Les réponses de la Mekata provoquent en elle une réaction assez simple, un sourire naturel auquel elle ne pense pas. Vivre paisiblement, c'était idyllique et c'était sûrement ce dont avait le plus besoin le monde. Mais y parvenir allait demander une quantité d'efforts que la plupart n'était sûrement pas prêt à fournir. Elle même les avait fourni, contrainte et au regard de son passé comprenait comme nombreux préféraient la facilité. Nombreux, pas majoritaires mais suffisants à faire rejaillir toute la cruauté et l'obscurité des hommes... Bien sûr, Hazure n'y avait jamais aussi profondément pensé, elle restait une personne plutôt simple et éloignée du discours philosophique ou idéologique.

À mes côtés ? Se dit-elle en fixant Kansai qui avait évoqué la science. D'où pouvait provenir cet attachement que la blonde semblait avoir pour elle ? Elles s'entendaient bien mais Hazure ne cherchait ni à séduire ni à créer aucune ambiguïté. Ce n'était même pas un aspect de sa vie auquel elle pensait spontanément, ou d'elle même. Elle continua de la fixer avec un certain intérêt, jusqu'à ce que l'ami serveur de la scientifique n'apparaisse à nouveau, avec un seul plat. La Tegami, acquiesçant d'un simple mouvement de la tête, remarqua à quel point elles pouvaient être différentes. Le seul lien qu'elles avaient, était Suna. Kansai semblait être foncièrement bonne, réellement gentille...

Hazure prit donc une brochette, d'une main, et de l'autre attrapa un second pic qu'elle lui tendit.

-Pourquoi... à mes côtés ? Lui demandait-elle sur un ton très doux qu'on ne lui connaissait pas. Un ton qu'elle n'employait qu'exceptionnellement, dans des situations particulières, presque indicibles. Tu es... gentille, Kansai. Vraiment. Peu importe la situation. Tu l'es. Donc je ne crois pas pouvoir être un modèle ou quelqu'un d'idéal pour toi. Tu serais déçue au final. Avait-elle ajouté en glissant un morceau de viande grillée dans sa bouche. Ou peut-être pas. Haussait-elle les épaules. C'est à toi de voir en fait. Je t'aime bien aussi. Et j'ai compris que, toi, c'est un peu plus que bien. Finit-elle en reprenant un bout de viande.

Cette hésitation, encore. Hazure expira brièvement en dégustant son plat, et laissant tout le loisirs à l'ingénieure de s'exprimer davantage. C'était étrange, elle sembla figée jusque ce que tout à coup elle se réveille. Elle s'était levée subitement, faisant face à la Tegami et manquant de renverser les verres se trouvant sur la table. Hazure reposa doucement sa brochette, étonnée et lui esquissa un sourire. C'était ce qu'elle attendait. De la décision, de l'assurance et l'oubli des apparences.

La tatouée se retint d'un rire lorsqu'elle lui posa sa question, se disant "ah, l'hésitation, le retour". Elle ne sut si cela pouvait se lire dans son regard, mais elle l'encourageait silencieusement à poursuivre sur sa lancée. Qu'elles soient amies n'était pas ce qu'elle voulait dire, car elles l'étaient déjà, même si n'était que depuis peu. Elle avait aussi compris autre chose, pourquoi elle semblait si nerveuse. Sa façon de lui parler, de lui sourire. Cela devait faire un long moment qu'elle y pensait, elle avait sûrement le traque.

Elle se reprit, et ce qu'elle pensait vraiment finit par "sortir". Hazure la trouvant un peu enfantine, mais c'était un énorme progrès. Un seuil avait été franchi. La Tegami avait eu le temps d'y penser, moins que Kansai évidemment. Homme ou femme... peu importait pour la brune, tant qu'on ne lui "prenait pas la tête". Et visiblement, la Mekata n'avait aucun problème de ce côté non plus.

-Que nous sortions... c'est adorable. Rigola-t-elle. J'accepte. Hochait-elle la tête. Au moins, comme ça... Tout le monde est au courant. Tu devrais t'asseoir aussi. Dit-elle en faisant signe de la main à un Sunajin qui les observait avec un étrange regard. Tu sais ce qui m'a tout de suite plu chez toi quand on s'est rencontrées ? Ta spontanéité. Finit-elle en lui tendant une serviette pour sa main.

Elle verrait bien jusqu'où irait cette "spontanéité".  

-J'ai appris. Je n'étais pas aussi calme avant. Répondit-elle en souriant, l'observant manger. Elle n'avait pas imaginé pouvoir s'attacher à une personne, même amicalement, avec tant d'aisance. Être là, avec cette femme et avoir avec elle un échange si simple lui remémorait une rencontre faite dans son passé. Lui rappelait toute cette partie de sa vie.

Hazure ne l'avait pas encore remarqué, mais la Mekata parvenait à lui faire oublier ses responsabilités alors que c'était elle même -Hazure- qui lui avait demandé de ne pas la voir comme la Kazekage, ce soir. Elle y parvenait remarquablement. La Tegami sourit lorsque Kansai porta son attention sur la brochette à moitié dévorée. Elle n'avait rien, cela ne la gênait pas un instant. La faim ne la tiraillait pas. Son propre appétit s'était étonnement réduit depuis quelques temps.

Néanmoins...

-Non. Fit-elle en posant délicatement sa main sur le poigné de la blonde. Elle se pencha et attrapa les deux morceaux restant sur le bâtonnet de ses lèvres. Elle mâcha et avala rapidement, par chance la viande était d'une extrême qualité, tendre et ses tranches plutôt fines. Pas besoin. J'ai fini. Avait-elle repris, s'étant redressée et toussotant, le poing fermé devant la bouche.

Arme de séduction ou envie de passer à autre chose, Hazure était la seule à le savoir. Mais elle savait que cela provoquerait une réaction chez Kansai. Elle n'avait eu que quelques contacts physiques innocents avec la jeune femme, purement professionnels ou involontaires. Mais elle avait remarqué sans y prêter plus d'attention que la Mekata changeait légèrement d'attitude après certains d'entre eux.

Sans l'enserrer ni même exercer une quelconque force, Hazure ne l'avait pas lâché, et avait simplement gardé sa main sur la sienne. C'était différent des autres fois, des échanges lors d'entrainements, ou lorsqu'elle lui tendait un document et que leurs doigts s'effleuraient.

-Tu as les mains douces pour une mécanicienne. S'étonnait-elle en la relevant.

Ce rendez-vous improvisé, presque spontané, prenait une tournure plus intimiste. Encore loin d'être indécente cela-dit pour le lieu.

-Je peux être bien des choses. Dit-elle à demi voix avec un sourire à peine perceptible. Elle avait voulu provoquer une réaction mais ne s'était pas attendue à celle-ci. Hazure ne détacha pas un instant le regard de la blonde et en réalité, pour une fois, elle ne savait pas exactement comment réagir; elle allait voir. La vérité était que par le passé si elle avait connu quelques plaisirs, jamais on ne lui avait parlé ainsi, ni montré de tels sentiments. Sûrement pour diverses raisons...

Elle avait senti son coeur battre plus rapidement, un stress léger qu'elle connaissait déjà; similaire à celui qu'elle éprouvait lors d'une mission ou... D'un contrat plutôt. Mais ce n'était pas ce qu'elle avait pu ressentir en compagnie d'autres personnes qu'elle avait connu intimement. Ce n'était pas comparable. Elle aussi, comme attirée par un force invisible, réduisait la distance les séparant mais alors que toutes deux approchaient de la fin du chemin, cette voix maintenant familière se dressa en obstacle.

Hazure se redressa et l'observa un court instant ainsi que le reste de la salle. Certains semblaient intrigués, d'autres faisaient mine de ne voir que leur assiette et quelques uns semblaient dérangés. La Tegami se fichait bien des apparences, des regards et des critiques. La bienséance ne faisait pas partie de ses prédispositions, et même "éduquée" à Minami; elle n'y accordait qu'une vague importance. Cela-dit, elle avait appris le sens du respect, appris à respecter et, ici...

-Navrée. Vous avez raison, ce n'est pas le lieu. Veuillez m'excuser. Inclinait-elle légèrement la tête. Vous pouvez nous apporter... la note, oui. Avait-elle ajouté en se grattant l'arrière du crâne. Acquiesçant, le serveur s'en alla, les laissant pour quelques secondes le temps de faire ses savants calculs. Hazure fixa Kansai. Esquissa un sourire amusé. Tu vas y arriver ! Tu étais à ça. Montrait-elle un petit écart entre son pour et son index. Attendant que le serveur revienne et que la Mekata retrouve ses esprits, elle se demanda à quoi pourrait ressembler la suite si cette simple tentative l'avait ainsi transportée. Puis l'ami de Kansai revint, un petit papier à la main qu'il déposa sur la table.

Hazure y jeta un œil distrait et déposa la somme demandée. Elle se leva et fit un signe de la main au serveur qui les regarda, un air satisfait voire enjoué. Elle tendit la main à la Mekata pour l'inviter à la suivre et rejoignit l'extérieur du petit restaurant. La nuit était tombée sur le village et les lampions servant d'éclairage avaient tous été allumés. A cette heure et dans ce quartier il y avait encore de l'activité. Des Sunajins rentrant chez eux, d'autres se promenant simplement. Un ou deux, des ninjas de plus, les croisèrent. Saluant Kansai et la Kazekage au passage sans vraiment prêter d'attention à leurs mains jointes.

-Tu vois, il n'y a vraiment pas besoin de stresser. En dehors de nos fonctions, nous sommes tous des hommes et des femmes pour la plupart contents du moment présent et ne prêtant pas attention aux moindres détails. Lui sourit-elle tandis qu'elles marchaient toujours le long de cette grande rue du village. Autrement dit, tout le monde s'en fout. A part dans un restau, car les gens y vont pour manger. S'esclaffait-elle en lui adressant un sourire. Depuis le temps, tu dois savoir que lorsque je suis concentrée sur un objectif ou sur un travail, ça devient difficile de m'en distraire. On est un peu pareil sur ce point. Continuait-elle, la regardant et observant devant elle de temps à autre. Je n'avais pas forcément bien compris il y a... quelques mois. Dit-elle à moitié pensive. Tous ces signes... Hum... Toute à l'heure j'ai dit "j'accepte", comme s'il s'agissait d'accepter une mission... Laisse moi te reformuler ma réponse : je serai ravie que nous partagions plus qu'un bureau et quelques dossiers. S'était-elle arrêtée en la regardant avant de dire : Même si je trouve très enfantin de demander la permission avant de se lancer haha ! Resta-t-elle polie.

Elle continuait sa balade, accompagnée de Kansai, profitant de la fraîcheur du soir et observant les ciel étoilé sans penser aux défis qui l'attendaient, les attendaient tous. Le temps de quelques secondes elle trouva la Mekata étrangement silencieuse, d'un coup d'œil elle la vit cogiter puis elle répondit soudainement.

Et la suite se passa assez rapidement. Serrée contre elle, la blonde avait trouvé le moyen d'atteindre ses lèvres, surprenant Hazure. Cette dernière, une fois l'étonnement dissipé, répondit assez simplement à son approche, ou son appel. Kansai ne la laissait pas indifférente, même si ses n'équivalaient sûrement pas les siens. Emotionnellement et même physiquement, c'est extrêmement bénéfique de savoir que l'on compte pour quelqu'un. Hazure n'était pas une exceptions.

Elle délia ensuite ses lèvres des siennes, son regard d'ambre profondément ancré dans celui de la scientifique. Un sourire prit forme, plus doux et bienveillant encore que le dernier. Chaque geste et attention de Kansai à son égard développait un peu plus, à chaque fois, son attachement.

-Ce ne sera donc un secret pour personne. Continuait-elle de sourire, en prêtant une attention distraite à tous ceux qui de passage avaient vu cette preuve d'affection entre les deux femmes. Une "association" qui semblerait, au début du moins, bien étrange aux yeux de plusieurs personnes. Donc, tu ne devras plus m'appeler que par mon prénom, ou... Au moins, plus par mon titre. D'accord ? Lui demandait-elle en reprenant leur paisible marche.

Hazure qui n'était pas connue pour sa douceur ou sa tempérance, s'entichait de Kansai qui reflétait souvent, dans ses mots et ses actes, une image chaleureuse bien qu'un peu caractérielle... Comment cette dernière avait pu être si attirée par la Tegami ? C'était sûrement l'une des questions que se poseraient certains, pas la plus acerbe.

-Hazure... chan... Hmm. Si tu veux. Sourit-elle. Elle trouvait ça toujours aussi enfantin, mais contrairement aux personnes indécises, cela ne la dérangeait pas et c'était peut-être même tout l'inverse. Ah en public... Tu m'appelles comme tu veux, c'est davantage les autres que tu devras respecter, et toi même. Avait-elle repris en faisant quelques pas, la conviant à poursuivre leur chemin. Bien sûr, Kansai. Tu n'auras pas de traitement de faveur. Nos devoirs passeront toujours avant nos sentiments. Comme les intérêts de Kaze et Suna passeront toujours avant les miens. Dit-elle convaincue. Cela faisait un moment maintenant qu'elle s'était faite une raison.

Ses anciens camarades ne comprenaient pas comment elle avait pu tant changer, passer d'une criminelle sans pitié qui n'en avait rien à faire des autres, sans liens, sans attaches, avec le plus grand mépris pour la loi... à cette femme, certes avec un tempérament, caractère etc loin du politiquement correct, mais plaçant désormais la justice et la justesse devant tout le reste. Mais l'explication était assez simple : par la force des choses. Pour protéger ces anciens camarades et faire en sorte que chacun puisse vivre paisiblement ou tout au moins, sans s'entretuer. Il y avait certainement d'autres explications à ce changement.

-Enfin, ça n'empêche rien... Ajoutait elle d'une voix suggestive, le regard perçant. Trop rapide sûrement, elle s'en fichait en fait. Elles étaient adultes, et si Kansai pouvait avoir des comportements parfois enfantins, cela faisait des années, des décennies même que ceux d'Hazure étaient morts. Ce qui ne faisait pas d'elle, non plus, une prédatrice. Pas dans ce domaine. Juste pour savoir, je suis la première personne avec laquelle tu "sors" ? Demanda t elle, moqueuse et allant jusqu'à mimer le "guillemet" de sa main libre, tandis qu'elles approchaient du bout de la rue centrale du quartier Tegami.

Le chemin qu'elle avait parcouru pour pouvoir tenir sa main et être plus qu'une assistante suggérait à la Tegami que la blonde n'avait pas vraiment d'expérience quant à ce genre de relation... Hazure n'en avait pas non plus tant que ça, du moins pas concernant des relations sérieuses, stables, sereines... normales, pour résumer. Mais elle n'avait jamais tourné autour du pot ou hésité. Lorsqu'elle voulait, avant, elle prenait si on lui en donnait l'occasion. Mais Junapura et certains de ses habitants étaient moins "délicats" que Kansai, moins "fleur bleue".