans poser des questions. J’approuvai et nous prîmes rendez-vous pour le lendemain au lever du soleil, heure de départ impératif.

Le réveil ne fut pas tendre. Moi qui avait l’habitude de roupiller toute la matinée, cette fois ça faisait mal. Mais c’était pour la bonne cause et peu de temps après j’étais sur les eaux, à bord d’un bateau de pèche qui empestait le poisson, à me tenir dans un coin pour ne pas gêner pendant que le capitaine et un de ses matelots géraient les filets. Une chance que la météo fût clémente, l’aventure à peine débutée aurait pu se transformer en cauchemar.
En chemin nous passâmes au large de Genjikyouren, une île militaire semble-t-il où étaient formé les soldats de l’archipel. Un coin où il ne fait pas bon de poser les pieds. Une petite heure plus tard, le Phare Kawaguchi. Immense édifice de roche blanche qui surplombe toute la baie et les collines derrière lui. Sacré morceau dites donc, et pour bien jouer les touristes je ne manquais pas de prendre plusieurs photos, jusqu’à arriver en début d’après-midi au port de Taketomi. Une petite bourgade touristique, à en croire le capitaine du navire, particulièrement tranquille d’après lui par rapport au reste du pays. C’était parfait. Je le remerciai sitôt à quai et inspirai profondément l’air de cette nouvelle terre. La terre de mes ancêtres.

Plusieurs détails me sautèrent cependant aux yeux sitôt les pieds sur le ponton. Le premier, le monde s’emblait s’être arrêté tant les regards avaient tous pivotés sur moi. Le second, le nombre de blessés et de malade, à croire qu’ils sortaient tous tout juste d’un affrontement, comme si ce village soi-disant touristique avait été urgemment réquisitionné et partiellement transformé en camp de soin à l’arrière du front. Pourtant sur le chemin je n’avais vu aucune guerre, sur aucune rive. Le troisième, le nombre important de militaire alors c’était censé être un coin tranquille. Et le quatrième enfin, une voix féminine sur ma droite provenant d’une fillette à peine majeure. De longs cheveux bleus – oui oui bleus, l’originalité – sur un teint très claire. Elle ne devait pas voir le soleil très souvent.

La jeune fille s’excusa de m’importuner et expliqua via la situation exceptionnelle qu’elle allait devoir me poser plusieurs questions. Ainsi qu’au capitaine du navire. Ce dernier haussa d’ailleurs simplement les épaules en même temps que préparer ses filets.
J’observai rapidement cette demoiselle des pieds à la tête. Fluette, frivole, dans une tenue qui n’a rien d’un uniforme militaire ni même paré au combat. Elle ressemblait plutôt à une touriste venue visiter le coin, comme ça devrait normalement être le cas d’après les dires du capitaine.

« Des questions ? » Fis-je en remettant mon long manteau correctement sur les épaules. « Bien entendu. Vous êtes de la police ?
- Non mais …
- Oh ? Alors qui je suis et ce que je fais ici ne vous concerne en rien jeune fille. »

Je lui rendis son sourire avec un petit air moqueur et glissai la capuche sur mon crâne blond. Si je voulais passer inaperçue et ne pas attirer l’attention, ce n’était pas en révélant tout à la première fillette venue que ça allait fonctionner, aussi ravissante soit-elle. Cependant elle pouvait s’avérer utile. Je pivotai dans sa direction et sortis un petit carnet de notes, un crayon de bois s’y suspendait au bout d’une corde de cuir.

« Par contre vous, ma belle petite, vous pourriez certainement m’aider. Je cherche un certain Mako Kaguya. Peut-être que ce nom vous évoque quelque chose. Un grand type plutôt bourru, à ce que j’ai pu comprendre, qui s’affaire à diverses "activités" en mer. Peut-être aurait-il jeter l’ancre ici dernièrement ? »

Le regard plongé dans le sien, histoire de tenter de lire ses pensées à travers, j’enchainai sans lui laisser le temps de répondre.

« Et que s’est-il passé ici ? Taketomi est sensée être une petite bourgade touristique, pas à un camp médical de fortune. »

Me saisissant du crayon, je le laissai maintenant répondre, toujours le sourire aux lèvres et prête à prendre des notes.

Son expression se fit plus dure, son ton plus froid, à n’en pas douter je l’avais vexé.
La pauvre ne comprenait pas qu’une gosse même pas assermentée par la garde de Mizu n’avait pas à poser ce genre de question. Le regard tantôt sur mon carnet, tantôt sur elle, je notais les quelques informations divulguées en ignorant purement et proprement le discours intimidant qui était offert avec.
Des attaques d’évadés d’Arashi ici aussi ? S’ils étaient aussi dangereux que ceux qui étaient venus faire un massacre à Hi, elle n’était pas au bout de ses peines. Ça expliquait quelque peu les réactions de la population locale, tous ces regards braqués sur moi comme s’ils s’attendaient à une nouvelle attaque.
La fillette, qui ne s’était toujours pas présentée d’ailleurs, enchaina les allusions blessantes, persuadée que trouver ce Kaguya était la véritable raison de ma présence. Décidemment elle insultait mais n’écoutait pas. Un trait typique de la jeunesse malheureusement. Autant lui laisser croire qu’elle avait raison, elle se montrera sans doute plus aimable grâce à cela.

Elle insista ensuite sur son souhait de me faire subir un interrogatoire. Chose qui me fit soupirer et hausser un sourcil. Pourquoi diable est-ce que je l’écoutais d’ailleurs ? Elle n’était visiblement personne, et je n’avais pas de temps à perdre.

« Les attaques des anciens prisonniers ont été rapides et puissantes. » Poursuivit-elle dans son monologue, tandis que je souriais à un enfant sur le ponton d’en-face, visiblement très intrigué par ma tenue. « Nous avons été pris par surprise, et nous agissons en conséquence. Ce "camp médical de fortune" démontre la capacité des habitants du pays de l'eau à s'organiser face aux menaces et mauvaises nouvelles. C'est une preuve que notre fierté et notre courage sont loin d'être remis en question. Maintenant madame, je vous demanderai de bien vouloir me suivre, l'entretien va être plus long que prévu. »

Puis elle fit comprendre au capitaine qu’il ne devait pas reprendre la mer avant d’en avoir terminé avec moi. Chose que l’homme au visage usé par le temps et le sel acquiesça d’un mouvement de tête, plus occupé à défaire les nœuds de son filet qu’à lui porter une réelle attention.
Je terminai ma prise de note et rangeai le carnet dans une poche sous mon large manteau.

« Ainsi donc ici aussi il y a eu des attaques. Je vois, et je comprend donc la méfiance. Appelez-moi Milly, j’ai eu l’occasion malheureuse de croiser la route de ces gens, enfin du moins ce qu’ils ont laissé derrière eux. Ils avaient rassemblé toute la population d’un village, un peu plus petit que celui-ci, et les avaient brulés vif pour ensuite assembler les corps et former un croissant de lune. De quoi faire froid dans le dos … »

Sur la face plane d’une caisse de marchandise à côté de nous je lui dessinai succinctement le symbole.

« Ensuite, non jeune fille je ne vais pas vous suivre et vous n’allez pas m’interroger. D’une parce que ce n’est vraisemblablement pas votre boulot. De deux puisque vous ne vous êtes toujours pas présenté, et de trois car vous avez des choses certainement bien plus urgente à faire que faire perdre du temps à la première femme venue sur vos terres. Là-dessus mademoiselle je vous souhaite une agréable journée, et peut-être à une prochaine fois. »

Une légère courbette puis je tournai les talons et me dirigeai tranquillement vers l’intérieur du village. Les militaires n’étaient pas loin, et n’étaient pas non plus discret, d’où la nécessité de rester tranquille et de saluer les personnes qui me regarderait un peu trop intensément.
Est-ce que la fillette allait continuer de tenter de s’imposer ? C’était fort probable, étant donné son discours réprobateur elle n’était certainement pas du genre à se laisser mener par le bout du nez. Qu’elle avait joli d’ailleurs. Vraiment ravissante cette petite dans sa robe blanche et bleue, on aurait dit une prêtresse, ou une demoiselle d’honneur ayant fuit le mariage de sa meilleure amie.

Assis paisiblement à sa table, à regarder les bateaux passer, il se dit que cette journée serait banale. Aider les paysans, guider les arrivants, s’occuper des petites tâches habituelles. Tout ce qui colle à sa routine, finalement.
Oh, oui, il a pensé que tout irait pour le mieux, que le soleil se serait levé de la même manière, pour se coucher au même endroit, plus ou moins au même moment.
Les jours raccourcissent petit à petit, le soleil décline de plus en plus tôt. Ça lui change pas grand chose, à vrai dire : ses journées se terminent plus vite et débutent un peu avant. Une routine comme une autre, encore une fois.
Un morceau de bois dans la bouche, qu’il mastique machinalement depuis plusieurs minutes déjà, il attend patiemment que vienne son heure. L’arrivée d’un autre bateau, d’une autre histoire.
Mais rien.
Les verres se vident, se remplissent, se vident encore, sans que personne ne vienne s’occuper de lui.

Et puis, d’un coup, alors qu’il va pour prendre une nouvelle tournée, on vient l’interrompre.
C’est une demoiselle, haute comme trois pommes, qui lui dit que ça sent vachement le roussi, au port. Elle est inquiète, ça se voit sur son petit minois.
Ses traits sont tirés, déformés par la peur que quelque chose n’arrive.
Avec les attaques récentes, la criminalité et tous les autres problèmes auxquels ils font face, Tomoe ne dort plus sur ses deux oreilles. De grosses cernes assombrissent son visage, en font une enfant trop adulte pour son jeune âge.

Hijikata soupire.
C’est toujours elle qui lui rapporte ce genre d’histoires.
Il s’enquiert un peu de la situation, écoute ce qu’elle lui raconte.
Apparemment, un bateau est arrivé au port et c’est là que tout a commencé. Une blondinette carrée, avec de beaux muscles, a commencé à se prendre la tête – ou pas, justement – avec une fille du coin.
Une fille aux cheveux bleus, que Tomoe a déjà croisée, mais que Hijikata n’a vu que quelques fois.
Pas quelqu’un d’oubliable, mais pas quelqu’un de trop remarquable non plus. Juste assez entre les deux pour qu’il doive intervenir.

Il met son brassard, chope son katana, qu’il réajuste correctement à sa taille.
Ils se mettent tous les deux en route, la petite fille à ses côtés. Ses cheveux noirs virevoltent au gré des brises, alors qu’elle marche vite pour suivre le rythme de son aîné.

Hijikata est un guerrier mizujin de renom, qui a été assigné à la garde de ce village il y a déjà plusieurs années. Il est bourru, a une grosse voix qui fait trembler les petits.
Une grande cicatrice lui barre le visage, symbole de ses luttes passées. Fier de son passé, de ses combats et de ce qu’il est aujourd’hui, le grand homme n’a peur de rien, ou presque.
Vêtu d’une tenue traditionnelle, il semble qu’il n’arrange que ses vêtements ; ses cheveux sont hirsutes, lui donnent un air d’homme qui sort du lit.
Au-delà de ça, Hijikata est très connu dans ce coin : les gens l’aiment bien et, surtout, ils lui font confiance. Quand il arrive et met le holà, le silence ne met pas bien longtemps à venir.
Forcément, quand il progresse jusqu’aux deux femmes, tout le monde l’observe, tendu.
Que va-t-il faire, cette fois ?

Il arrive à hauteur des deux demoiselles. Il y a effectivement la blonde armoire à glace et l’autre demoiselle, de longs cheveux bleus et un minois de poupée de porcelaine.
Il les désigne du nez, toutes les deux.

« C’est pas fini vos jérémiades ? »

Il regarde successivement les deux personnes, avant de s’arrêter sur celle aux cheveux bleus.

« Des voyageurs, on en voit tous les jours, mam’zelle. J’sais que t’as aidé la population et que certains ici te connaissent, mais j’pense pas t’avoir demandé de filtrer les arrivées, si ? »

Pose ses prunelles obsidiennes sur la blonde.

« Quant à toi, t’es la bienv’nue. Mais que j’apprenne pas qu’t’as fait des trucs bizarres, ou j’te mets toute mon équipe au cul, moi y compris. »

Il fait un tour de table, serre la main de Tomoe dans la sienne.

« C’est bon, tout le monde peut se remettre au boulot ? L’humanitaire dans l’humanitaire, la voyageuse dans le voyage ? »

Il est embêté, Hijikata. Il aime pas trop ce genre de situations, il a toujours l’impression de passer pour un grand méchant alors que c’est clairement pas ce qu’il est, à la base.
Enfin, c’est ce qu’il aime à penser, peut-être qu’il est vraiment méchant, au fond.

Explications:

« Intrus ! »

Ah bah ça n’a pas pris longtemps. Elégante la demoiselle mais tellement chiante que cela gâchait tout. Je soupirai longtemps en me retournant, levant les yeux au ciel sans chercher le moins du monde à être discrète. Elle était sûre d’elle, définitivement trop et une telle attitude lui jouerait des tours un de ces quatre. Revoilà les insultes et les tentatives pour rabaisser, le tout en ajoutant des mensonges plus gros qu’elle. Nous aurions été à Hi, la conversation aurait tournée court, et nul doute que cette grincheuse bruyante n’aurait pas apprécié. Mais hélas j’avais promis de ne pas faire de vague, alors il fallait retenir les poings et laisser couler. Elle ignorait totalement le danger qu’elle courait en cherchant ainsi des noises à une inconnue. Tss elle était si sûre d’elle que lui trancher la gorge devenait un jeu d’enfant, tant ses défenses étaient baissées.

Heureusement pour elle un soldat intervint. Tenue traditionnelle soignée, sabre à la ceinture, grande stature avec une balafre en travers du visage et une gamine peu rassurée à ses côtés.
J’inclinai succinctement la tête quand nos regards se croisèrent, puis un petit sourire s’étira sur mon visage lors qu’il prit la parole et me donna raison sur toute la ligne. Cette nana aux cheveux bleus n’avait aucunement le droit ni le pouvoir de filtrer les arrivées au port, et de toute évidence je n’étais pas là pour provoquer le chaos ; malgré un avertissement tout de même, juste au cas où.

« N’ayez crainte monsieur je ne fais que passer. Bonne journée. » Puis quand il se fut suffisamment éloigné mon sourire s’effaça pour exprimer un faciès bien moins accueillant. « Retourne d’où tu viens gamine et n’oblige pas cet homme te mettre aux arrêts. Tu as aucune idée de qui tu as en face de toi, ni de ce que tu risques à m’insulter de la sorte à répétition. Si nos routes que croisent à nouveau, j’ose espérer que tu seras assez intelligente pour faire preuve de respect et de retenue. Sans quoi ta tête ira saluer les poissons avant le reste. »

Clairement je ne riais plus, le regard se faisait menaçant, le chakra s’activait dans ma poitrine et ne demandait qu’à s’exprimer. Pour peu qu’elle ait suffisamment d’instinct et de compétence en détection, elle aurait la confirmation que je ne blaguais pas.

« De toute évidence tu ne disposes pas des informations que je recherche. Qu’à cela ne tienne je te souhaite donc une bonne fin de journée. Au revoir. »

Puis je fis à nouveau demi-tour et quitta le port pour le petit village côtier autrefois très touristique.