Il était presque l’heure. Yuri guettait la position du Soleil dans le ciel. De manière totalement innocente, elle marchait vers la grand-place tandis que les bruits de la manifestation se faisaient entendre. Le vieux commissaire avait eu le plan ingénieux de se fondre parmi la milice en arborant eux aussi les couleurs de Kumo. Tandis qu’une partie de la milice s’apprêtait à faire son apparition au sein de la foule, d’autres s’étaient expressément postés à certains bâtiments, formant deux groupes distincts, effectuant des rondes régulières afin de vérifier que toute l’opération se déroulait bien. Cela voulait également dire que les deux leaders étaient certainement perchés au sommet des immeubles pour avoir une vue plongeante de la situation. Dans les faits, elle n’aurait le temps que d’en neutraliser un seul, laissant l’autre partie au commissaire, voire Muku si cette dernière s’était présentée à temps sur les lieux.

Il était évident que son choix se porterait sur le faux forgeron, ayant quelques petits comptes à régler depuis leur dernière rencontre. Il n’y avait pas de place pour la discussion et elle comptait bien obtenir une victoire éclair sur ces malfrats. Revoyant une dernière fois son plan d’action, elle se dirigea vers l’un des bâtiments de manière nonchalante avant de percuter volontairement un garde qui se tenait devant l’entrée. Les lunettes qu’elle portait tombèrent au sol et la jeune femme fit mine de les chercher en mimant une myopie inexistence. Devant un tel spectacle de maladresse, le garde ne put se retenir de l’aider à les ramasser et à lui tendre avant qu’elle ne les remette sur son nez.

« Merci beaucoup, ça m’apprendra à regarder devant moi la prochaine fois. »

« Vous avez besoin d’aider madame ? »

Le garde s’adressa à elle de manière amicale, loin de soupçonner la supercherie qui était en train de se tramer.

« Euh oui…je cherche Usot-san. Je suis une petite journaliste qui en visite dans la capitale et il m’a offert de travailler avec lui le temps de mon séjour. On m’a dit que je pouvais le trouver ici. »

« Ah oui…votre tête me revient maintenant. J’ai vu votre visage dans le journal d’hier. Le vieux avait l’air de beaucoup vous appréciez effectivement. Mais vous êtes au courant que…enfin vous savez quel jour nous sommes aujourd’hui n’est-ce pas ? »

Yuri hocha la tête énergiquement, mimant une forte implication.

« Oui bien sûr ! Et c’est précisément pour cela que je suis venue. Il faut absolument que cet article soit parfait alors quoi de mieux que de retranscrire les évènements en assistant à la situation en direct et en compagnie de quelqu’un d’aussi expérimenté qu’Usot-san. Au pire, je ne le dérangerai pas plus que de quelques minutes alors, s’il vous plait, laissez-moi juste lui parler un instant. »

Le garde sembla hésiter un moment mais devant la mine triste de Yuri, il ne put s’empêcher de céder à sa requête.

« Très bien, attendez ici un instant. Je vais voir ce que je peux faire. »

La jeune brune patienta donc sagement jusqu’à son retour. Un sourire de la part de la jeune scientifique semblait indiquer que sa demande avait été acceptée et qu’elle pouvait rencontrer sa cible sans qu’on ne lui ait opposé de résistance. Le bâtiment comportait donc plusieurs étages et abritaient des appartements. Pour l’occasion, la plupart d’entre eux étaient vides en raison de la manifestation et l’on pouvait aisément accéder au toit en grimpant plusieurs étages d’escaliers avant de rencontrer une lourde porte de fer qui donnait sur un toit plat entouré sur tout son périmètre d’une grille qui empêchait tout accident dramatique. Usot se dressait donc sur le mur le côté de la grille le plus au nord et qui donnait directement la vue sur la grand-place. Son visage dépeignait une expression de satisfaction et il frétillait d’impatience en attendant le début d’un évènement qui ne se produirait sans doute jamais.

« Je ne vous attendais pas à vous voir maintenant Yuri. Que me vaut l’honneur de votre présence ? »

Yuri s’approcha timidement, regardant la foule en contrebas.

« Et bien disons que je profite de l’accalmie avant que la situation ne tourne au drame. »

Le vieux rédacteur en chef passa une main dans sa barbe avant de rigoler.

« Je ne vous aurais jamais imaginé aussi sadique. Moi qui croyait que vous étiez un petit agneau inoffensif. »

Yuri sourit un instant avant d’enlever ses lunettes et de commencer à les essuyer avec un petit chiffon.

« Vous savez Usot-san, je crois qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Parfois, l’ennemi est bien plus proche que ce que l’on pense. »

« C’est pour cela que nous avons pris le soin de les éliminer de notre chemin ou de les utiliser pour nous propulser davantage vers nos objectifs. »

Toujours avec les lunettes main, Yuri porta une de ses mains à son poignet et tripota les poussoirs de la montre qui l’ornait. Un mécanisme ingénieux qui permettait simplement d’égrener le temps en utilisant un système de chiffres.

« Il faut craindre et respecter les variables inconnues, Usot-san...Par exemple, savez-vous pourquoi l’être humain n’a jamais été éradiqué par une épidémie depuis le début de l’histoire de l’humanité ? »

Usot fut frappé par cette soudaine question philosophique. Peu à peu, la Miyazawa commençait à exposer sa vraie personnalité.

« Car nous sommes au sommet de l’existence ? »

Yuri hocha la tête négativement. Un soupçon de déception se lisait sur son visage.

« Non, ce n’est pas cela. En fait, peu importe à quel point l’on voudra éradiquer l’humanité au moyen d’une arme biologique, il y aura toujours quelque part, au moins une personne possédant la réponse adaptée pour faire face à ce genre de choses. Un système que la nature ou toute autre entité a mis en place pour que nous évitions de jouer aux apprentis dieux. »

Usot regarda Yuri de manière perplexe. Lui qui croyait qu’elle lui mangeait dans la main…un frisson lui parcourut l’échine tandis qu’il la fixait intensément comme pour deviner ses intentions.

« Je suis étonnée de voir que vous êtes aussi cultivée. Enfin, rien d’impressionnant quand on sait ce que vous êtes capable de rédiger. J’imagine que vos articles demandent un grand travail de documentation après tout. »

Yuri sourit à nouveau.

« Et encore, vous n’avez pas encore vu ce dont je suis réellement capable !»

Sur cette dernière phrase, Yuri lui lança ses lunettes que l’homme attrapa par simple réflexe mécanique. Cette diversion permit à Yuri d’activer sa paume de chakra et d’effectuer une tranche effroyablement précise au niveau de la gorge. Décidemment, elle aimait viser cet endroit délicat mais la jeune femme avait pas le choix car dès lors que l’humain était pris de panique, il avait une fâcheuse tendance à le faire savoir à son entourage et Yuri ne pouvait pas prendre ce risque maintenant. Cependant, là où le supplice de Tsukai s’arrêtait simplement à quelques tendons tranchés, celui d’Usot était bien plus vicieux.

« Bon, je sais que vous n’êtes pas très coopératifs et que vous êtes prêts à aller jusqu’au bout. Vous êtes restés bien trop dans le confort pendant qu’on effectuait des tâches ignobles pour vous. Combien de gens avez-vous sacrifié ? Combien de familles avez-vous détruites ? »

La peau de l’homme commençait à se teinter de rouge à une vitesse alarmante et pourtant aucune trace de sang ne semblait s’écouler de son corps. Tranquillement, Yuri s’assit par terre regardant l’homme se tordre dans sa douleur.

« Vous serez de toute façon puni pour vos péchés mais soit je vous laisse le choix de coopérer et de resterez en vie ou alors, vous dormirez pour ne plus jamais vous réveiller. »

Yuri détacha sa montre et activa un petit décompte avant de la poser bien en évidence à hauteur des yeux de sa victime.

« Franchement moi j’ai tout mon temps mais cela ne semble pas être votre cas. Ne réfléchissez pas trop longtemps car lorsque ce compteur sera arrivé à sa fin, vous n’aurez plus jamais l’occasion de le faire. »

Elle obtiendrait sa reddition coûte que coûte. Que cela par lui-même ou en exposant le corps sans vie de sa dépouille à ses sous-fifres. Restait maintenant à savoir si cela s’était bien déroulé du côté de la de Muku et du commissaire qu’elle avait rencontré plus tôt dans la journée.

Les secondes s’égrenèrent lentement. Il s’agissait de faire vite pour son interlocuteur avant que celui ne perde connaissance. Au moins, Yuri lui laissait une chance de coopérer et il était clairement indiqué sur son visage que ce dernier n’était pas habitué à subir ce genre de traitement. Ne désirant pas rendre son dernier soupir, le vieil homme implora le pardon de la scientifique et, d’un hochement de tête, il lui indiqua qu’il était prêt à taire la révolte. Malheureusement, pendant que Yuri jouait avec le pseudo forgeron, l’assaut fut donné. En soi, elle n’avait pas vraiment trouvé le moyen de l’éviter sans éveiller des soupçons mais elle pouvait toujours faire en sorte qu’il y ait le moins de victimes possible.

Profitant de la vue imprenable qu’elle avait sur la  grand-place, Yuri assista à un déferlement de personnes qui se ruèrent sur les manifestants. Tous étaient équipés des tenues du village des nuages mais le cortège si bien ficelé fut arrêté net dans sa course par une volée d’éclair en série qui en foudroya un bon nombre d’entre eux. Ce geste signifiait ainsi que sa partenaire avait réussi à libérer leurs camarades mais Yuri ne doutait pas qu’après plusieurs semaines de servitude et le fait qu’ils aient à peine recouvert leur esprit impactait fortement leur aptitude au combat. Les policiers déguisés dans la milice lui donna encore un peu de répit. Certains combattaient vaillamment les faux ninjas de Kumo tandis que d’autres aidaient les manifestants à se mettre à l’abri.

Concrètement, Yuri n’avait pas le temps de descendre et d’intervenir puisque si elle s’exposait à un aussi grand nombre de personnes, elle ne ferait que de risquer de se blesser inutilement. Désireuse de ne pas provoquer davantage d’effusion de sang, Yuri fit franchir le grillage le corps comateux du vieil homme précautionneusement tout en le retenant par les jambes afin qu’il ne tombe pas dans le vide.  Elle attira ensuite l’attention de la foule en contrebas en faisant simplement exploser un parchemin en l’air.

« Bien, maintenant que vous avez tous mon attention, je vous conseille de déposer les armes ou je le fais basculer dans le vide. »

Décontenancés par ce nouvel élément de surprises, la foule arrêta les combats et ennemis comme alliés avaient maintenant le regard rivé sur elle.

« Je dois avouer que votre plan était ingénieux et franchement, j’ai du construire un plan d’action sur le moment sans trop savoir si cela fonctionnerait. Cependant, vous vous êtes trop joués de la population et vous vous sentiez tellement invincibles que vous avez baissé votre garde. Je sais que certains d’entre vous on rejoint son mouvement par simple effet de marée et je suis prête à parier que vous ne vous rendiez même plus compte du mal que vous alliez engendrer. »

Yuri lança un regard de mépris à sa victime qui devait sûrement lutter pour rester éveiller.

« Regardez autour de vous. Est-ce là l’image que vous voulez laisser aux générations futures ? Vous voulez vraiment que l’histoire se souvienne de vous comme des meurtriers ? Le sentier que vous avez choisi ne contient aucun dénouement favorable. Pour une fois, posez vous les bonnes questions et cessez de vous faire berner par le premier bonimenteur venu ! »

Une pointe d’hésitation semblait animer certains combattants mais ils durent bien vite se rendre compte de la véracité des propos de la scientifique. Usot avait été capturé et sans ce vil manipulateur pour maintenir le feu de leur résistance, les miliciens n’avaient plus vraiment de raison de continuer à lutter. Ils avaient suivi ses ordres mais il avait fini par se faire attraper alors ils n’avaient plus de raison de le suivre. D’autant plus que tous les aristocrates s’étaient retirés depuis longtemps, laissant le travail difficile au bas peuple. Devant une telle désillusion, une grande majorité de cette petite armée déposa les armes et les policiers s’occupèrent de contrôler la situation.

Quant à Yuri, elle descendit avec son interlocuteur et s’occupa de lui administrer des soins afin de purger le mal qui rongeait son corps. Ce n’était pas une meurtrière et elle ne prenait aucun plaisir à voir les autres souffrir et sans doute aurait-elle procéder autrement si elle avait pu disposer de plus de temps. Décidant d’économiser un maximum son chakra, elle s’affaira à soigner les miliciens qui n’avaient pas succombé à la puissante attaque de foudre des ex-captifs, estimant que personne ne devait mourir inutilement. Encore moins lorsque ces derniers avaient perdu la volonté de combattre.

Deux des trois leaders avaient été défaits mais dans la cacophonie qu’avait engendré le début de l’attaque, Yuri imagina que l’orateur avait déjà quitté son perchoir et s’était évanoui dans la nature. Ils pouvaient toujours essayer de le traquer mais pour l’heure, il fallait faire le bilan de leur contre-attaque avec Muku. Malgré son économie d’énergie, la jeune femme se sentait un peu fatiguée d’avoir soigné autant de personnes sur un si court laps de temps et elle aurait certainement besoin d’une bonne dose de nourriture pour restaurer ses réserves en chakra. Tandis que la police locale procédait aux arrestations, Yuri profita du semblant de calme restauré et attendit patiemment que sa partenaire la rejoigne pour faire un point sur la situation.

Le calme revenait peu à peu dans la capitale et la majorité des militants avaient été appréhendés. Une fois que Yuri eut fini de soigner tout le monde, elle reçut un message discret de la part de sa partenaire sous forme d’un petit oiseau en papier. Dans les faits, Yuri n’avait pas vraiment pu voir les capacités de Muku a l’œuvre mais Yuri se doutait bien qu’elle était très compétente. Visiblement, la jeune Senbaru avait été beaucoup plus discrète et souhaitait garder sa couverture pour de futures missions, ce que la jeune scientifique comprenait parfaitement.

« Effectivement. J’ai neutralisé Usot avec une puissante technique qui l’a rendu aussi inoffensif qu’un nouveau-né. Il est actuellement plongé dans un profond coma mais ses jours ne sont pas comptés. La prochaine fois qu’il se réveillera, cela sera sûrement au fond d’une cellule en attendant son jugement. En ce qui concerne Tsukai, je lui ai rendu visite un peu plus tôt dans son échoppe. Après un interrogatoire légèrement musclé, je l’ai enfermé dans l’arrière -boutique. A l’heure qu’il est, le commissaire doit déjà avoir mis la main dessus puisque je lui ai remis la clé du marchand que j’ai moi-même subtilisé sur son corps inconscient. »


Quant à sa troisième cible, la jeune femme en reçut les informations de la part du vieux policier un peu plus tard dans la journée. Des informations qu’elle partagea volontiers avec sa compagne autour d’une table. Selon son rapport, Heishi ne s’était jamais présenté à l’évènement. Lorsque les policiers avaient pris d’assaut le bâtiment dans lequel l’orateur aurait du se trouver, ils mirent la main sur un homme dont la carrure et l’accoutrement aurait pu faire penser à Heishi. Malheureusement, ce dernier n’était qu’un leurre pour faire croire que la cible avait été présente. Dans les derniers instants de préparation de la manifestation, Heishi aurait probablement trahi ses propres complices et rejoint ses supérieurs au cas où les deux autres se feraient prendre. Un sacrifice nécessaire qui assurait qu’au moins une des trois cibles s’échapperaient au cas où l’ordre se serait rétabli à Murayouri.

« Décidément, Heishi était plus futé que les autres. Si j’avais fait le choix de me diriger vers l’autre bâtiment, non seulement je n’aurais pas trouvé Heishi mais en plus, j’aurais peut-être laissé échappé Usot aussi. Quoi qu’il en soit, nous devons être plus vigilants à l’avenir…enfin surtout moi maintenant qu’ils savent que je ne suis pas une gentille journaliste innocente. Enfin bref, je pense que nous avons fait de notre mieux et avec le temps qui nous était alloué, je doute que nous aurions pu nous en sortir aussi bien qu’aujourd’hui. En tout cas, ce fût un plaisir de collaborer avec toi…enfin, même si je pense pas entreprendre une autre mission d’une telle envergure avant quelques temps. »

En effet, elle avait laissé du travail au Kenkyusha et il fallait bien que quelqu’un retourne au village des nuages pour l’accomplir. Quoiqu’il en soit, la mission avait porté un sérieux coup au moral du Jinsei et cela leur laissait un peu de temps avant que l’organisation ne tente une nouvelle manœuvre à la capitale ou du moins, c’est ce que Yuri espérait au fond d’elle.

Hrp et suite: